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Billet de blog 23 juin 2022

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Cuire au travail ou à la maison, sous le capitalisme. Perspective(s) ?

L'urgence écologique impose de mettre la critique du travail au centre du débat et de l'action. Par la base. La canicule en cours illustre le fait que les réponses, radicalement nécessaires ne viendrons pas d'en haut. Nous avons des outils, partout pour démarrer cet énorme chantier. Commençons dés à présent.

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La planète en alerte, la France aussi

France, 14 juin 2022, sécheresse et chaleur cuisante. Ici, Météo France annonçait ici 36° C, 42 °C en ressenti (le lieu n'a pas vraiment d'importance étant donné que le problème est déjà déclaré en Espagne, en Inde, au Pakistan ... disons simplement que nous sommes dans le Sud-Ouest de la France). Les corps sont à rude épreuve et la vague de chaleur a durée plusieurs jours, les neurones sont atones. La présence est au travail, salaire oblige (jusqu'au burn-out déclaré il y a 3 jours)

Pas d'alerte générale quand le bateau flanche

Le gouvernement ayant décidé de se focaliser sur d'autres dossier que l'environnement, il n'y a aucune mobilisation générale qui est sonnée par ce dernier ni en façade ni en substance, rien. Pendant le seuil haut de la pandémie de Covid-19 ou d'autres situations critiques, cela avait été le cas. Certes cela s'est fait de façon désastreuse sur le plan social, sanitaire et démocratique comme souvent (toujours ?) avec ce gouvernement néo-libéral, là avant tout pour les entreprises et les profits. Ce ne serait pas à refaire, pas comme ça, pas par ces gens. Cependant, la société dans son ensemble du jour au lendemain avait été attentive et s'était sentie pleinement concernée par la situation (au moins dans un premier temps). Les services publics étaient questionnés en substances dans le débat sur la manière de coller au plus près de la situation présente, quitte à le faire dans l'urgence. Les entreprises qui étaient impertinentes ou nuisibles (en termes de chaine de transmission du virus) étaient mises à l'arrêt ou réduite en activité. Enfin la question du système de santé tant dégradée par les privatisations et marchandisations successives était enfin mise à jour aux yeux de toustes. Mais une pandémie peut s'arrêter ou se limiter. La catastrophe climatique en cours non. Pas sous le capitalisme. Alors c'est peut-être pour ça que Macron et sa cour ne font rien.

De toute manière les fortunéEs et les possédantEs s'en foutent, quand de larges parties de l'Afrique et d'Asie et ailleurs ne seront plus viables et que des centaines de millions risquent simplement d'en mourir en conséquence, iels n'auront pas de problèmes de consciences à se constituer des zones réservées sur les terres les plus résilientes, où l'agriculture sera encore bien viable où le manque d'eau ne sera pas un problème. Cela se fera sûrement au travers de la propriété foncière, de l'appui de la loi (faite par eux et elles) ou dans de probables mesures, d'un appui de force de sécurité publique ou privé... comme c'est déjà le cas dans certains pays d'ailleurs. La politique coloniale et d'apartheid de l'État d'Israël contre la Palestine en est un exemple actuel en de nombreux aspects (bien que le fondement colonial ne soit pas tellement lié à l'écologie puisqu'ils remontent à plus d'un siècle).

Des perspectives de solutions sont vitales, sinon la fatalité l'emportera

La première évidemment est de réfléchir à partir de son quotidien, de son lieu de vie et surtout de travail car c'est un levier puissant pour changer radicalement les choses. Puisque le travail est à la base des productions matérielles et des productions de savoir. Marx l'ayant bien illustré et d'autre après lui. Tant en arrêtant le travail pour protester quand il devient trop nuisible et dégradant, que pour l'interroger, le repenser, l'utiliser pour arranger fondamentalement les choses. Autrement-dit ce n'est pas tant le travail le problème mais le travail sous le règne du capitalisme. Il y a donc un besoin de rupture profond mais sans les manageurEs, boursicoteurEs et autres patronNEs en tout genre qui sont à l'origine du problème, cela va de soi. Bref en tant que bibliothécaire/auteur de ce billet il est intéressant d'illustrer comment la question écologique est ou n'est pas au centre des préoccupations et des actions sur le lieu de travail. Ce type de schéma illustré ayant si possible vocation à être une piste de réflexion, de critique et d'action pour tous les lieux et type de travail.

