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Billet de blog 28 septembre 2025

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Comment payer ses achats à Cuba ?

Le système monétaire cubain relève d’un micmac surréaliste. Tentative d’explication pour les amateurs de détails et de casse-tête, ou pour les voyageurs en quête d’immersion.

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On peut utiliser plusieurs monnaies à Cuba :

Le CUP (Peso cubain) est accepté par les commerces de proximité tels que les marchés d’État, les petites épiceries et les marchands de fruits et légumes (voir billet précédent : faire ses courses à Cuba). 

L’USD (dollar), en espèces, permet d’accéder à certains supermarchés d'Etat. Ceux-ci acceptent les autres devises telles que l’euro, mais uniquement par carte bancaire (dont seuls les touristes, les résidents étrangers ou les binationaux sont en possession). 

Le MLC (monnaie librement convertible), qui s’utilise dans d’autres types de commerces, de moins en moins nombreux et ayant tendance à être remplacés par les précédents, mais auquel l’État ne veut pas renoncer, cette monnaie ayant l’avantage d’être exclusivement numérique. 

Alors comment ça marche ?

Le CUP, celui qui concerne toute la population, se gagne en travaillant et peut se retirer au distributeur. Notons qu’il faut pour cela affronter l’interminable queue et être prêts, après avoir attendu des heures, à rentrer chez soi bredouille en raison de la coupure d’électricité ou de la panne du système qui viennent de tout interrompre, probablement jusqu’au lendemain. Pour les détenteurs de monnaie étrangère, il peut également s’obtenir par le change légal ou illégal (voir plus bas).

L’USD ou l’Euro en cash s’obtient grâce aux faveurs d’un ami touriste ou d’un parent à l’étranger qui vous les procure, d’un détenteur qui vous les vend, ou bien si l’on gère un commerce, en espérant qu’un client accepte de vous payer avec les précieux billets. 

Les MLC s’achètent à la banque. Il faut ouvrir un compte et y déposer l’une des monnaies acceptées (euro, livre sterling, dollar canadien, et bien d’autres) en échange desquelles le fonctionnaire banquier créditera votre carte en MLC suivant une conversion définie par l’État et à des taux pour le moins insolites. 

Pour qui veut passer d’une monnaie à l’autre, l’État a fixé des taux : aujourd’hui, 27 septembre 2025, par exemple, le MLC vaut officiellement 60 CUP (peso cubain), l’euro 140 et le dollar 120, cela pour les particuliers. Car pour les entreprises, le dollar et l’euro valent respectivement 24 et 28 pesos. Ces monnaies ont donc deux taux de change officiels, l’économie cubaine faisant le grand écart entre les deux suivant des prouesses compréhensibles uniquement par les experts, et n’allant jamais à l’encontre des intérêts de l’État, mais que je serais bien incapable d’expliquer clairement ici, et qui restent un mystère obscur pour l’ensemble de la population.

Un autre problème majeur, est que les banques n’ont pas de devises en liquide. Il est possible d’ouvrir des comptes en monnaies étrangères (dans le cadre d’un commerce travaillant avec l’étranger par exemple) et d’y placer son argent. Mais la banque ne sera pas en mesure de satisfaire le client s’il souhaite retirer des espèces. Le pays en est dépourvu, expliquera le fonctionnaire banquier.

Il est donc nécessaire, pour qui veut se procurer des euros ou des dollars en billets, de les acheter dans la rue. Ils sont en général rapportés par tous ceux qui voyagent. Ils sont recherchés par les commerces travaillant avec l’étranger, les citoyens projetant de quitter le territoire et désireux de se faire une petite réserve pour leur départ, ou toute personne souhaitant simplement faire des achats dans un commerce en dollars, ou encore, recharger sa carte en MLC. 

Cependant, la rue implique d’autres taux de change que ceux des banques, déterminés par les usages de l’échange informel. Ces taux sauvages variaient autrefois, d’une région, d’un quartier, voire d’un vendeur à l’autre, mais le trafic prenant une grande ampleur, tout s’est peu à peu organisé. Certains sites internet indiquent la tendance de chaque taux à un jour donné et sur l’ensemble du pays. Parmi ces sites, s’est imposé « El toque » (fondé par une association de journalistes cubains dont le siège est en Pologne) qui désormais fait office de référence. Aujourd’hui, les taux affichés par El Toque sont les suivants : le MLC vaut 210 CUP, le dollar 439 CUP et l’Euro 490 CUP. Ils n’ont donc rien à voir avec les taux officiels, mais sont ceux pratiqués dans la rue, seul lieu où les échanges de monnaie en liquide peuvent se faire. À son tour, la rue suit les préconisations d’El Toque. C’est donc tout un pan de l’économie qui tourne le dos aux décisions de l’État, et prend pour référence les valeurs annoncées par un organisme privé (heureusement sérieux), totalement indépendant et s’appuyant sur les échanges informels, en d’autres termes, sur le trafic illégal de monnaies. Incapables de fournir à leurs clients de l’argent en espèce, les banques lui ont laissé le terrain libre. 

Ainsi en va-t-il de la réalité des consommateurs (trices) cubains, comme si l’inflation et les carences alimentaires n’étaient pas suffisantes, et ainsi se résume le micmac auquel les visiteurs devront se préparer, à moins qu’ils ne soient amateurs de voyages organisés ou d’hôtel tout inclus avec plage réservée.  

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