beverlycoutret

Abonné·e de Mediapart

3 Billets

0 Édition

Billet de blog 13 novembre 2024

beverlycoutret

Abonné·e de Mediapart

J'ACCUSE par Beverly Coutret

Lettre à l'Etat Français

beverlycoutret

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

  J’accuse l’Aide Sociale à l’Enfance, plus précisément la Maison d’enfants les Cèdres à Jouhe dans le Jura et Marianne CERUTTI (éducatrice), Elisabeth STEVENS (Cheffe de Mission ASE Protection), Sabine CHOUMILOFF (assistante sociale) ainsi qu’Armelle GABRY (assistante familiale) d’avoir failli à leur rôle d’accompagnement, d’aide et de protection :  m’avoir harcelée, dépeinte comme une tyran de même que s’être détournées de mes vraies problématiques. De m’avoir persécutée avec des discours transphobes et sexistes. D’avoir négligé le harcèlement que je subissais ainsi que mes troubles du comportement alimentaire. De m’avoir traumatisée davantage alors que j’avais besoin de soutien et de reconnaissance pour m’épanouir.

  J’accuse Laurence POMA (assistante sociale) des faits énoncés ci-dessus et de m'avoir laissée dans la rue sans solution d’urgence tout en rapportant des mensonges à la juge sur ce qu’elle m’avait proposé. 

  J’accuse la docteure Clara AUBRY et son équipe du service de psychiatrie à Besançon d’avoir détourné l’objectif de mon hospitalisation, d’avoir nié mon identité de genre et d’avoir voulu me faire subir une thérapie de conversion moderne ainsi que de ne pas avoir pris au sérieux mes dires concernant mon rapport à la nourriture. 

  Enfin, j’accuse l’Etat Français ainsi que le département du Jura d’avoir failli à leur devoir de protection et de prise en charge des mineurs.

  La démarche que j’entreprends ici n'est qu’un devoir de justice pour toutes les victimes du système.

  Je veux faire acte de transparence dans l’Histoire Française. Je veux joindre ma pierre à l’édifice du mouvement qui consiste à lever le voile sur la face cachée du système de protection de l’enfance. Je veux révéler les violences institutionnelles et les défaillances de l’Etat Français dont j’ai été victime. Je suis sortie sauve mais pas saine de l’Aide Sociale à l’Enfance où j’ai été placée de mes onze à mes dix sept ans. C'est donc en connaissance de cause que je témoigne des violences et traumatismes que j’ai vécu dans cette institution qui était censée me protéger, et me permettre d’évoluer afin de devenir une adulte autonome. La raison qui m’a conduite à l’ASE était les maltraitances de mes parents : du plus loin que je me souvienne, leur éducation se caractérisait par la violence. On a retrouvé dans mon dossier médical scolaire des faits alarmants émis par les institutrices de l’école maternelle de Sampans : « En 2003-2004 : il est indiqué un signalement suite à des constats de traces de brûlures de cigarettes et de cheveux arrachés. En 2004-2005, [Beverly] est en moyenne section de maternelle : il est indiqué un signalement suite à un coup de poing que [Beverly] a reçu de sa maman et qui a occasionné une perte de connaissance. En 2009-2010, [Beverly] est alors en CM1 : il est indiqué un signalement sans constat de coup suite à des révélations faites par [Beverly] selon lesquelles [elle] serait victime de claques et de coups de pied de la part de son papa. [...] traumatisme crânien à 5 ans [...] hospitalisée à l’âge de 6 ans pour anorexie… ». 

  Je n’ai pas oublié toutes les fois où mes parents me poursuivaient autour de la table à manger pour me tabasser au sol, toutes les fois où j’étais molestée à coups de martinet et lorsqu’avec mon frère on avait le malheur de couper les lanières de cet instrument, c’est avec le manche qu’on était battus. Toutes les fois où ce petit homme, me servant de père, me traînait de force jusqu’à la salle bain pour me jeter dans la baignoire et me faire subir une douche glacée toute habillée. Je braillais alors, me raccrochant à tout ce que je pouvais, aux murs et cadrans de porte, en vain, car je n’étais qu’une enfant et que l’on pouvait disposer de moi. 

