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Billet de blog 10 juin 2024

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La démocratie des oublié·es, la lutte des déterminé·es

Si le désastre n'est jamais écrit d'avance, il faut dire que cette fois le texte est à l'état de brouillon et ne demande plus qu'à passer par la case édition. Si bien des analyses sont posées depuis la catastrophe extrême-droitière du 9 juin, c'est la question démocratique des derniers mois qu'il faut analyser pour rebondir, bien au-delà des élections. Travail, étranger·es, écologie...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pour gagner quoi que ce soit socialement, culturellement et politiquement, la gauche au sens large (assos, collectifs engagés, syndicats, partis) doit défendre et ouvrir les fondations de nouveaux espaces démocratiques sans attendre. C'est un des piliers essentiels pour défaire la dynamique à l’œuvre de l'extrême droite mais aussi pour défaire idéologiquement l'extrême droite à long terme. Quelques pistes dans ce texte bien que rien de très nouveau, et pourtant :

Si tu es jeune

Si tu es jeune, les derniers mois se sont soldés par l’omniprésence du Service National Universel. Sorte de service militaire repeint en façade par une approche dite "républicaine et civique". On ne parle plus de ton éducation ni de l'éducation que tu souhaiterais avoir. Seulement d'une bête injonction à ne pas être un délinquant, à être reconnaissant envers l'État et près à "servir" pour "son" pays.

En bref, la loi et l'ordre (l'ordre froid et paternaliste évidemment, le "pas un pied en dehors du rang"). En soi, la jeunesse au pas. Les rencontres, l'accompagnement, le commun grâce à l'école publique, le partage d'approches critiques n'est plus permis. Sinon tu es disqualifié·e, boudé·e, voire pointé·e du doigt.


Si tu es jeune et en plus des quartiers, la démocratie n'est pas un mot qui fait sens. Les études qui montrent la stigmatisation par le contrôle au faciès généralisé l’illustrent très bien. Autant que l'impunité de la police qui peut tirer et tuer à bout portant sur le jeune Nahel, après déjà tant d'autres.

Si tu es jeune, tu auras constaté que depuis des mois, on te ridiculise en tant que jeune, on discrédite ton avis, voire on te qualifie d'élément moteurs de dégradation de la société. Le matraquage médiatique à droite a été constant sur le sujet.


Si tu es jeune, l'espoir démocratique réside demain dans le fait que les écoles, les lieux de sport et culturels te soient ouverts sans sélection sociale, sans obstacles financiers. Sans budget d'austérité qui grève le rôle de l'école et fait porter ton éventuel "échec scolaire" sur tes épaules ou celui de tes parents. De ça évidemment l'extrême droite (macronie comprise) n'en parle pas. À gauche, c'est là qu'il faut creuser et marteler comme horizon collectif.

Si tu es travailleu·r.ses

Si tu es travailleu·r·ses, tu te rends vite compte que la plupart des "lois morales", souvent des lois juridiques, et surtout de l’épanouissement, s'arrêtent non pas à la porte de chez toi mais au moment où tu passes la porte de ton employeur. Le sens du travail qui pourtant occupe la plupart de tes journées, de ta vie, perd peu à peu tout son sens. Tu t'épuises à la tâche et pourtant on te dit que ton salaire sera gelé à nouveau, que si tu tombe au chômage ce sera l'enfer et il faudra sans cesse justifier ta situation, si tu es au RSA, tu l'as bien voulu, tu es un·e feignant·e ou un·e profiteu·r·eusse.

Si tu émets des doutes sur l'objectif social de ton entreprise ou de ton administration, on te remet à ta place de simple exécutant·e. Si tu dis que la catastrophe écologique demande à changer du tout au tout la production et la consommation qu en découle on te crée des groupes de travaux fastidieux qui finissent par accoucher d'une souris pour surtout ne rien changer de concret. Dans les entreprises, la violence patronale (y compris de l'employeur public) est quotidienne.


Si tu défends tes retraites et celle des suivant·es, on te dit "ferme-là", et prends un 49.3 de plus. C'est ça le message pour le monde du travail des derniers mois.

