Bibliothécaire pensif (avatar)

Bibliothécaire pensif

Bibliothécaire, pratiquement smicard, militant d'aujourd'hui et de demain.

Abonné·e de Mediapart

20 Billets

0 Édition

Billet de blog 10 avril 2022

Bibliothécaire pensif (avatar)

Bibliothécaire pensif

Bibliothécaire, pratiquement smicard, militant d'aujourd'hui et de demain.

Abonné·e de Mediapart

Hiérarchies et dominations dans les bibliothèques universitaires (2/2)

A l'Université de Toulouse, entre fusion, éclatement, chantage antisocial et ... mobilisation en vue ? Des raisons d'espérer mais qui restent à construire en profondeur dans cette période nauséabonde et incertaine

Bibliothécaire pensif (avatar)

Bibliothécaire pensif

Bibliothécaire, pratiquement smicard, militant d'aujourd'hui et de demain.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le 1er janvier était écrit la première partie de ce billet. Il commençait par "Dans une université en 2022 tu as des hiérarchies à la fois très présente pour te dire quoi faire et à la fois totalement absente pour te répondre quand tu soulèves un problème, une injustice du quotidien, un non-sens sur le fond du travail à faire ou sur la façon de le réaliser.". Trois mois plus tard rien n'a changé, cela s'est même amplifié et pourtant il n'y a guerre eu de réactions d’opposition. Il y a urgence à changer cela. À se mobiliser.

Une Université... éclatée

Toulouse 1 Capitole (UT1), Université de Droit, Sciences politiques, Gestion économie et Management. Début 2022 le bord de la rupture ?

Sous l'impulsion du gouvernement, du président de Toulouse Métropole (Jean-Luc Moudenc), de la présidente de région (Carole Delga), de la ministre de l'enseignement supérieur (Frédérique Vidal) et de directions internes d'établissements d'enseignements supérieurs locaux, le processus de fusion des Universités de Toulouse est entamé dans le dur. Le projet en grande partie mit sur les rails pendant la pandémie s'accélère. Il n'a pour ainsi dire jamais était construit avec le personnel de ces établissements (du moins hors directions de services "majeurs" et directions de laboratoire). Ni avec les usagerEs directEs que sont les étudiantEs ou indirectEs, c'est à dire avec la population. Les conséquences de telles fusions sont globalement connues : disparitions ou réductions des filières jugées "non rentables", augmentations des frais d'inscriptions, insertions accrue du privé dans l'établissement et ses laboratoires de recherches et fermetures de certains services fusionnés dans un but d’économie d'échelle. Le tout évidemment est présenté comme un vrai progrès avec les projecteurs médiatiques et politiques qui sont alors braqués sur la filière qui tient encore la route ou le projet de recherche (souvent de type public-privé) qui a eu assez de budget et qui donc fonctionne correctement. Pour le reste, circulez il n'y a rien à voir ...

C'était sans compter sur le fait que les fusions ne sont jamais appréciées tant elles cassent l'outil de travail (l'enseignement, la recherche), rendent dépendant les recherches de budgets extérieurs à l'Université, mettent les laboratoires en concurrence. Non pas que l'Université Toulouse 1 soit connue pour être particulièrement tournée vers le social, voire que l'idéologie dominante serait le socialisme car on en est malheureusement bien loin. Mais les directions des composantes universitaires étant réfractaires au projet proposé, voire hostiles, cela a prit du retard et les fractures internes aux directions ont étaient exposées au sein du reste de l'Université puis dans la presse. Faisant un peu accroitre les inquiétudes pour la suite. La encore jamais personnel de "base" et usagerEs ont leur mot à dire. Par absence d'informations ouvertes, nous personnels de base sommes dans le flou  complet, une impression d'un événement lointain.

C'était sans compter sur la TSE (Toulouse School of Echonomics), l'une des quatre composantes principales de l'Université, connue pour être largement pilotée par Jean Tirole, le fameux prix Nobel d'économie toulousain, d'idéologie macronniste dure et qui a d'ailleurs corédigé un rapport en 2021 à la demande du président, qui fait depuis office de sa "feuille de route économique". En mars 2022 nous apprenions par voie de presse que la TSE par l'autorisation directe du ministère sort de la tutelle de l'UT1 et devient un Grand Établissement autonome. Autrement dit le ministère a en catimini fait éclater l'Université de sa propre main. Un précédent qui pourrait conduire à la fin accélérée des Universités publiques. Depuis plus de nouvelles, rien. En résumé, nous n'avons pas d'Universités fusionnées (et c'est tant mieux) mais à la place nous avons des bouts d'Universités dont une partie court en direction du privé et l'autre se demande ce qui lui arrive. Les directions et le ministère en sont les responsables directEs; Les directions de niveaux intermédiaires feignent d'être embêtées de ce problème et dans l'attente d'informations complémentaires, mais se cachent en réalité derrière une indifférence voire une complaisance avec cette situation. Le personnel de base se fait quant-à lui balader et la société se fait légalement dérober ses services publics.