  Je devais respecter l’autorité parentale qui n’était jamais remise en cause. Je n’ai pas oublié la fois où, en séjour dans la région lyonnaise chez ma sœur Emilie, mon père m’a poussée dans le fleuve et je me suis ouvert le genoux sur des rochers. La jambe en sang, les seuls soins auxquels j’ai eu droit furent des léchouilles de chien. Il paraît que la langue d’un chien a des « vertus cicatrisantes ». Ou bien encore la fois où ma mère, hurlant tout en me courant après pour me frapper, me jeta une règle en métal au visage, ce qui m’a valu un passage aux urgences le soir même. Parce qu’on ne m’a pas présentée à un médecin directement après cet incident, elle a attendu que se passe l’après-midi puis la soirée, en racontant que j’étais tombée dehors, et je n’ai pas nié son mensonge.

   Ce n’est là qu’un bref résumé du calvaire que je vivais au sein du cocon familial, je vais m’abstenir de vous détailler tout ce que j’ai pu vivre. Que ce soit par des cicatrices physiques ou des maladies chroniques, mon corps a en mémoire toutes ces violences. Mais le système n’a réagi qu’en 2011, j’étais alors en classe de 6e. C’était le jeudi 12 avril que cet engrenage infernal s’est enclenché. J’ai été rouée de coups la veille car j’avais reçu des heures de colle. Ma professeure de français, inquiétée par mon attitude effacée et mes griffures dans le cou, m'a posé des questions à la fin du cours. Il n’a pas fallu longtemps pour que je me confie, les larmes me sont montées aux yeux rapidement et j’ai déversé ce que j’avais sur le cœur. J’étais loin de me douter que mes petites confessions engendreraient autant de chaos. 

  Le jour même, la médecin scolaire Michèle LARIQUE m’a examinée et a constaté griffures, pétéchies et tuméfaction sur mon corps. « [Beverly] dit qu’elle a souvent des heures de colle, « ils me tapent à chaque fois » et qu’[elle] est frappé[e] aussi lorsqu’[elle] fait le bazar à la maison. [Elle] a peur que l’on parle de ces faits à ses parents, peur de rentrer ce soir. [Elle] parle doucement et a une attitude renfermée et craintive. [Elle] envisage pour [elle] une famille d’accueil. [Elle] est fatigué[e], a des problèmes de sommeil depuis plusieurs années, met longtemps pour s’endormir, se réveille la nuit et ne peut se rendormir. J’avais rencontré [Beverly], âgé[e] de 5 ans, le 14 juin 2005 (cf. Signalement joint) à l’école de Sampans pour un hématome de 1,5cm sur la joue droite (coup de poing de sa mère parce qu’[elle] avait dit des gros mots et embêté sa grande sœur de 15 ans. J’avais rencontré sa mère à l’école qui avait parlé de difficultés familiales, d’angoisse par rapport à l’épilepsie de [Beverly] ».

  Le lendemain, le principal m’a convoquée dans son bureau en présence de la CPE et des forces de l’ordre. J’ai été emmenée à la gendarmerie de Dole, j’y suis arrivée à 17h où j’ai été interrogée. J’ai le souvenir d’avoir mal vécu cette audition. Puis ils ont convoqué mes parents, que je n’ai pas souhaité voir. J’étais effrayée, je culpabilisais et je craignais des représailles. J’ai attendu dans un bureau acculée par le froid et la faim. A minuit, un éducateur est venu me chercher pour me ramener au foyer d’enfants les Cèdres à Jouhe. J’étais abattue. Ma première interrogation est la suivante : pourquoi le système a-t-il attendu un quatrième signalement pour enfin me mettre à l’abri ? Pourquoi aucune mesure n’a été prise avant ? C’est une double peine de subir la négligence du système en plus de la maltraitance familiale. 

