Aurélien POUZET-ROBERT

Abonné·e de Mediapart

1 Billets

0 Édition

Billet de blog 21 juin 2014

Aurélien POUZET-ROBERT

Abonné·e de Mediapart

Il Medico dei pazzi: Solidaires...par la contrainte.

Aurélien POUZET-ROBERT

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Contraints...d'être solidaires.

Hier soir, à l'Opéra National de Lorraine, devait avoir lieu la création mondiale d' "Il Medico dei Pazzi", nouvel opéra du compositeur italien Giorgio Battistelli.

Cet évènement a finalement été annulé, à la faveur d'une soirée d'occupation de la scène par le collectif des Intermittents du Spectacle de Lorraine, et ce malgré que le personnel de l'Opéra National de Lorraine ait voté majoritairement le maintien du spectacle.

Le temps d'une soirée, la maison Opéra a donc vécu une solidarité professionnelle tout d'abord choisie (une action collective et pédagogique avait été mise en place à cet effet avant le spectacle) puis non choisie, avec l'annulation de la création.

Faut-il s'en offusquer?

Comme l'a très humainement rappelé Laurent Spielmann, directeur de l'établissement, clôturant la soirée, il n'y a pas de frontières entre intermittents et musiciens permanents dans la cause qui doit être défendue aujourd'hui.

Nous, musiciens salariés, "permanents du spectacle", institutionnalisés au plan national, pourrions avoir été ou devenir un jour des précaires de nos professions.Nous ne pourrions également pas produire les mêmes spectacles sans ces artistes.

A ce titre, la solidarité intra professionnelle ne devrait-elle pas jouer, tout à l'honneur des plus fragiles (et fragilisés) de l'industrie culturelle, qui ne peuvent s'octroyer que des moyens d'action exceptionnels dans des circonstances qui le sont tout autant?

Le désespoir était palpable hier soir, après que notre gouvernement a balayé en quelques minutes une dizaine d'années de travail, de commissions et de propositions pour améliorer un système d'assurance chômage déjà bien mis à mal...

Sur l'autel de la compétitivité économique (et il faut voir laquelle dans le détail...), l'on sacrifie aujourd'hui sciemment une infime partie des assurés, pris comme boucs émissaires des maux de notre système d'indemnisation chômage.

On sait pourtant que les années à venir seront très certainement moins florissantes que les précédentes.

Alors oui, il est encore temps d'alerter, de prendre à partie les publics et les politiques, de façon pédagogique lorsque c'est possible et par des coups médiatiques lorsqu'il le faut.

Quelle société voulons-nous pour demain, pour un pays qui devra, en pointe de l'Europe, aider à réinventer un modèle social autre que celui dicté par une mondialisation dévorante d'hommes?

Bien entendu, hier, il y a eu de la colère, de la frustration, du désespoir, et ils se sont exprimés sur la scène, dans la salle, au cours d'une soirée riche de points de vue, pour ceux qui ont bien voulus y prendre part, en écoute et paroles.

Il en a eu aussi à la sortie de l'Opéra, après que des artistes soient montés sur une scène pour ne pas jouer, pour la première fois de leur vie.

Demain, "l'accouchement" aura bien lieu, certes avec deux jours de retard et tous les dommages que cela aura occasionné.

Le public, la frustration passée et la colère digérée, reviendra au spectacle.

Que sera tout cela au regard des intermittents, qui devront continuer à se bagarrer pour faire entendre leur propositions, expertes au plus haut point?

Sans doute pas plus aimés ni compris, mais peut être un peu moins seuls, si tant est que la curiosité et le besoin d'échanger aura pris le dessus sur les réponses faciles et le cloisonnement des points de vue...

Il faudra encore beaucoup de larmes, d'annulations et de prise de parole pour que nos gouvernants, au pied du mur, sortent d'un autisme dévastateur pour la culture et la société dans son ensemble.

Bon courage à vous, intermittents, et continuons à penser et agir ensemble pour une culture plus étendue , épanouie et porteuse de fruits autres que ceux de la colère.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.