Pour les travailleur·euses, l'espoir démocratique serait de créer enfin une véritable démocratie au travail ou les salarié·es retrouvent leurs CHSCT supprimés par Macron et qui les mettent de ce fait en danger permanent. Une solution de plus serait de créer des maisons du travail (ou bourse du travail) dans chaque quartier et village qui appartiendraient aux travailleur·euses et habitant·es du secteur. Elle permettrait de discuter du but productif de chaque entreprise et administration sans les patrons et de permettre de reprendre peu à peu le dessus sur ces derniers qui se sont liés de manières accélérée aux têtes de l'extrême-droite.

Le but final serait de dégager les patrons de entreprises et de décider ensemble entre travailleur·seuses. Ce serait au passage la démocratie du quotidien, pas celle qui commence deux semaines avant telle ou telle élection et qui s’arrête très vite après. Dans le public, déjà, il faut cesser toute les privatisations, directes ou par partenariat "public-privé" et dégager les entreprises privées des instances de décisions publiques. Il faut évidemment nationaliser puis socialiser les secteurs-clé de la sécurité sociale et de la bascule écologique. De ça, évidemment l'extrême droite (macronie comprise) n'en parle pas. À gauche, c'est là qu'il faut creuser et marteler comme horizon collectif.

Si tu es étranger·e

Si tu es étranger·e, tu as très vite remarqué que la campagne des européennes a été un grand moment de repli. Avec peu de solidarité et au contraire : de l'indifférence au mieux, et souvent de la xénophobie. Tout d'abord envers les étranger·es au sein du pays mais surtout envers celles et ceux au-delà des frontières de l'UE. Ironiquement, les seul·es étranger·es qui ont suscité un peu d'attention, ce sont les français·es de l'étranger. Ben oui, leur voix, à eux, elle compte.


Si tu es étranger·e, l'espoir démocratique et la justice sociale résident dans la généralisation du droit de vote aux étranger·es présent·es sur le territoire.
Le "oui mais" ne marche pas. "Oui mais non", c'était déjà l'argument à la noix qui voulait refuser le droit de vote quand les pauvres réclamaient de l'obtenir face au seul·es riches qui en avaient le droit. Idem pour les femmes qui le réclamaient, lorsque seuls les hommes y étaient autorisés. De ça, évidemment l'extrême droite (macronie comprise) n'en parle pas. À gauche, c'est là qu'il faut creuser et marteler comme horizon collectif.

Si tu défends l'écologie

Si tu défends l'écologie, c'est-à-dire, l'espace de vie commun à l'ensemble des êtres vivants, espèce humaine comprise, tu auras remarqué que ces derniers mois on fait sauter avec un cynisme criminel les quelques lois qui apportent quelques droits sanitaires et de protections de la nature sur le sujet. Tu auras aussi remarqué que la répression brutale qui tombe sur toi, sur elles, sur eux, est sans nom : drones, blindés, brigades antiterroristes, mutilations par dizaines, traumatismes par milliers, interdictions de se nourrir si tu es sur une ZAD car la police interdit passage d'eau et de nourriture, comme sur l'A69. Cela inquiète jusqu'à l'ONU qui monte au créneau pour alerter sur les agissements de la France en la matière.

Si tu es un·e défenseur·euses de l'environnement, l'espoir démocratique réside dans l'annulation des projets d'infrastructures et de production mortifères en termes social et environnemental, dans l'accompagnement social, financier et écologique des reconversions professionnelles des individus et de secteurs professionnelles entiers. Il réside aussi dans la mise en place d'une sécurité sociale de l'alimentation. Il pourrait aussi résider dans un pardon officiel des institutions et une réparation physique et symbolique pour les violences médiatiques et policières quotidienne que tu as du subir à coup de chair ouvertes, d'insomnies à répétitions, de garde à vue, de séjours en prison. Il résidera surtout par un large démantèlement de la police répressive en effectif mais aussi en arsenal technologique. Ainsi que par l'arrêt de la présence policière sur les lieux de contestation, car cette contestation est tous les jours plus légitimes au regard de la catastrophe écologique qui s'accélère, et qui tue à présent tous les jours de par le monde. De ça, évidemment, l'extrême droite (macronie comprise) n'en parle pas. À gauche, c'est là qu'il faut creuser et marteler comme horizon collectif.

Si tu es, si tu es, si tu es etc., etc., 

On en discute ?

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