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Billet de blog 12 juillet 2015

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Lettre d'Italie - Erri De Luca, Le poids du papillon

Traduction par mes soins d'un billet posté il y a quelques mois déjà par mon amie Mariapia Metallo sur sa page facebook.

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Traduction par mes soins d'un billet posté il y a quelques mois déjà par mon amie Mariapia Metallo sur sa page facebook.

Le poids du papillon raconte la vie parallèle de deux Grands solitaires : le roi des chamois et le roi des braconniers.
Tous deux sont décrits au soir de leur existence. Leurs muscles sont encore vigoureux, leur connaissance du territoire pleine et intacte, leur expérience accomplie, leur orgueil non altéré et non corrompu, mais simultanément ils ressentent l'approche du but final, la nécessité de bientôt  céder dignement la place.


« Sa mère avait été abattue par un chasseur. Dans ses narines de petit animal se grava l'odeur de l'homme et de la poudre à fusil »

C'est ainsi que commence le poids du papillon et dès les premiers mots on comprends que la thématique du texte sera centrée sur la rencontre entre ce petit animal - qui deviendra adulte, qui gagnera le duel pour devenir le mâle dominant du troupeau, qui transmettra son patrimoine génétique à plusieurs générations de chamois - … et ce chasseur.
« L'homme avait déjà un certain âge, une grande partie de sa vie à monter braconner en montagne. Il s'était retiré pour faire ce métier après une jeunesse passée dans la ville avec les révolutionnaires jusqu'à la débandade. »

C'est ainsi qu'est présenté le braconnier, dont on devine par quelques scènes successives un passé citadin turbulent et, lui succédant, un désir de solitude apaisante dans les silences de la montagne. Difficile, dans ce texte, de ne pas entrevoir des éléments autobiographiques connaissant la jeunesse de De Luca et sa grande passion amoureuse pour la montagne, ainsi que des animaux habitant les montagnes.


De Lucca montre qu'il préfère de loin les chamois,

« les bêtes qui courent à la perfection au-dessus des précipices »


L'auteur atteint des sommets d’efficacité dans la description lorsqu'il défini le saut des précipices par les chamois comme

« un raccommodage entre deux bords, un point de suture au-dessus du vide. »
Le roi des chamois vit solitaire, par choix et par imprinting* après la perte précoce de sa mère qui l'a obligé à grandir seul. Il n'approchait de la harde qu'à la saison durant laquelle il devait transmettre son patrimoine génétique. Il est puissant, d'une taille supérieure à celle de tous les autres chamois, il est la proie la plus recherché et aussi la plus insaisissable. Souvent un papillon blanc se pose sur sa corne gauche et cette présence se révélera décisive dans l'économie du récit.


Depuis vingt ans les deux « rois » se cherchent ou s'évitent.Il s'affrontent à distance, sachant tout deux que le moment de la rencontre se rapprochait

- Le duel sans fin des deux solitaires de la montagne -


L'intensité poétique de l'écriture de De Luca est bien représentée par ce passage :


De ses grands yeux et le souffle fumant, il fixait les constellations, où les hommes voient des silhouettes d'animaux, l'aigle, l'ourse, le scorpion, le taureau . Lui y voyait des brisures d'éclairs et les flocons de neige sur le pelage noir de sa mère, le jour où il avait fuit loin d'elle avec sa sœur, loin de son corps abattu.

* J'ai conservé dans le texte le terme anglais tel qu'utilisé par Mariapia, qu'on pourrait traduire par imprégnation.

Toutes les citations sont extraites de la version française dans la traduction de Me Daniele Valin.

Il peso della farfalla di Erri De Luca, Feltrinelli, 2009

Le poids du papillon d'Erri de Luca, traduction de l'italien par Daniele Valin, Gallimard,2011

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