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Billet de blog 11 mars 2024

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L’Austérité publique… ou la catastrophe sociale et écologique. Cris du cœur

Bruno Le Maire vient d’annoncer coup sur coup ses multiples attaques supplémentaires contre les services publics, ses agents, les usager·es et donc contre toute la société. Sociétalement ça veut dire quoi ? La nécessité de dire stop et d'agir.

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Bruno Le Maire vient d’annoncer coup sur coup ses multiples attaques supplémentaires contre les services publics, ses agents, les usager·es et donc contre toute la société.

Fin février pour démarrer les annonces c’était déjà 10 milliards de rabots immédiats. Notamment dans l’environnement, l’éducation nationale, l’enseignement supérieur et la recherche. Et ce n’est pas tout. Le ministre annonce début mars qu’il va falloir réaliser « au moins 20 milliards d’économie supplémentaires ». Le « au moins » est important, car il veut dire que ce sera plus. Mais qu’est ce dont plus de 20 milliards ? Sociétalement ça veut dire quoi ?

26,4 milliards d’euros est le budget 2023 du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche publique. Comprenant l’enseignement et l’accompagnement de près de 3 millions d’étudiant·es et le travail de 180.000 agents environs, à l’enseignement, la scolarité, l’entretien, la restauration, l’action sociale, la recherche, les bibliothèques etc etc etc. Dire vouloir faire plus de 20 milliards d’économie en quelques mois, c’est comme dire à la société « vos services publics d’enseignement supérieur et de recherche sont supprimés sans délais». Quasi du jour au lendemain qui plus est. Bien sûr ça ne se passe pas exactement comme ça. Pour faire mourir l’outil commun que sont les services publics, on prend un bout à la sécu, un bout à l’éduc, un bout au supérieur et on gèle à nouveau les salaires des agents publics qui ont déjà perdu . L’agonie est « partagée » et se fait sur la durée. Cela paraît moins choquant et la bourgeoisie peut faire le service après vente de son énième coup de poignard dans le dos aux services publics.
L’agonie est donc partagée, mais surtout très invisibilisée. On pointe des coupables construits de toutes pièces, les fameu·x·ses absentéistes qui coûteraient chers. La réalité du terrain est que ces absences ne tombent pas du ciel et son principalement dues au travail, sa rudesse physique ou psychique, sa perte de sens et leurs conséquences. Surtout elles sont très rarement remplacées donc elles ne coûtent pas vraiment. Ces bouc-émissaires ne sont crées que pour diviser et mieux régner mais on ne pointe pas le cœur du problème. La pénibilité, les accidents du travail qui explosent, la souffrance au travail, les plafonds qui fuitent ou s’effondrent, les passoires thermiques, les burn-out, les maladies, le sous-effectifs. Pour Bruno ça n’existe pas ou ce n’est pas un sujet. Le fait d’arrêter d’engraisser le privé souvent sans contreparties à près de 160 milliards de subventions par ans, les près de 80 milliards d’euros de fraude fiscale par an, les bénéfices du CAC 40 qui explosent, ce n’est pas tant un sujet non plus et ne pas en parler permet de fustiger les services publics. Bien sûr la population n’est jamais consultée ni décisionnaire de la privation de son bien commun.

Il y a quelques mois déjà, première attaque d’ampleur, un cataclysme

En fin d’année les établissements publics clôturent leur budget annuel et prévoient celui de l’année suivante. Dans l’enseignement supérieur et la recherche un premier cataclysme à fait jour en décembre mais cela touche évidemment d’autres ministères et établissements. Il se trouve que l’année 2023 a été marqué par une légère revalorisation du point d’indice des agents. Mais en dessous de l’inflation évidemment… Autrement-dit, nous n’avons pas été au final augmenté·e·s en termes de revenus. Ils ont simplement baissés moins vite que si nous n’avions rien eu. Le hic est que le gouvernement n’a pas fourni une enveloppe au niveau de l’État pour cette « revalorisation » il l’a imposé aux établissement sur leurs fonds propres.

Comment cela s’est traduit ?