  Le fait est que j’étais à mille lieux d’imaginer vivre une adolescence tout autant traumatisante. Les éducateurs du foyer n’ont pas tardé à me créer une personnalité dans leurs rapports au Juge des enfants, décrite comme une enfant « sournoise » qui cherche à monter les jeunes du foyer les uns contre les autres mais aussi ma famille contre l’équipe éducative. Rapidement, je n’étais plus perçue comme une enfant victime de violences mais comme une gamine manipulatrice et on oubliait vite quel rôle avaient joué mes parents pour que je me retrouve ici. Et c’est ce qui a persisté durant tout mon suivi par les services de l’aide sociale à l’enfance. Mon éducatrice référente, Marianne CERUTTI écrivait : « Les éducateurs du groupe week-end ont évoqué le comportement manipulateur voire sournois de [Beverly]. [Elle] peut être décrit[e] comme un[e] pré adolescent[e] avec de multiples facettes. En fonction de ses intérêts personnels, [elle] montre différents traits de personnalité. [...] [Elle] sait facilement arriver à ses fins, notamment pour générer des conflits entre sa famille (ses parents et sa sœur Emilie) et l’institution, si nous n’y prenons pas garde. Pour tester la cohérence de l’équipe pluridisciplinaire, [Beverly] a tenté à plusieurs reprises de me faire réagir en inventant des propos [...] ». Elle a également commenté la première visite médiatisée que j’ai eu avec mes parents le 9 mai 2012, elle s’interroge alors : « Après des embrassades dont [elle] était très gêné[e], [Beverly] s’enferme dans un mutisme, n’osant pas regarder ses parents. Ne s’attendant pas à cette réaction et voulant que s[a] [fille] sourit, Mme COUTRET lui tient des propos maladroits et secs. J’écourte la visite pour ne pas la rendre gênante pour chacun. [Beverly] est-[elle] trop mal à l’aise pour parler ? Quel sujet de conversation aborder après cette séparation ? [Beverly] souhaite-t-[elle] punir ses parents ? Veut-[elle] leur montrer que c’est [elle] qui décide ? » Madame CERUTTI poursuit : « La visite médicale d’admission auprès du Dr FOURCHOTTE signale un surpoids à surveiller. [Elle] reconnaît être très difficile concernant les légumes verts et le poisson, et à tendance à manger excessivement ce qu’[elle] aime. Nous travaillons à l[a] sensibiliser sur les méfaits du grignotage ». Se complaisant alors dans leur déni face à mes troubles du comportement alimentaire, pourtant présents dans mon historique médical, la relation toxique que j’entretenais avec la nourriture n’a jamais alarmé personne. Elle poursuit le fâcheux tableau de ma personnalité le 31 janvier 2013 avec ces mots : « [Beverly] peut cependant se comporter de façon sournoise : son double discours vise souvent à générer le conflit et remonter ses parents contre l’institution. Toujours manipulat[rice] [...]  [Beverly] se montre difficile voire exigeant[e] et tyrannique. [...]» A l’époque, je n’étais qu’une enfant en colère, battue, insultée, démunie et prise pour cible par des adultes professionnels des métiers du social. Le problème n’était plus mes parents et leurs comportements violents réprimés par la loi et la morale mais c’était moi. J’étais devenue la cause de tous problèmes, la charge morale s'abattait sur l’adolescente que j’étais. Années après années, violences après violences je me suis reconstruite. J’ai lutté fort et c’est ainsi que toute seule, à contre courant, sans figure parentale et malgré la négligence de l’état et de l’ASE j’ai pu m’extraire de la destinée à laquelle ce parcours de vie me préparait. Désormais j’ai la possibilité de réagir face à ces abus du système. Je suis profondément choquée d’avoir été prise pour bouc émissaire. Je ne comprends pas l’obstination des services sociaux, et particulièrement de Marianne CERUTTI à vouloir me replacer sous la tutelle de mes géniteurs afin de « reconstruire les liens familiaux ». De quels liens familiaux parle-t-on ? Ceux du martinet qui nous frappaient ? Ou des insultes à ma féminité ? Cette injonction à la famille n’est rien de moins qu’une indécente confusion. Comment peut-on désirer replacer un enfant dans un environnement violent et toxique sous le seul prétexte qu’il partage le même sang que ses persécuteurs  ? Mais Marianne CERUTTI persiste et préconise un placement non pas pour me protéger et m’aider à me reconstruire mais pour rebâtir la famille :  « Le retour à un placement est devenu une urgence, nécessaire et vitale pour sauvegarder la famille et donner du temps à [Beverly] pour accepter de se confier dans le cadre d’une prise en charge psychologique indispensable à la reconstruction des liens familiaux. » 

