À lire absolument, une très belle interview de Patrick Charton, adjoint au directeur sûreté, qualité et environnement à l'Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (Andra) : Se souvenir des déchets. M. Charton dit ne pas avoir personnellement d'avis sur la question du nucléaire, mais qu'une fois les déchets créés, il faut bien s'en occuper, ce sur quoi je suis entièrement d'accord.
Néanmoins, la durée de vie des déchets dangereux pose problème : siècles, millénaires voire plus... Comment transmettre la mémoire des sites de stockage ? Comment gérer les changements de langue, les évolutions de la compréhension des symboles... Connaissez-vous la symbolique utilisée au 13è siècle ? Pas moi. Qui peut garantir que dans 700 ans, un dessin qui représente aujourd'hui le danger, la douleur, sera interprété comme tel ? On a déjà du mal à trouver des couleurs et une iconographie commune entre Occidentaux et Chinois ! Chez ces derniers, le blanc est symbole de deuil, tout comme il pouvait l'être à une époque en France...
J'aime particulièrement cette question :
N'existe-t-il pas des symboles susceptibles de traverser le temps ?
Les mégalithes de Carnac, qui remontent à 6 700 ans, nous sont mystérieux. Pourquoi ces alignements, pourquoi à cet endroit ? Même chose avec les fresques de la grotte de Lascaux, exécutées il y a 18 000 ans. Etait-ce un exercice esthétique, ou ces hommes ont-ils essayé de nous transmettre un message ? Une tête de mort, un visage qui pleure évoqueront-ils un danger ? Rien ne dit que, dans des dizaines de milliers d'années, les symboles que nous laissons ne passeront pas pour un exercice esthétique. Il faut arriver à coupler le signe matériel et le sens, et personne n'a de réponse unique sur les moyens d'y parvenir sur des durées aussi longues.
Quant à la dernière question posée par Le Monde, elle se passe de commentaires :
De nos ancêtres, nous avons reçu des objets d'art, des réalisations architecturales... Cela ne pose-t-il pas un problème moral de transmettre à nos descendants des déchets dangereux ?
Si seulement on ne léguait aux Terriens des 22è, 23è, 24è siècles que des déchets radioactifs. J'ai bien peur qu'ils aient à faire face à des défis bien plus importants que ceux que nous devons gérer dans les prochaines décennies. Il va falloir nous montrer digne d'être les premières générations futures.