 
    Mérida a changé de look. À l’attention de ceux qui ne la connaîtraient pas, je rappelle qu’il s’agit d’une princesse qui tire des flèches aussi bien qu’un garçon, qui déchire sa robe si elle est trop serrée et qui ne veut pas se marier. Héroïne toute tracée des studios Pixar pour Disney, elle illustre l’idée selon laquelle une fille vaut bien un garçon et a tout à fait le droit de défier une tradition, aussi millénaire soit-elle. Le film d’animation Rebelle est donc né de cette idée féministe qui, en été 2012, semblait relever d’une cause entendue. Seulement voilà, par le biais d’une pétition, j'apprends à l’instant que cette princesse indocile et immariable est en train de subir un relooking forcé. Sa mère-créatrice, Brenda Chapman (qui fut quant à elle évincée pour être remplacée par un homme), a beau s’insurger, rien n’y fait. L’image de Mérida et ses produits dérivés seront dorénavant lissés, adoucis, disciplinés, amincis… bref, plus “sexy”. C’est horrible ! Mérida avait justement été dessinée dans le but de briser les carcans actuels de la beauté. Elle est là pour offrir aux fillettes un modèle plus fort et plus crédible, avec plus de substance qu’un joli visage qui attend qu’on tombe amoureux d’elle !, se défend Brenda Chapman. Est-ce à dire que l’on est en train de faire entrer l’indocile princesse Mérida dans le fourreau de Grace Kelly ? Il faut croire que oui, n’en déplaise aux déjà plus de 100 000 signataires de la pétition.
Cette actualité pourrait n’être que poudre aux yeux, une sorte de trait en pointillés, une énième tentative d’absorber les élans féministes. Cependant, je ne peux m’empêcher d’établir un rapprochement avec le contexte quelque peu énervé que nous traversons. De fait, entre les innombrables débats sur le voile et la laïcité, les revendications internationales des Femen et les imprécations soi-disant traditionnalistes pour que chaque enfant ait un papa et une maman bien à sa place, la question de ce que doit être ou non une femme semble à nouveau agiter la place publique. Il est étonnant que cette nouvelle modélisation du personnage Mérida sorte maintenant des chapeaux.
Mais l’autre parallèle que je me hasarde à tracer vous paraîtra peut-être encore plus étonnant. Je pense en effet à la convention de Mérida émanant des Nations Unies, ratifiée en 2003 par 114 pays, dans l'objectif de lutter contre la corruption internationale. S’ajoute l’initiative de Mérida qui avait été concoctée par le gouvernement de George W. Bush. Ce plan controversé vise grosso modo à fournir, principalement au Mexique, des fonds et moyens militaires nord-américains dans l’objectif de mettre des bâtons dans les roues des narcotrafiquants.
De ces coïncidences, peut-on raisonnablement déduire que Barack Obama, dont l’actualité est marquée par un projet de loi visant à régulariser 11 millions d’immigrés clandestins, et son homologue fraîchement élu Enrique Peña Nieto, qui se déclare à la fois réformiste, nettoyeur et conquérant économique face à la Chine, sont en train de relooker leurs relations ? Sommes-nous à l’orée de nouveaux codes, de nouveaux échanges et accords portant sur la drogue, la corruption et l’immigration ? L’ingérence dont il est fait reproche aux États-Unis par les pays du Sud voit-elle ses derniers jours ? À l'instar de la fière Mérida qui revendique son droit à prendre elle-même son destin en main, le Mexique est-il en train d’endosser un nouveau costume ou, plus fondamentalement, de se remuscler ?
Impossible, pour l'instant, de répondre à cette volée de questions. Il semble en tout cas qu'un nouveau scénario, s'il n'était pas déjà dans les tiroirs, est en train de s'écrire. Parfois, dans l’actualité, il se trouve des coïncidences aux allures tellement merveilleuses que l’on ose à peine y croire, sauf à ne pas craindre d’être accusé(e) de confondre les acteurs politiques et les héros de dessins animés. Au fond, mélanger volontairement les pinceaux et aller chercher midi à quatorze heures, c’est mon petit côté frondeur et incorruptible à moi, modeste rebelle et tireuse de flèches à grands traits. Ce soir, je me demande si la princesse anti-corruption restera à l’état de mythe (relooké ou non) ou sera une réalité (plus ou moins sexy). 
 
 
     
                 
             
            