 [...] Le 15 janvier 2015 une travailleuse sociale inconnue rapporte : « [Beverly] et ses parents demandent à l’Assistante Sociale scolaire un éloignement sous forme d’un accueil contractuel, suite à la fugue de [Beverly] le jour même, à Vaux les Poligny. Une prise en charge chez une assistante familiale est organisée dès le 15 au soir. Le 10 février 2015 une travailleuse sociale rédige un rapport : Début décembre, [Beverly] demande à ses parents une hospitalisation car elle ne se sent pas bien. Elle se scarifie les cuisses. La prise en charge par l’Unité Psychiatrique des Adolescents a eu une durée de 7 jours. [...] Les parents ont été déstabilisés par l’homosexualité de leur [fille]. Accepter cet état de fait a été compliqué pour eux. [...] [Elle] dit s’être ennuyé[e] pendant son hospitalisation et que le traitement qu’[elle] prend est trop fort. Pour autant, [elle] apparaît plus détendu[e]. [Elle] a de vraies aspirations d’adolescente, sur fond de quête identitaire. [Elle] se scarifie les cuisses depuis environ 2 ans. [Elle] ne souhaite pas en dire plus à ce sujet. Selon [elle], son choix vestimentaire n’a rien de provocant. [Elle] ne voit pas où est le problème. En janvier [elle] indique vouloir changer de sexe ».

  Le 18 février 2015 Georgette COUTRET, ma mère, écrit à la juge pour enfants du tribunal de Lons-le-Saunier Madame LAÏ. L’objet de la lettre : « S.O.S. ». Pour justifier leur sollicitation auprès de la magistrate, ils disent être inquiets pour ma santé morale et physique et estiment que je suis en danger. Alors qu’à ce moment-là je suis hospitalisée au service de pédiatrie de Dole où j’ai passé 4 mois. Quel danger imminent pouvait-il bien avoir alors que j’étais internée et prise en charge par une équipe de soignants ? La réponse est : mes amies. Ma mère demanda alors à « [m]’éloigner sur Besançon pour [m]e défaire de [m]es copines et être prise en charge. Les Dr JACQUEY (médecin traitant) et Dr AHOVI sont d’accord, ainsi que Mme BUISSON (classe relais), l’éloignement serait bénéfique ». Parce que si je commençais une transition de genre c’était bien évidemment de la faute de mes amies, c’est elles qui m’influençaient. Mon cauchemar ne faisait que continuer. Une infirmière m’a accompagnée pour visiter le service de psychiatrie à l’hôpital Saint-Jacques à Besançon, le dernier service à l’abandon de cette vétuste bâtisse. J’ai rencontré la psychiatre Clara AUBRY et l’on m’a expliqué comment mon hospitalisation allait se passer. Je m’opposais à poursuivre mon hospitalisation dans cet endroit où mes libertés allaient être m’être enlevées. Mais comme j’étais mineure, les adultes pouvaient bien faire ce qu’ils voulaient de moi et me trimballer n’importe où sous n’importe quel prétexte. Je n’avais aucun contrôle sur mon corps, sur ma vie. Les trois semaines passées là-bas m’ont paru une éternité, dans cette chambre miteuse. Un lit simple face à une fenêtre barricadée. A l’hôpital de Dole j’étais habituée à partager une certaine convivialité dans le service, les repas se faisaient en commun. A Besançon, chacun devait manger son plateau insipide dans sa chambre, face au mur et l’on avait interdiction de sortir avant une demi-heure. Pendant toute mon hospitalisation à Saint-Jacques, les soignants refusaient que je participe à tous les ateliers de beauté, maquillage et tout ce qui pouvait se rapporter à la féminité. On m’empêchait également de porter des talons et des robes. La psychiatre Clara AUBRY m’a dit que je ne serais jamais une femme et lorsque je lui ai parlé de mes troubles du comportement alimentaire elle a répondu que je m’inventais des problèmes. Voilà le genre de propos qu’une médecin tient à une patiente transgenre de quinze ans qui se restreint alimentairement et se fait vomir, culpabilise lorsqu’elle mange et veut maigrir toujours plus. J’ai également appris quelques années plus tard, par Johanna, une aide-soignante qui était en stage d’études pendant mon hospitalisation que l’équipe n’avait même pas connaissance de ma situation familiale et que leur objectif était de m’éloigner de la féminité. Le but était de rendre un garçon à mes parents. Le fait de nier mon identité et de tout faire pour la changer parce que je suis une femme transgenre, ce n’est ni plus ni moins qu’une thérapie de conversion. Au bout de trois semaines de calvaire, ma mère m’a tout de même fait sortir de cette prison contre avis médical. Mais peu de temps après mon retour, les choses redevinrent très rapidement violentes avec mon géniteur qui ne me tolérait pas. Il m’avait en horreur et ne supportait pas de me voir devenir une femme. C’est durant cet été qu’il a menacé pour la première fois de me jeter à la rue alors que je n’avais que quinze ans. 