L'absurde au cœur du quotidien

Tout d'abord, l'événement marquant au premier plan est que nous souffrons et que les mesures proposées par l'établissement quand elles existent, sont à la fois du déni, de l'ordre de la mesurette et de la contradiction. Par exemple nous manquons depuis des années de wc et de point d'eau sur le lieu de travail malgré deux phases de travaux d'ampleurs, où cette question a été omise et cela malgré des demandes répétées du personnel. Une fontaine à eau à base de bonbonne à eau en plastique a donc été installée. Cela est presque de l'ordre du détail mais souligne le fait d'être laissé avec des ajustements de surface qui souvent renforcent d'autres problèmes (ici avec le plastique) sans réfléchir et solutionner les problèmes en profondeur. Alors que souvent des mesures concrètes, efficaces et simples existent.

Autre chose, depuis des années les vagues de chaleurs frappent le bâtiment où nous travaillons et les bureaux sont pour beaucoup des fournaises. La bibliothèque a donc acquis des ventilateurs en nombre insuffisant pour toustes (appareil ayant une efficacité déjà limitée) ainsi que des clims avec évacuation par tuyaux internes/externes nécessitant de laisser la fenêtre entrouverte, ce qui participe à réchauffer le bâtiment CQFD. En sommes, des clims aux bilans énergétiques catastrophiques et au rafraichissement très partiel.

Passoire thermique oblige, la bibliothèque a obtenu un financement pour subir une isolation thermique contre le froid, mais n'incluant pas spécifiquement une isolation contre le chaud alors que cela va devenir le problème principal. Nous souffrons certes, mais que dire des personnes sur le chantier qui souffre bien plus intensément ? Chantier qui a volontairement été mis sur la période estivale pour raison de moindre affluence. Les usagers ont besoin d'une BU ouverte mais les ouvrierEs peuvent cuire ou cramer au soleil ? La direction de l'Université n'a cherché aucune solution alternative concrète. Et pour dire, nous autre le personnel bibliothécaire malgré beaucoup de doutes émis en amont sur la faisabilité réelle, sommes maintenu pour travailler durant cette période dans le bâtiment (fermé au public), avec un fort bruit de chantier plus ou moins permanent, avec des perceuses à un mètre des oreilles, à devoir gérer en plus une inondation partielle d'une partie des collections suites à un pépin de chantier sur l'infrastructure. Bref c'est la merde. Et les nerfs commencent à craquer chez pas mal de collègues.

Quand le climat, rattrape le modèle de destruction capitaliste

Le problème est connu, la situation planétaire est due au mode de surproduction et de surconsommation capitaliste, en déconnexion avec les limites des écosystèmes mais aussi déconnectées de la plupart des besoins sociaux réels de la population. La contradiction opère dès à présent. En deux jours, la direction a dû opérer en urgence une modification des horaires pour arriver ou partir avant le gros du chaud de la journée (tant pis les personnes qui dépendent des horaires de l'école pour les enfants ou des transports!). Une des deux bibliothèques du campus a été fermée dès 13h au lieu de 20h car la chaleur était intenable.

À côté de ça il est proposé aux agentEs non indispensables sur place de se mettre en télétravail car "il fera moins chaud chez soi". Chez le personnel aisé certes mais chez les pauvres, c'est souvent le contraire. Reste à deviner des deux catégories d'agentEs qui a eu cette merveilleuse idée... Puis quand on est en télétravail, les surcoûts d'énergies, de repas le midi à défaut d'utiliser la cantine du travail lorsqu'il y en a, d'envahissement d'espace etc, c'est pour sa pomme. Quelque fois atténuée partiellement par l'indemnité télétravail.

Alors, quelles perspectives dans cet horizon bien assombrit ?

