En juin de cette année, le réseau École et Nature* a publié le rapport Syndrome du manque de nature : du besoin vital de nature à la prescription de sorties. Il semblerait bien, tenez-vous bien, que les pratiques dans un environnement naturel auraient des effets bénéfiques sur la santé. A contrario, lorsque nous ne fréquentons pas suffisamment Dame Nature, nous allons moins bien. Ce ne seraient que de vulgaires idées reçues si des études, citées et commentées dans le rapport, ne les avaient pas confirmées. De fait, l’idée du nature deficit disorder a mené son bonhomme de chemin et traversé l’Atlantique.
Ainsi, des diagnostics ont été établis, confirmant des hypothèses formulées à partir d’observations. Il est dorénavant démontré que l’enfermement excessif dans un local ou dans un véhicule, qui n’est pas que le fait des adultes, est la cause de dégradations physiques et mentales : hyperactivité et déficit de l’attention, prise de poids et obésité, hypertension, maladies cardiovasculaires, diabète et cholestérol, myopie, asthme, stress, grande fatigue et dépression, attitude passive face au monde, retard chez les enfants dans leur développement psychomoteur, social et émotionnel. Voici un chiffre cynique, comme nous les aimons tant : au Royaume-Uni, l’inactivité a coûté près de 12 milliards d’euros en 2003. Et ne parlons pas de la consommation d’antidépresseurs en France !
Or, face à cette collection de symptômes, de signes cliniques, d’écarts à ce que pourrait être une norme et de dépenses exorbitantes, le remède est simple, même s’il tend à remettre en cause nos choix de société (mécanisation, industrialisation, sédentarisation et virtualisation notamment). Oui, à tous les âges, le contact direct avec la nature est stimulant, équilibrant, apaisant ! C’est pourquoi la promotion des activités sportives et de plein air contribue à la prévention du mal-être, ainsi qu’à la guérison de certaines pathologies. Il est donc sérieux et mesurable, en termes de santé publique et à l’échelle individuelle, de vouloir inclure cet axe à la médecine préventive et thérapeutique.
Au fond, nous commençons à prendre conscience des effets désastreux de l’urbanisation sur la faune, la flore, l’eau, l’air et la terre, mais nous sommes encore les champions de la politique de l’autruche en ce qui concerne les dégâts que nous subissons et qui résultent de nos immobilités, de nos enfermements et de l’artificialisation exponentielle des espaces.
Nous cultivons des représentations négatives et une peur de la nature, alors que nous n’avons pas l’ombre d’une hésitation quand il s’agit de prendre la voiture ou l’avion. Tiens, à la cohorte de mots en "phobie" dont c’est la grande mode en ce moment, pourquoi ne pas ajouter celui de "naturophobie" ? Trêve de plaisanterie. Imprégnés par la quête toujours plus exigeante du confort et du sentiment de sécurité, nous sommes gagnés par une sorte de frilosité rampante à l’idée d’une simple promenade : se salir, avoir froid, se mouiller, être confronté à une "mauvaise" odeur ne sont plus… "naturels" ! Ce sont même des "étrangetés" parce qu’il faut s'habiller autrement, parce que ça prend du temps, parce que ça ne fait pas sérieux, parce que ça change. Les élus, surbookés et déconnectés de la réalité, s’éloignent de la biodiversité, de l’agriculture et du plein air, hormis à l’occasion de quelques salons et animations qui n’ont d’authenticité que celle d’un gadget en plastique fluorescent ou d’un pachyderme empaillé originaire de Vincennes. Les uns oublient qu’ils sont dotés de jambes faites pour marcher, les autres sont persuadés que les chemins ne sont praticables que revêtus de bitume. La nature, c’est tantôt divin, tantôt sauvage, tantôt folklorique ou suranné. Il ne manque plus que les sabots.
Résultat des courses : nous réduisons notre propension à la respiration, aux liens et aux échanges, à la créativité, à la préservation de nous-mêmes et de notre santé, à la lenteur. Pourtant, les solutions ne manquent pas. Le réseau École et Nature ne le sait que trop puisqu’il les expose dans son rapport et les encourage sur le terrain : sortir des salles de classe, éduquer dehors, rendre les espaces naturels accessibles et les incorporer au tissu urbain, promouvoir le jardinage respectueux… Savez-vous que 50 minutes quotidiennes de promenade à pied et en nature améliorent la mémoire et la concentration d’environ 20 %, et plus encore chez une personne dépressive ? Et bien oui, vous le savez. Vous le savez même parfaitement. Seulement, aller à la pharmacie, c’est tellement plus simple, plus normal et plus économique, n’est-ce pas ?
Allez ! Hop ! Puisque vous avez fini de lire ce fabuleux billet, passez du plein écran au plein air, baladez-vous et prenez le temps qui est à prendre. Et puis, n’oubliez pas que, en dépit de tous vos satanés défauts urbains, I love you.
* Le réseau École et Nature œuvre pour l’éducation à l’environnement, le développement durable et la transition écologique. Voilà des acteurs engagés qui parlent de l’environnement comme d’une source d’autonomie, de responsabilité et de solidarité citoyenne. Leurs initiatives et publications sont placées sous le signe de l’éco-citoyenneté. Elles contribuent à tisser des liens, à échanger et à apprendre au contact de l’environnement, soit à travers des partenariats avec des écoles, soit en imprégnation dans son propre milieu biophysique et social.