Mépris en veux-tu ? en voilà

Bien que ce billet et voué à être axé principalement sur les bibliothèques, ce détour était central pour ramener le fait que la dégradation des services publics, des conditions de travail, de raison d'être (ou de ne pas être) de l’enseignement supérieur public sont issus de choix de société. C'est à dire de choix politiques, qui se font sans les premierEs concernéEs et que se sont ces dernierEs qui vont devoir malgré elles et eux assurer la suite. Au final nous allons être concernéEs, impactéEs également au niveau des bibliothèques. Cette Université n'est pas connue pour être un lieu de contestation sociale. Pour autant un tel scandale devrait tout de même susciter une certain niveau de réaction collective.

Au niveau des bibliothèques, nous avons reçu par mail de la direction des bibliothèques du campus un sondage de consultation afin de savoir si nous sommes favorables à une extension des horaires d'ouvertures de la BU principales. Si c'est le cas, y aurez t-iels des volontaires ou préfèrerions-nous que ce soit fait par des ÉtudiantEs ? Drôle d'affaire pour une des BU aux amplitudes horaires les plus importante de France (22 h le soir en semaine et le samedi jusqu'à 20h). Rien sur les salaires, sur de véritables embauches, sur un calendrier et les mises en places du dispositif imaginé. Problème majeur donc, cela n'a jamais été discuté de manière ouverte, concerté, avec des éléments contradictoires. L'option qui semble déjà actée par avance par la direction est de faire appel à des contrats étudiants supplémentaires. ÉtudiantEs qui ont déjà attenduE quatre mois leurs salaires entre septembre et janvier. Le fait qu'un changement d'horaires inclus plus largement d'autres questions cléfs (roulement des effectifs, manque de personnel, mécanisme préalable à nous faire ouvrir le dimanche, comme souvent suggéré ? besoin réel ou feuille de route du ministère Vidal ?) nous n'avons pas notre mot à dire. La veille de la cloture du sondage, nous recevons un mail disans que la présidence a déjà prévu le budget nécessaire à l'embauche d'étudiantEs, misère ... Cela est un exemple parmi d'autres pour illustrer l'heure du "management positif" dans certains services publics où on nous donne la parole en nous rendant muetTEs.

La goûte de trop
De bruit de couloir puis avec mail à l'appui discrètement transféré, on apprend que la présidence de l'Université a demandé plus d'embauches et de moyens au Ministère. Réponse : "augmenter le temps de temps de travail en passant au 1607 heures (moyen technique pour ne pas dire augmentation du temps de travail dans la fonction publique. En bref si vous avez besoin de main d’œuvre supplémentaires faites les travailler plus on embauchera pas, on ne révisera pas les salaires à la hausse (qui est un levier pour donner envie au gens de re-venir travailler en Université). L'Université Toulouse 1 malgré quelques postures sociales de temps à autres reste un établissement qui a appliqué à la lettre les politiques antisociales successives du gouvernement Macron, d'une direction locale à celle nationale, c'est toujours à nous de trinquer..Cependant cette question des 1607 heures n'et pas la bienvenue puisque en de nombreux endroits (comme dans les bibliothèques municipales de Rennes) elle a était contestée, souvent dans la durée et sous diverses formes

Un peu d'espoir à l'horizon ?

TroubléEs par tous les éléments précités qui touche l'établissement et ses bibliothèques depuis des mois, une bonne partie du personnel s'est alors mise en lien pour discuter et voir comment contrecarrer cela. Des réunions et assemblée générale sont sur les rails. Si le chemin est encore long pour y parvenir, la frustration est bien là et l'envie d'interpeller les collègues plus largement dans les autres services de l'Université est là aussi !

Un premier petit cailloux positif à mettre dans la machine antisociale actuelle ? Un premier petit cailloux à mettre en place pour construire une ou des mobilisations successives dans ce milieu qui a subi coup dur sur coup dur, années après années, et où l'esprit ultralibéral version Macron est malheureusement bien présent, de même que les relents lepénistes ? Plus encore, un petit cailloux pour faire reculer et même chavirer ce macronnisme et ce lepénisme ambiant ? Espérons-le. Plus encore, faisons en sorte que ce petit cailloux en fasse d'autres.

Ce rapport de force se fera dans la durée et devra dépasser de multiples obstacles mais il faudra sûrement qu'il trouve sa dynamique dans l'esprit collectif et régulier d'interpellation des collègues, sans corporatisme et dans la lucidité qu'il n'y a rien à attendre de positif des plus hautes directions de l’établissement puisqu'elles sont les premières responsables de cette situation qui court depuis des années. Les mobilisations des derniers jours dans des Universités peuvent aider et faire appel d'air, la suite le dira. À très vite.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.