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Billet de blog 7 juillet 2025

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Autoroute A69 : les manifestant·es armé·es de hâches ? Débunker les mensonges d'État

Du 4 au 6 juillet 2025 s'est tenue une week-end de mobilisation festif entre le Tarn et la Haute-Garonne. Il convient de revenir sur les mensonges d'État et une couverture médiatique globale toujours loin de la réalité et des enjeux sociaux, écologiques et démocratiques.

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La route RN126 est la fameuse route nationale qui ne demandait qu'à être réaménagée ici et là à moindre frais pour permettre une circulation tranquille. Cela aurait évité la construction d'une autoroute écocidaire, injustifiée et financièrement catastrophique pour le domaine public et le porte-monnaie des communs des mortel·les. C'est aussi là que s'est déployé le gros du dispositif gendarmesque du 4 au 6 juillet 2025 dont encore une fois le traitement médiatique a été assez pitoyable. Le mot est dur, mais sensé.


En quoi consiste la répression d'un mouvement écologiste ?
Alors disons le même si ça fait sens, la répression est avant tout politique et arbitraire. Elle vise à faire peur aux participant·es d'une lutte, à décourager celleux qui voudraient la rejoindre. Ou encore, à créer un sentiment de rejet pour les personnes qui s'en tiennent loin, ne la connaissent pas et ne vivent la société que par la parole de l'ordre établi par les "hommes forts d'États" ou médiatiques tel Macron Rétailleau Hanouna ou Bardella. C'est par exemple ce qu'a fait le préfet local lorsqu'il avance que des "groupes extrêmement violents", habitués à des pratiques proches de la "guérilla" seraient à la manœuvre dans l’opposition à l'autoroute.

De cette répression politique, découle une répression médiatique, juridique, policière, voire de milices à caractères fascistes et cela et d'autant plus permis et facilité lorsque des "figures nationales" telles que le ministre de l'Intérieur Retailleau, construisent les conditions d'une répression très forte. Cela des semaines, voire des mois avant une mobilisation citoyenne, du moment que l'objet du rassemblement, d'une manifestation ou d'une action symbolique (ou non) les dérange.


Des haches et des boules de pétanques, armes salutaires des manifestant·es ?
Que peuvent bien faire des haches contre des LBD, des grenades désancerclantes, des blindés et des hélicoptères ? La réponse et simple : rien. D'autant que de nos jours, il est extrêmement rare que des affrontements impliquant les forces de l'ordre lors d'une mobilisation, ne se fasse pas à distance. Surtout, personne ne viendrait d'aventure se jeter sur la gendarmerie avec une hache car cela pourrait conduire à de la légitime défense à balle létale. Par ailleurs la lutte armée, ne faisant pas partie des registres de la lutte contre l'autoroute Toulouse-Castres, considérer et médiatiser la présence de 2 ou 3 haches sur des milliers de contrôles, comme ayant pour but d'en découdre, avec les gendarmes, n'a aucun sens.
Alors pourquoi des haches ont été découvertes par les gendarmes ? Tout simplement parce que c'est un objet courant dans la vie du périurbain et du rural où l'activité de jardinage et forestière est monnaie courante. La population n'a d'ailleurs pas été notifiée explicitement de l'interdiction d'en avoir. Cela dit, lors de telles mobilisations, de nombreux outils sont utilisés pour la mise en place des chapiteaux, toilettes sèches, espaces de stockages et compagnie et donc oui, les outils gros et petits des garages sont de sortie. Pour autant, cela n'en fait pas des armes et leur usage en ce sens n'est jamais démontré. Jamais.


Quant aux boules de pétanques mises en scènes par la préfecture dans sa communication, cela est du même niveau. Premièrement ces objets sont très chers et là aussi, il n'est jamais démontré de mémoire des dix dernières années au moins que des manifestant·es s'en serviraient comme projectile.


Mais pour aller vers le ridicule, la préfecture a fait état de 257 armes ou objets pouvant être considérés comme des armes lors de ce week-end. Sur place les personnes ayant eu à subir parfois 6 ou 7 contrôles en moins de deux jours (lors de chaque aller-retour à son véhicule garé un peu plus loin que le campement) par exemple, témoignent. Des ciseaux ont été confisqués, des truelles et même des bâtons de costumes. La justification des gendarmes change d'un·e fonctionnaire à l'autre et d'un check-point à l'autre : objet long, objet pointu, objet dur, objet tranchant, objet jugé trop politique tels des tee-shirts floqué de slogans de la lutte ou d'un simple "Free Palestine", stickers appelant à la gratuité des transports en commun ...


Alors pourquoi, une telle concentration médiatique sur ces objets et un manque de recul criant ?
Les médias aujourd'hui prêtent pour l'essentiel plus d'intérêt et de légitimité aux dires officiels qu'aux faits et à leur analyse. On parle parfois de "journalisme de préfecture" pour qualifier une telle pratique.


Alors que de nombreux territoires sont en alertes canicules et incendies orange ou rouges, pratiquement aucun article de presse en dehors de celle interne aux mouvements sociaux ne parle de la catastrophe écologique dans le cadre de ce week-end de mobilisation. Seul le sensationnel compte -et seulement s'il est du côté de l'État et des pro-autoroutes. La question des heurts qui n'ont été qu'une parenthèse de ce week-end, n'auraient dû faire que quelques lignes dans chaque média et y ajouter alors une analyse avec un minimum de recul. Les plus précaires du Tarn et de Haute-Garonne viennent de vivre de très fortes souffrances dû aux fortes chaleurs depuis 20 jours. Le climat s'emballe et pourtant les rédactions ont omis cet état de fait primordial pour expliquer que la lutte contre l'A69 est toujours là, toujours plus légitime et va se poursuivre.


Pourtant, une couverture médiatique si pauvre sur le fond, voire mensongère n'est pas un hasard, elle est due à l’appauvrissement global de la société démocratique y compris de son axe médiatique pratiquement intégralement confisqué par les milliardaires. Ces derniers empruntant de plus en plus au registre d'extrême-droite, voire s'en revendiquant pleinement et rejetant toute écologie politique en lien avec le consensus scientifique sur la gravité de la situation des écosystèmes.


Quelles pistes pour s'en sortir ?
Cela n'a malheureusement rien d'évident, mais il faut continuer à remettre du réel dans le récit des mouvements de la société civile, avant, pendant et après chaque mobilisation. Du contenu des réunions publiques, à ce qu'est culturellement ou politiquement une lutte donnée . Jusqu'à à continuer à pointer du doigt les criminel·les de l'environnement qui avec leurs projets néfastes nous condamnent à de nombreuses souffrances écologiques, sociales et sanitaires et à l’empilement des morts qu'elles causent.


D'une manière plus large, c'est tout l’écosystème médiatique qui est à connaître et à repenser. Les rencontres tels les États généraux de la presse indépendante et leurs 59 propositions en sont un bon exemple et les écrits de quelques médias comme Reporterre ou Médiapart sont salutaires, professionnellement très justes et font offices de bouffées d'oxygènes dans cette ambiance pesante. Mais ils ne suffiront pas si la population ne s'en saisie pas et que l'activité de terrain est confiée de loin à la presse indépendante.


Podcasts, livres et films documentaires issus directement des luttes existent à la marge, mais ils gagneraient à être plus réguliers, accessibles et mis en liens et une diffusion et une compréhension à vaste échelle.


No macadam.

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