  Le mardi 4 août 2015, l’assistante sociale Sabine CHOUMILOFF rapporte à la juge « nous avons reçu Mme COUTRET, Monsieur MOUTON et leur [fille] [Beverly] COUTRET afin de leur faire lecture du rapport que nous vous avons adressé et en fonction duquel vous convoquer la famille et l’Aide Sociale à l’Enfance le lundi 14 septembre à 11h00. A cette occasion, les parents nous ont fait part d’un certain nombre d’éléments inquiétants : 

  ➤ [Beverly] a découpé aux ciseaux un short de son père en représailles, car [elle] pense que son père lui a pris des vêtements féminins.

  ➤ [Elle] a également mis du sel et du vinaigre blanc, nous dit-[elle], dans les bouteilles de pastis de son père, tandis que Monsieur MOUTON l[a] soupçonne de vouloir l’empoisonner.

  ➤ [Elle] a traité son père de « gros porc » car celui-ci l[a] maintenait fermement par le bras.

  ➤ [Elle] passe ses journées entières enfermé[e] dans sa chambre à dormir et ne participe à aucun repas familial, ni à aucune activité familiale.

  ➤ [Elle] sort fréquemment et ne rentre pas passer la nuit chez ses parents.

  ➤ [Elle] revient avec des sommes d’argent importantes (100€) et ses parents disent qu’[elle] se prostituerait.

  [Beverly] est dans la toute puissance et n’accepte aucune contrainte. Les parents disent qu’ils n’en peuvent plus et les échanges verbaux sont violents de part et d’autre.

  Note manuscrite ajoutée : « Ce jour lundi 10 août, Madame MOUTON nous crise par téléphone de la fugue de [Beverly] depuis samedi 8. [Elle] serait géolocalisée vers la Bretagne. Nous attendons de plus amples renseignements ».

  Tout ça reflète le parcours d’une adolescente qui cherche à s’épanouir face à des adultes qui font tout pour la restreindre. 

  Suite à mon nouveau placement en famille d’accueil après cette fugue, motivée par les menaces de mon géniteur de me mettre à la porte, ma nouvelle assistante sociale Laurence POMA écrit un long rapport d’évolution à la juge des enfants Madame LAI le 4 février 2016. Celle-ci n’a pas la main légère sur les descriptions hasardeuses et ne remet à aucun moment en question l’approche des services sociaux. Elle rédige alors : « [Beverly] présente des troubles de comportement et des apprentissages. [Elle] peut aisément se montrer agressi[ve], vulgaire, insultant[e], essentiellement au sein du lycée. Lorsque [Beverly] se sent acculé[e] ou lorsque son comportement est pointé du doigt, [elle] se réfugie dans l’agressivité doublée d’une extrême vulgarité, et finit toujours par quitter les lieux. [Elle] se dit incompris[e], mais se positionne dans la toute-puissance. [...] [Beverly] est un[e] adolescent[e] qui a des difficultés d’alimentation, [elle] est très soucieu[se] de son aspect physique et est très sélecti[ve] dans son alimentation. » Ou comment dire que j’avais des troubles du comportement alimentaire. « [...] [Beverly] a besoin du regard des adultes. [Elle] cherche souvent leur approbation et, si [elle] ne la trouve pas, peut se laisser [aller] à porter des tenues vulgaires, en vue de provoquer et choquer. [...] La Cheffe de Mission ASE Protection l’a reçue, lors de débordements vestimentaires, et a pu reprendre les risques de consulter et d’adhérer à des réseaux à connotations pornographiques ». 

  La Cheffe, Elisabeth STEVENS ainsi que ses subalternes et ma famille d’accueil Armelle GABRY, en plus de nier mon identité et de refuser de m’appeler par mon nouveau prénom, passaient leur temps à proférer des propos extrêmement odieux et sexistes : ce à quoi une « vraie » femme doit ressembler, qu'une femme ne doit pas s'habiller comme une « pute », ni se maquiller « comme un camion volé ». Ces propos sont misogynes et traduisent l'incorporation d'une vision négative de femmes, qu'elles soient cis ou trans. 

