Nous sommes déjà mardi 19 mai , il est 2h du matin et pourtant , bien que fatiguée , je ne trouve pas le sommeil.
Ici aux Antilles nous sommes dans cette période de l'année que nous appelons le carême . C'est la saison sèche , les pluies sont rares et il fait chaud de jour comme de nuit et la sècheresse sévit d'un bout à l'autre de notre chère Martinique , les rivières qui servent à la captation de l'eau sont moins généreuses.
Voici exactement 30 ans que mon mari et moi ainsi que nos enfants sommes retournés dans son île natale .Ce n'est donc pas le premier carême que nous connaissons . Celui d'il y a 2 ans fut particulièrement chaud , bien plus chaud que cette année et pourtant nous n'avons pas eu toutes les coupures d'eau que nous subissons depuis plusieurs semaines
Les habitants de Acajou ,un quartier du Lamentin , ont du supporter 2 semaines sans une goutte d'eau dans les robinets
Les communes du sud , Ste Luce et Vauclin ont également été confrontés à de sévères pénuries du précieux liquide . Ce matin à la radio un homme témoignait qu'il avait été confronté à 29 jours de privation d'eau car oui , on peut parler de privation car contrairement à ce que l'on pourrait croire , ces coupures incessantes ne sont pas seulement dues à la sècheresse mais disons le franchement , à une ingérence et une mauvaise répartition de l'eau sur l'île
2 organismes se partagent la distribution de cette ressource naturelle : la SME et odissy . Leurs relations sont particulières car ils ne sont ni partenaires , ni concurrents cependant la SME fournit une partie de l'eau à Odissy qui la redistribue dans nos robinets foyalais et Lamentinois entre autres
Il semblerait que la SME ne donne pas suffisamment à Odissy qui ne peut par conséquent pas fournit les usagers que nous sommes
Dimanche 17 mai les abonnés ont reçu un mail leur annonçant une coupure pour 21 h , ce fut effectif à l'heure dite. Le retour était prévu pour 8h le lendemain il fut effectif aussi mais seulement pour une partie des abonnés
en effet , alors que toute la Dillon (quartier populaire de fort de France) retrouvait le liquide salvateur dans ses robinets à l'heure dite , mon quartier (les hauts de Dillon)ne vit le retour de l'eau que quelques heures plus tard .
Mais , car il y a un mais , ma résidence et plus particulièrement mon bâtiment et plus particulièrement encore ,mon étage ne vit qu'un misérable filet d'eau qui s'écoula bien péniblement 2 petites heures , le temps de reconstituer les réserves que nous sommes contraints d'avoir pour palier aux coupures d'eaux de plus en plus récurrentes .La cause ? un surpresseur incapable d'amener l'eau promptement à tous les appartements de notre résidence
Par conséquent , nous avons été privé d'eau de dimanche soir 21 h jusqu'au lundi 20h mais comme cela ne suffisait , alors que l'eau commençait à retrouver un débit à peu prêt respectable un autre mail est tombé annonçant une nouvelle coupure pour 22h et il fut effectif à 22h tapantes
Le retour est prévu pour mardi 18h . pour mon petit cinquième étage nous pouvons rajouter au moins 12 h d'attente avant que l'eau ne commence à couler en un miniscule et ridicule filet ce qui nous ramène au mercredi matin…… si tout va bien.
Chaque jour et pour de plus en plus de Martiniquais c'est l'angoisse du robinet vide et sec et des coupures sauvages et aléatoires et pour couronner le tout nous ne trouvons que très rarement des interlocuteurs , ils sont aux abonnés absents et quand nous parvenons à les joindre l'argument est bien rôdé: sècheresse ou casse
Mais nous savons bien que tout cela est le résultat d'ingérence due à la multiplicité des fournisseurs , de la mauvaise répartition de l'eau et d'un réseau plus que défectueux
aux dires de la SME , c'est l'équivalent de 2 piscines olympiques chaque jour qui partent dans la nature à causes des fuites du réseau
et d'un autre côté la SIMAR qui gère le parc immobilier dont je dépends ne fait rien pour installer un surpresseur capable d'alimenter correctement en eau des centaines d'appartements et le résultat de tout cela est celui que je vous ai raconter plus haut
Donc pour tous les locataires comme moi qui vivent au delà de 4 étages c'est la double peine : les coupures d'eau récurrentes et la faiblesse du surpresseur
Voilà donc pourquoi , à 2 h du matin , bien que fatiguée et stressée je ne trouve pas le sommeil , car comme chaque jour sans eau , je veillerai à ne pas trop utiliser ma réserve car je ne sais même pas si j'aurai le temps de la reconstituer .
L 'accès à l'eau est un droit fondamental mais le droit des Martiniquais est bafoué depuis des semaines , la colère gronde d'autant plus fort que nous sommes dans une période critique où le coronavirus frappe encore
Je ne supporte plus les messages incessants dans les médias qui nous rappellent les consignes sanitaires : laver fréquemment ses mains
Ici , à la Martinique , on rêve de pouvoir se laver les mains sans craindre un robinet désespérément vide
Il vous savoir que des personnes ont du aller faire leurs besoins dans la nature . On ne vit pas au fin fond de la savane , l'île dispose d'infrastructures modernes , les maisons et les appartements sont équipés du confort que l'on trouve partout ailleurs
Je suis sûre que si une telle situation existait en France , elle ferait la une des journaux . Je vois les gros titres : "en 2020 , contraints d'aller faire ses besoins dans la nature à cause des coupures d'eau......." ici , seules les victimes s'émeuvent
Je vais clore là ma complainte ,mais écrire ces quelques mots m'a permis au moins de retrouver un petit moment de sérénité comme un petit exutoire