Pourquoi accepter d’animer un atelier sur l’empowerment dans une maison d’arrêt?
- 15 févr. 2017
- Par Bibliothèque Municipale de Lyon
- Blog : "Démocratie : rêver, penser, agir ensemble"
Vivre et faire vivre la démocratie, c’est aussi pour la Bibliothèque Municipale de Lyon introduire et questionner cette thématique derrière les murs de la Maison d’Arrêt de Lyon Corbas. Dans ce but, des murs d’expression ont été mis en place dans les 4 bibliothèques de bâtiments. En 2 mots, 3 post-it… La prison / La (non) prison « idéale » (les améliorations, alternatives à l’emprisonnement) / L’après prison.

La Bibliothèque Municipale remercie vivement Hélène Balazard pour son travail et son investissement qui ont rendu ce beau projet possible.
Quand on s’intéresse à l’empowerment, c’est à dire aux moyens de développer les capacités d’action individuelle et collective - le pouvoir, quoi de plus naturel que de rencontrer et discuter avec les personnes qui en sont le plus dépourvues ? L’incarcération, c’est le déni (qu’on le justifie ou non) de toute capacité d’action sur la société et sur les autres.
Il y a dix ans, j’ai fait un stage en tant que community organizer au sein de London Citizens. Le but de cette association londonienne est de rassembler les différents habitants d’un territoire afin qu’ils identifient et agissent sur des causes communes : l’augmentation des salaires, la construction de logements abordables, l’accueil de réfugiés…

J’ai également eu l’opportunité, lorsque j’étais chargé d’étude au CEREMA, de participer à d’autres démarches d’empowerment, notamment mis en place dans le cadre des Agenda 21, des Evaluations Impact Santé ou de la politique de la ville. Nous intervenions au sein d’établissements scolaires, d’associations, de centre sociaux, de dispositifs de concertation…
Je n’ai par contre jamais eu l’occasion de travailler au contact de l’univers carcéral dont ma connaissance se restreint à peu de choses près aux échos que l’on entend ici ou là, aux infos, en croisant un ancien détenu ou encore dans les films.
J’ai tout de même était sensibilisée de plus ou moins loin à certaines problématiques de l’univers carcéral.
Celles des conditions de détention et des raisons parfois arbitraires de détention. Mon frère a donné des cours de mathématiques à la prison de Fresnes dans le cadre de l’association Genepi et a été marqué par le manque d’humanité des conditions de détention mais aussi par certains cas de détenus qui n’avaient même pas été condamnés. Des personnes auxquelles les droits de l’Homme ne s’appliquent pas. Cette problématique est également au cœur d’un documentaire que j’ai vu l’été dernier à Londres, The Confession, qui revient sur le parcours d’un ancien détenu de Guantanamo, finalement innocenté après avoir subit des crimes horribles justifiés ironiquement par la « Guerre contre la Terreur ».
Celle de la discrimination raciale du système judiciaire. Je travaille actuellement à Londres sur un projet de recherche sur les discriminations ethno-raciales, religieuses et territoriale[3]. J’ai ainsi appris qu’au Royaume-Uni, quand on est noir, on a plus de chance de finir en prison qu’un blanc pour un même délit[4]. En France, malheureusement, aucune étude fiable et rigoureuse n’existe à ma connaissance sur le sujet.

Et enfin celle de la délinquance comme porte de sortie de la pauvreté et de l’inactivité. C’est notamment l’association Zonzon 93 dont l’objet est la prévention de la délinquance et la sensibilisation des jeunes à la réalité de l'univers carcéral par le biais de l'éducation populaire qui m’a ouvert les yeux sur les actions à mener.
Pour toutes ces raisons, autant d’injustices à combattre, je remercie la Bibliothèque municipale de Lyon de me donner à présent l’opportunité de confronter mes connaissances et questions sur l’empowerment à celles des personnes incarcérées.
Hélène Balazard, février 2017
[1] Cf. Agir en démocratie, 2015, Ivry-Sur-Seine, Editions de l’Atelier
[3] http://uk.reuters.com/article/uk-britain-justice-minorities-idUKKBN13B1KB
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