Il y a trois éléments globaux qui semblent se dégager en réaction à cette situation intenable. La première est le déni, souvent chez les personnes les mieux loties ... "avec une clim ça ira mieux, je pourrais mêmes inviter les amiEs le soir". La seconde est la résignation "ça ne va faire que s'empirer de toute manière, c'est comme ça". Certes mais on ne vit pas pour attendre la mort de manière lasse et défaitiste. La dernière et c'est assez nouveau, avec des collègues qui se mettent à interroger les absurdités environnementales sur le lieu de travail : "C'est trop grave, on pourrait écrire une charte écologique au travail", "prendre l'ascenseur pour un étage c'est absurde, il faudrait mettre une affiche pour en dissuader les gens, en plus c'est bon pour la santé".

C'est un bon point d'appui mais qui peut vite faire flop en tombant dans des micro-adaptations, entretenant le fait de ne pas s'attaquer à la racine du problème précitée : le système de surproduction et de surconsommation capitaliste.
Alors il y a évidemment deux aspects fondamentaux pour tirer vers un horizon positif, dynamique et qui ne sera pas négligeable face à l'immensité du problème. Le syndicalisme doit se renforcer et se développer là où il est absent. En mettant au centre de ses préoccupations la question environnementale. Tout d'abord pour répondre aux problématiques immédiates. Finit le travail par 33 °C au bureau et 44 sur le chantier. Finis-le décalage des horaires sur les heures les plus matinales ou au milieu de la nuit. Il n'existe pas de seuil de température maximal au sens de la loi où on doit s'arrêter de travailler mais le corps lui à une limite. Forçons la revendication de seuil limite de chaleur qui est à définir. Poussons partout où le travail est maintenu de manière absurde à user du droit de retrait. Redonnons-nous confiance en notre légitimité et action collective !
L'urgence vitale, on dit bien VITALE est de sortir du capitalisme et donc de changer profondément le travail. Il s'agit d'une défense primaire. Quelques aspects cités au seul titre d'une bibliothèque pour montrer le champ des possibles (réflexion évidemment à appliquer à chaque domaines de productions matérielles ou immatérielles et sur chaque type de poste). Refusons l'insertion de collection faisant la publicité du néo-libéralisme et de la croissance globale qui ont tant détruit et nous envoient dans le mur. Poussons à ce que les collections nouvellement développées ou mises à jour soit des documents qui intègre pleinement la dimension environnementale sur le fond (le contenu documentaire) et sur la forme (le support du document, sa provenance, son mode d'acheminement, son devenir etc). Là est une bataille matérielle mais aussi idéologique a mener.

Poussons à ce que chaque poste soit interrogé au regard de la crise écologique et modifié ou supprimé en conséquence (sans licencier la personne évidemment mais en la réaiguillant sur un autre poste). Poussons à ce que lorsque travaux il y a, ils prennent pleinement en compte la planète. Poussons à ce que l'établissement s'équipe de garage à vélo ou de poteau d'accroche à l'abri. Poussons à ce que les transports en communs soient gratuits et/ou financé en totalité par l'employeur, pour faire reculer l'utilisation des véhicules lourds. Poussons à la suppression des déplacements idiots dans le cadre du travail, par exemple un déplacement en avion alors que le train existe ou un déplacement de 400 km pour une formation d'une journée. Poussons à ce que des cantines soit rouvertes sur les lieux de travail et largement peu chères, fournie entièrement en bio. Des cantines par établissements ou sinon par secteurs géographiques de proximités pour les petites entreprises ou secteurs publics avec peu d'effectifs. Ces mesures permettront à la fois d'améliorer le quotidien du personnel mais aussi l'état de la planète et dégagerons des pistes d'habiter autrement. Enfin pour le mot de la fin, les manageurEs et autres patronNEs n'en ont largement que faire et sont les freins à de tels desseins, puisqu'iels ne subissent que peu ou pas les conséquences de la crise écologique et en sont souvent d'ailleurs les premiers acteurICEs. Il est donc nécessaire de s'affronter à leur pouvoir. La question syndicale et d'autogestion des moyens de réflexions et d'actions est donc essentielles pour y parvenir.

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