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Billet de blog 9 décembre 2024

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Notre Dame éclipse ses offenseurs!

Y-a-t-il lieu de s’interroger concernant les différentes significations de la présence de Donald Trump lors de la réouverture de Notre Dame? Pourquoi, parmi les personnalités politiques et puissants richissimes conviés à cette inauguration, cette invitation particulièrement stupéfiante de ce futur chef d’État, peut-elle autant cristalliser une sensibilité commune heurtée?

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                                                                            Notre Dame éclipse ses offenseurs!

Y-a-t-il lieu de s’interroger concernant les différentes significations de la présence de Donald Trump lors de la réouverture de Notre Dame?

Pourquoi, parmi les personnalités politiques et puissants richissimes conviés à cette inauguration, cette invitation particulièrement stupéfiante de ce futur chef d’État, peut-elle autant cristalliser une sensibilité commune heurtée? S’agit-il, outre sa signification politique, d’une spiritualité profane offensée, d’un sentiments d’insulte au plus sacré de valeurs partageables – et ce dans un pays largement déchristianisé?

Pourtant l’histoire des cathédrales, particulièrement celle de Notre Dame c’est aussi d’avoir toujours servi aussi bien les autorités spirituelles que temporelles,. Le couronnement de Napoléon, glorifié par David, le peindre de la Révolution et de l’Empire, constitue une de ces apothéoses de la construction d’un prestige politique.

Lors de la campagne présidentielle des USA, la « Bible Trump », vendue en ligne et parrainée contre rémunération, à rapporté 300.000 $ au futur président. Aux USA la religion du marché est plus que nulle part ailleurs profondément intériorisée par une partie prédominante de ses citoyens. La réélection de Trump personnifie admirablement cette réalité d’une démocratie atteinte de ploutocratie bien davantage que les autres sociétés occidentales. Une marchandisation sans rivages et la religion comme refuge de l’esprit et instrumentalisée par la symbiose de l’argent et de la politique. Une idéologie officielle manifestée sur le dollar par la devise « In God we trust ».

L’extrême droite, la droite, et ses sphères d’influence au niveau national et international, qui tend à l’hégémonie des idées dans l’actuelle crise systémique du capitalisme, mettent en avant la défense de la « civilisation judéo-chrétienne » pour renforcer sa cohésion et l’adhésion des populations. Il s’agit de confronter puissamment des pensées politiques adverses. Notamment des idées proprement internationalistes et conjointement d’affronter le choc des nouvelles réalités géopolitiques avec des hégémonies vacillantes.

Les points de vue sur le passé sont toujours tributaires des intérêts du présent. L’histoire est sans cesse un enjeu politique. Le concept contemporain de « civilisation judéo-chrétienne » passe ainsi aux pertes et profits l’héritage de l’antiquité grecque, Rome et l’Empire romain païen, les Lumières, les apports des civilisations extra-européennes …

Dans ces visions limitées, l’histoire du christianisme (pour le moins contrastée : les croisades, l’inquisition…) est de même rétrécie : ainsi les mouvements révolutionnaires ou progressistes chrétiens et ses protagonistes : ceux qui se sont inspiré des valeurs humanistes inhérentes à cette religion, sont généralement omis ou récupéré par l’officialité.

Par conséquent sont souvent omis, ou récupérés, dans l’histoire contemporaine dominante, un mouvement comme celui des Sans-terre/ Frère des hommes (aujourd'hui l'un des plus importants mouvements sociaux d'Amérique Latine) ou des figures comme Martin Luther King ou Mandela, et, s’agissant du passé, un dirigeant révolutionnaire comme Thomas Müntzer, prédicateur anabaptiste lors de la guerre des paysans (1524-1526).

S’impose par contre sans contestation possible Victor Hugo, fervent chrétien, farouche anti-clérical et pourfendeur de l’injustice sociale . Son roman historique « Notre Dame de Paris » paraît constitutif de l’identité même de la cathédrale.

Que le Pape François ait dédaigné l’invitation de Macron pour l’inauguration de Notre Dame est d’une évidente signification politique : ce pape argentin n’a pas voulu se faire instrumentaliser par une manifestation politico-religieuse ostensiblement occidentale. La prétention d’universalité de l’Église catholique l’oblige à tenir compte de la perte d’influence de l’Occident confronté aux pays émergents. Et venant d’Amérique Latine son logiciel intellectuel englobe inévitablement La théologie de la libération et son mouvement socio-politique influencé par le marxisme.

Les cathédrales gothiques, et notamment Notre Dame, enseignent au plus haut degré les potentiels humains. Que de tels chefs-d’œuvres, de grande envergure et de prouesses techniques et artistiques éminents, aient pu s’accomplir au Moyen-âge, sont l’aboutissement d’une étroite coopération d’intellectuels de toute sorte, d’artisans et de ce que nous nommons aujourd’hui artistes. Ils témoignent de l’optimisme de leur temps et que certains défis des idéaux transcendants l’existant aient pu se réaliser. Pourquoi ne pourrait-il pas être de même pour des projets sociaux-politiques et écologiques audacieux qui paraissent encore abstraits aujourd’hui ? Autrement-dit : quelles sont les nouvelles «cathédrales» à construire à notre époque ?

Le soviétique, psychologue, pédagogue et penseur fécond, Lev Vygotski (juif et biélorusse) est à l’origine de la théorie historico-culturelle qui affirme que le psychisme humain - outre le fait qu’il est influencé par les racines biologiques et héréditaires de l’Homme - est avant tout façonné par son insertion au sein d’une société et d’une culture cumulative (d’apports hétérogènes).

Nos pensées, notre mental, nos savoirs intégrés - même élémentaires - résultent d’un environnement d’expériences collectives, empiriques ou spéculatives, cumulées et transmises à travers l’Histoire. ( langues, outils, technologies, savoir faire etc.)

L’épopée de la construction de Notre Dame semble illustrer cette théorie de la mobilisation d’un summum de savoir faire réunis. Une réussite produite par des influences multiples et une grande créativité, où tous les corps de métier ont pu donner toute leur mesure.

Ce qui frappe, c’est la haute tenue d’un art gothique qui révèle une rare spiritualité intellectuelle et morale, mais « il a fallu la pile romaine, la voûte persane, l’arc arabe, l’émail sassanide, la peinture copte, la miniature byzantine, les traditions d’Euclide et d’Aristote, la science de Pline, la Bible venue de Bethléem et du Sinaï, la théologie des pères du désert pour que surgisse dans le ciel cette architecture ».

A l’époque actuelle ceux qui croient aux ciel et ceux qui n’y croient pas, peuvent partager la volonté de défendre communément certaines valeurs sacrées humanistes souillées, et pour cela ne pas accepter que la politique instrumentalise la foi et vice versa.

Chassons les marchants du Temple !

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