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Billet de blog 24 mai 2013

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Top chrono la lecture

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C’est bien pratique : Le Plus du Nouvel Observateur indique, en haut à droite de chaque article publié en ligne, le temps de lecture.
 

(Source : Le Plus, article paru le 15 mai 2013)



L’internaute gère ainsi son planning et, en fonction de ses obligations professionnelles ou personnelles, en connaissance de cause, décide de lire immédiatement l’article ou d'en mémoriser le lien et différer cette action. Il en est donc des articles de presse comme il en est des fiches de cuisine et plus personne ne pourra dire qu'il est pris au dépourvu. Lorsqu'il découvre un intitulé à l'odeur alléchante, le gourmet peut ainsi savoir d’emblée si, compte tenu du temps de préparation et du temps de cuisson, il peut ou non se lancer dans la périlleuse entreprise du mille-feuilles au filet de pangasius et sa crème de pleurotes. 

(Source : Marmiton, recette consultée le 24 mai 2013)



Je suppose que ce temps de lecture n’est pas indiqué à la louche car il existe bel et bien des outils de calcul, plus précisément des tutoriels élaborés à partir d’une méthode rationnelle. Il suffit que le rédacteur-mijoteur procède au comptage du nombre de mots de son texte, comme il pèserait ses oignons ou ses pleurotes, puis qu’il définisse une option de vitesse de lecture (élevée, moyenne ou basse) de la même manière qu’il déciderait d’une cuisson bleue, saignante ou à point. Et hop, au four, le tour est joué ! À la seconde près, le tutoriel calcule tout seul le temps qu’il faudra prévoir pour lire-cuire l’article.

Les cuistots les plus méticuleux, éventuellement réticents à l’automatisation, pourront s’ils le préfèrent appliquer une méthode artisanale de calcul, étayée de quelques explications sur la vitesse moyenne de lecture. Une fois ces données intégrées, il leur suffira de recourir à la fameuse règle de trois pour, en fonction du nombre de mots de leur article et de cette vitesse de lecture souhaitée, indiquer à l’internaute le temps qu’il doit prévoir.

Désormais, un lecteur averti en vaut deux et n’a qu’à bien se tenir. Grâce à cette indication, il peut non seulement être le propre manager de son temps de lecture, mais aussi évaluer sa rapidité par rapport à celle des autres lecteurs, adopter une approche critique de sa propre pratique et, à terme, fort de ces déductions, optimiser les minutes quotidiennes consacrées à l’épluchage de la presse-poireaux-pommes de terre. Pour ceux qui voudraient aller plus loin et surtout plus vite, il existe des tests permettant d’évaluer sa performance de lecture et de compréhension (il nous est précisé que les deux ingrédients, "lecture" et "compréhension", ne sont pas tout à fait équivalents, donc pas interchangeables si l'on est attaché à la qualité de ce que l'on ingurgite). Il est également recommandé de se procurer un logiciel de lecture rapide, ustensile permettant d'obtenir des performances de haut niveau. Avec un entraînement soutenu, le lecteur lambda peut espérer mettre un terme à ses habitudes aussi désastreuses que conditionnées par des années laborieuses de déchiffrage.

Elle est donc révolue, cette époque où l’on perdait bêtement son temps à :

- se lever de sa chaise,

- regarder par la fenêtre,

- s'infuser un thé,

- réfléchir,

- mettre en cause ce qui est écrit,

- extirper de sa bibliothèque rescapée d’étudiant un vieux bouquin à partir duquel on pouvait étayer une idée contradictoire,

- répondre à son enfant ou, pire, lui préparer un goûter,
- s'occuper de ses oignons ou faire revenir ses pleurotes,

- griffonner une idée, une référence à lire plus tard, un de ces jours, on ne savait quand au juste.

Maintenant, ce qu'on sait, c'est quand on part et quand on arrive. Peu importe d’où on part et où on arrive. L’essentiel, ce n’est même plus le temps que l’on cherche ou que l’on retrouve, mais le temps que l’on maîtrise. On ne va quand même pas se laisser faire par le temps qui passe ! Non mais, qui est-ce qui commande, ici ? Quatre minutes, c'est 4 minutes, un point c'est tout. 

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