Chelsea Lennox et Lizzie Jekanowski sont étudiantes au Boston College, l’université catholique et très huppée de la capitale de l’Etat du Massachusetts où l’année universitaire coûte la bagatelle de 35.674 dollars, soit environ 28.000 euros. Elles militent au Boston College Students for Sexual Health, association qui, comme son nom l’indique, a pour but d’informer les étudiants pour que leur vie sexuelle se développe dans la sécurité. Elles avaient pris l’habitude le vendredi soir de distribuer, à l’entrée des dorm rooms, l’équivalent de la cité universitaire, des préservatifs, du lubrifiant et des fascicules sur la prévention des STI, Sexually Transmitted Infections. Le mois dernier, Chelsea Lennox, qui est responsable de l’association, a reçu une lettre du doyen du Boston College, Paul J. Chebator, et du directeur de la vie universitaire, George Arey, comme le relate le NYT du 7 avril.
Il ne s’agissait pas d’une lettre de félicitations pour leur altruisme et leur sens des responsabilités, mais d’une injonction officielle leur intimant l’ordre d’arrêter immédiatement leur distribution de préservatifs. The distribution of condoms is not congruent with our values and traditions, disait notamment cette lettre. Lisez : la distribution de préservatifs n’est pas conforme à nos valeurs et nos traditions. La propagation des MST et du sida ferait-elle partie de ces mêmes valeurs et traditions ? Car ce que les deux compères qui dirigent cette université catholique, créée par des jésuites, et qui ne sont pas éloignés de l’idéologie du Tea Party, souhaitent implicitement, c’est donc l’abstinence totale, aux antipodes de la réalité, puisque, selon Chelsea Lennox et Lizzie Jekanowski, c’est quelques 5.000 préservatifs par semestre qui sont régulièrement distribués. Bon nombre de parents et d’associations, qui sont conscients que, sans protection, les risques qui se profilent à l’horizon, sont non seulement sida et MST, mais aussi grossesses non désirées, soutiennent la démarche responsable de la BCSSH.
Mais il y a également, en face, les étudiants conservateurs qui mènent une véritable guérilla, avec l’aide du Pro-Life Club. L’étudiante qui préside cette association, Katelyn Conroy, est en passe de rejoindre les phares de la pensée contemporaine : Having condoms distributed on campus is the university kind of validating hookup culture, ce qui signifie : faire distribuer des préservatifs sur le campus est le type d’activité universitaire qui renforce la culture du racolage. La même Conroy a dénoncé ses petites camarades pour avoir continué la distribution de préservatifs, ce qui fait que Lennox et Jekanowski risquent désormais des sanctions disciplinaires, pouvant aller jusqu’à l’exclusion. De part et d’autre de l’Atlantique, les gens qui veulent décider ce que les autres doivent faire de leur vie ne manquent décidément pas. Et, de toute évidence, si les affligeantes jumelles françaises Christine Barjot et Frigide Boutin veulent passer leurs vacances à Boston, elles ont une correspondante…