  Madame POMA continue de commenter mon comportement et mes tenues vestimentaires outrancières, sans jamais se questionner sur l’origine de cette attitude. Ces travailleurs sociaux en charge d’enfants décident de fermer les yeux sur les violences qu’ils subissent et s’intéressent uniquement aux effets et non pas à la cause comme ils devraient. La vulgarité et le scandale étaient mes seuls recours pour me faire entendre face à toutes les violences que je subissais, les violences familiales, le harcèlement et le mépris des services sociaux. Comment étais-je censée exister ? Personne ne se posait les bonnes questions. Un enfant ou un adolescent n’est jamais outrancier et turbulent par simple plaisir. Quant à mes tenues vestimentaires, ce n’était pas de la pure provocation mais bien mon propre style que je cherchais à exprimer à travers mon apparence. Il n’y a pas de provocation lorsque l’on s’habille juste pour se sentir bien dans sa peau, la vérité est que personne ne voulait que j’affirme ma vraie identité. Ils cherchaient à m’étouffer. Mme POMA persiste ces allégations en écrivant : « ce jeudi 04 février il est relevé un comportement inacceptable de [Beverly] dans le bus, à l’intention du chauffeur (regard et tenue provocante en ce dernier) ». Si l’on interprète cet écrit on peut en déduire que des adultes sexualisent une adolescente et prennent la tenue d’une jeune femme pour de la provocation sexuelle.

 « Santé : [...] [Beverly] est de santé fragile, notamment du fait de son alimentation. [Elle] se présente comme une adolescente très fine, avec un profil pouvant évoquer l’anorexie. [Elle] dit faire parfois des malaises hypoglycémiques et prend des vitamines ainsi que du magnésium. [Elle] est suivie régulièrement par un généraliste ».

  Dans son rapport d’évolution du 13 février 2017 Laurence POMA conclue avec cette demande  : 

  ➤ Le renouvellement de la mesure de placement pour [Beverly], jusqu’à sa majorité (11 Mai 2018), ou, à défaut, une mesure de type PEAD jusqu’à la majorité, afin de rester dans un cadre judiciaire.

  Le 16 août 2017, Christophe MOUTON met sa menace à exécution et me jette violemment dans la rue. Désemparée et ne sachant pas où aller, j’ai fait du stop en pleurs pour rejoindre le centre ville. J’ai été rendre visite à mon assistante sociale Laurence POMA pour lui exposer la situation et lui demander de l’aide. Tout ce qu’elle a pu me dire était qu’elle n’avait rien à me proposer. Retourner en foyer était inconcevable, surtout depuis ma transition et aucune famille d’accueil ne voulait de moi car transgenre. Me voilà bien avancée. Il était de son devoir de trouver une solution d'hébergement, mais elle a préféré ne pas trop se démener et me laisser retourner dans la rue. Fort heureusement pour moi, je n’ai jamais dormi dehors, j’ai toujours réussi à me faire héberger à droite à gauche. Je m’en suis sortie mais ce n’était pas grâce aux services de protection de l'enfance. L’assistante sociale ne s’est pas gênée de mentir dans son rapport du 30 mars 2018 où elle inscrit : « Le service ASE a reçu [Beverly] le 05 septembre 2017. Nous lui avons proposé un repli en famille d’accueil, la solution de MECS et de FJT n’étant pas envisageable au vu de sa problématique sexuelle et de sa minorité. L[a] jeune a refusé les propositions faites, et son attitude manifestait une non adhésion. La famille, contactée, a, une nouvelle fois, refusé de reprendre l[a] jeune au domicile ».

  Maintenant que j’ai rétabli la vérité, il est temps de conclure.

  Je n’ai qu’une flamme qui m’anime, celle de la justice et de la vérité. Mon cri n’est qu’un appel à bâtir une France et un monde meilleurs. Que fait l’Etat Français pour protéger ses enfants ? La réponse est rien. Il laisse des mineurs à la rue et les jeunes placés à l’Aide Sociale à l’Enfance continuent de se suicider. Combien faudra-t-il de morts pour voir des actions ? Mais plus particulièrement que fait l’Etat pour accompagner ses enfants transgenres ? Toujours rien. Dans le climat politique actuel où l’extrême droite est en recrudescence, où des figures anti trans sont mises en avant autant par les médias que par les politiques, que celles-ci publient éhontément une idéologie fasciste et dangereuse pour la sécurité des personnes transgenres en France; Je demande à ce que l’Etat Français endosse sa responsabilité et mette en œuvre des moyens concrets. En débloquant des fonds pour la protection de l’enfance et en formant tous les travailleurs sociaux et les familles d'accueil à suivre les jeunes personnes LGBT+ correctement, plutôt que de les marginaliser davantage. Les enfants sont les citoyens de demain, il est urgent d’agir !

Beverly COUTRET

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.