Avec des budgets globaux déjà sous-dotés par rapport aux besoins de la société, les établissements ont peu ou pas de « marges de manœuvres ». Cela s’est décliné par des coupes plus ou moins grandes dans les services composants les établissements. On parle de 15, 30, parfois 50 % de budget en moins. D’un seul coup ! L’exemple des bibliothèques d’une Université de Toulouse est flagrant. 50 % de budgets en moins sur les acquisitions d’ouvrages. Avec des pôles plus ou moins rabotés. Certains budgets ayant fondus de près de 50.000 euros à 5.000. Divisé par 10. Par 10 ! On est en mars et des collègues n’avaient déjà presque plus de budget en février pour terminer l’année. Le déni, (peut-être le fatalisme?) est profond au niveau des directions. Un exemple d’un seul service de l’établissement mais globalement tous les services sont touchés.

En termes de conséquences sociales et écologiques cela est directement visibles. Plus d’acquisitions en bibliothèques, cela veut dire moins de pertinence de l’information qui perd en fraîcheur. Cela veut aussi dire un mal être profond du sens de son travail. Du fait que du jour au lendemain une grande partie de l’activité est mise en suspend et on se demande ce que l’on va devenir. On s’inquiète de la sous considération de nos métiers, de la réalité de nos journées. Une bibliothèque sans bouquins, c’est sur le long terme un grand espace vide. On devient au mieux une salle d’étude avec des tables mais des étagères vides, au pire … on ne sait pas et c’est là tout le problème. Quelques personnes ont décidé au nom de la sacro-sainte austérité de plonger des millions d’employé·es dans un flou total, une peur du lendemain qui ne fait que (re)commencer.

Bien sûr l’employeur a feinté de rassurer en annonçant un réapprovisionnement de budget. Mais pas tout de suite. Pas autant que l’an dernier. Puis Bruno a fait ses déclarations coup de massues depuis. Il est probable que l’on aura seulement des miettes en termes de réapprovisionnement si ce n’est rien. Pas que nous les agents mais tous le monde. On fait comment sans service public ?

Il n’y a jamais eu d’austérité cantonné au budget fonctionnement, forcément que le revers de la médaille, c’est de tailler dans le personnel : non renouvellement de départs, non renouvellements de CDD, non ouvertures de postes, charge de travail reportées sur celles et ceux qui restent ...

Affronter la catastrophe écologique

Pour stopper et affronter les conséquences de la catastrophe écologique, il faut des connaissances, des moyens, des prévisions à moyens et longs termes ainsi qu’une volonté politique de changer de système. Oui pas simplement changer les choses, concept abstrait et sans objectifs. Il faut changer de système. On ne pourra rénover thermiquement et écologiquement les bâtiments à une échelle de masse, modifier le travail et sa finalité, accompagner les travailleur.euses de la terre vers l’agroécologie, protéger les océans, les forêts, en demandant poliment aux gouvernants qui ont construits et alimentés le schéma mortifère. Il faut rompre la chaîne est mettre en échec le capitalisme qui nous détruit. Il est inimaginable que l’on arrive à s’en sortir sans apports scientifiques solides, sans nouveaux rapports du GIEC et son équivalent de la biodiversité, l’IPBES, si l’austérité demeure. On pense aussi aux services météo qui connaît des grèves vis à vis des réorganisations imposées. De même comment diffuser et comprendre ces travaux scientifiques si le reste des services publics est à la peine ou disparaît ?

La suite est devant non, mobilisation du 19 mars

Les syndicats appellent de manière collective à une mobilisation d’ampleur le 19 mars 2024 dans la fonction publique, ainsi que dans le privé. Un an environ après la période la plus forte de la mobilisation pour les retraites, cette initiative est l’occasion de reprendre confiance, conscience et dynamique dans le chemin des luttes à une large échelle. Bien sûr ce moment ne peut se soustraire aux combats quotidiens. Il est tout aussi important de créer des initiatives au-delà de cette datte, sur les lieux de travail avec des banderoles, des pancartes, des rassemblements, des distributions de tracts, pour dire non, stop, il faut que ça change. Réussissons à discuter et à se rassembler autour de revendications fortes avec les collègues, les usager·es, les habitant·es. Pensons aussi à se syndiquer pour avoir des outils d’actions au quotidien, pour créer un rapport de force favorable aux travailleur·euses face aux employeurs.. Cette fois l’austérité ne doit plus être une option. Elle doit être mise en échec.


L’appel à la grève et à mobilisation dans l’enseignement supérieur et la recherche : https://cgt.fercsup.net/IMG/pdf/20240304_appel_esr_19_mars_.pdf

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