blossomtime
Abonné·e de Mediapart

15 Billets

0 Édition

Billet de blog 8 avr. 2013

blossomtime
Abonné·e de Mediapart

A quand la traçabilité de l'argent ?

blossomtime
Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

"L’argent n’a pas d’odeur":

Tel est le fondement de notre conception du capital. La richesse tient sa justification en elle même, elle n’en a besoin d’aucune autre. C’est bien pour cela qu’il ne saurait y avoir aucune éthique sociale, ni aucune justice naturelle dans la distribution de la richesse.

Marx disait qu’à l’origine de toute fortune il y avait une accumulation primitive fondée sur l’inégalité, l’exploitation, l’injustice, la spoliation, voire le crime. Mais comme « l’argent n’a pas d’odeur » ces délits et ces crimes sont blanchis dans la grande lessiveuse de l’argent qui circule, du temps qui passe, des générations qui se succèdent et de l’oubli qui en découle.

Chaque unité monétaire, fragment atomique indivisible du capital, est parfaitement pure de ses origines.
Cette pureté lui permet de se présenter comme valeur d’échange universelle dans toutes les transactions possibles. A l’intérieur de son système monétaire propre, il vaut toujours exactement sa valeur nominale. Rien ne peut lui retirer de la valeur, rien ne peut lui en ajouter. Il est en lui-même une valeur absolue. Ce qui varie en valeur se sont les prix, c’est à dire la valeur des choses, des biens, des services, de la main d’œuvre et même celles des gens.

Que l’argent ait été péniblement épargné au cours d’une vie par un dur labeur de tous le jours, qu’il ait été gagné au jeu, qu’il ait été le produit de la plus value amassée en faisant travailler des enfants esclaves enchaînés ou des cadres bien rémunérés et jouissant de statuts avantageux et de protections sociales avancées, qu’il ait été braqué arme au poing, qu’il ait été hérité, ou spolié, ou donné, trafiqué, escroqué ou confisqué, il aura toujours la même valeur, et pourra prétendre précisément à la même transaction sur le marché. Ceci ne laisse pas de nous étonner.

Imaginons un instant que l’argent ait une mémoire, et que selon son origine et son histoire sa valeur nominale fluctue, l’argent sale valant moins que l’argent propre.
L’argent éthique, verrait son cours augmenter par rapport à celui de l’argent cynique.
Si l’argent devenait traçable et gardait l’historique de toutes les mains par lesquelles il était passé, qui voudrait de l’argent de la drogue ou du crime ?
Mais quelle serait aussi la valeur de l’argent issu de la belle industrie de l’armement ou celui de l’industrie nucléaire ? 
Et celui de l’exploitation des enfants par des entreprises sans foi ni loi ?
Inutile de multiplier les exemples à l’infini, tout le monde comprend tout de suite la portée d’une telle hypothèse. Elle est révolutionnaire.

Rendre l’argent traçable, se serait de fait, en lui donnant une biographie, lui conférer une dimension humaine, donc éthique, sa valeur nominale fluctuant alors en fonction du capital déontologique inscrit dans son histoire.

Hypothèse révolutionnaire, oui mais à deux conditions:
Que la traçabilité soit techniquement fiable, bien sûr, mais surtout que la note qui découle de l’appréciation de chacun des détenteurs successifs du capital soit valable, juste et attribuée démocratiquement.
Gare aux agences de notations et à leurs experts en perpétuel conflit d’intérêt !
Il faudrait même voter au suffrage universel pour attribuer régulièrement leurs notes aux grands comptes des collectivités, aux grandes banques, aux grandes entreprises nationales ou multinationales. Par contre il est plus difficile de noter les petits détenteurs de capital, petites entreprises, PME, particuliers enrichis, ou simples gens aux travers desquels de la monnaie circule. Des bourses locales et régionales qui connaissent ces acteurs pourraient leur attribuer une note.
Dans tous les cas il est indispensable que le plus grand nombre de citoyens participe à cette évaluation et le plus souvent possible.

Mémoriser la circulation de l’argent serait techniquement d’une grande simplicité.

En ce qui concerne les valeurs qui circulent sur les comptes par mouvements électroniques, c’est un simple historique de chaque unité de valeur.
Une unité de valeur n’est pas forcement une unité monétaire. Elle peut être de 20, 50  ou 100 unités, euros ou dollars.
Quand à la monnaie papier, une puce intégrée dans le billet devra enregistrer la trace du nom (le compte) de la personne physique ou morale qui l’a détenue. Toute cette technologie est à portée de main.

Ensuite vient la question de la note.
Le principe est le suivant : le transit d’une unité de monnaie par un compte génère une variation de sa valeur unitaire par un coefficient opérateur, soit multiplicateur, par exemple 1,01 ; 1,02 ; 1,03 etc… ou diviseur, 0,99 ; 0,98 ; 0,97 ou autre, qui augmentent ou diminuent la valeur de l’unité monétaire en fonction de la valeur éthique attribuée à ce compte.
L’argent sale perd de la valeur au fur et à mesure qu’il circule dans les circuits de la fraude, de la corruption et des trafics et trafics d’influences qui sont moralement rejetés par la majorité des citoyens.
En plus de permettre une répression plus aisée des délits et des crimes auxquels il est attaché, il appauvrit ainsi toute la filière. Il se dévalorise également en côtoyant des projets moins condamnables mais dont l’utilité publique est contestable et contestée par une majorité d’entre eux ou qui présentent des risques technologiques ou environnementaux qui n’ont pas été pris en compte.

A l’inverse, l’argent se valorise en circulant dans des opérations financières de comptes rattachés à des projets dont l’utilité publique est reconnue par tous et dont la valeur éthique et la déontologie n’est pas contestable.
L’économie sociale et solidaire serait immédiatement récompensée par un tel dispositif, et le pouvoir économique de tout le secteur coopératif augmenterait rapidement, facilitant les investissements qui ont une orientation et un cap positif tant sur les objectifs que sur la mise ne œuvre.

Flicage, totalitarisme ?

Personne ne s’émeut tellement que des agences de notation aient été créées pour noter des débiteurs.
Ce qui a surtout choqué l’opinion à l’occasion de la crise de 2008, c’est qu’elle le fassent si mal. Tellement mal que des produits financiers puissent avoir été déclarés en faillite le lendemain même d’avoir été noté AAA.

Il semble tellement admis, légitime que les créanciers aient le droit de noter des emprunteurs potentiels en fonction d’informations recueillies sur  leurs aptitudes à rembourser leurs crédits !
Pour le créancier, rien de son débiteur ne doit rester secret, la traçabilité de l’emprunteur doit être la plus transparente possible afin d’en limiter le risque de défaut.
Mais que l’on veuille retourner la charge de la preuve et demander des comptes non point à l’emprunteur sur l’origine de sa pauvreté mais au créancier sur l’origine de son capital, ceci constitue un véritable scandale !

Le revers de la médaille:

Le risque majeur de cette réforme de la monnaie serait de faciliter un peu plus l’évolution de notre système vers un ultra-capitalisme.
Comment en effet empêcher que les acteurs les plus puissants sur le marché, les grandes entreprises et les grands comptes ne soient suffisamment influents pour faire en sorte qu’il leur soit toujours attribuée la meilleure note, en faisant relayer dans les médias une bonne image d’eux-mêmes.
Dans ce cas, l’optimisation de leur note sur la détention de capital aurait pour effet de faire monter le cours de la monnaie qui aurait transité par leurs comptes et ainsi de les enrichir encore plus ainsi que ceux de la filière qui travaille pour eux.

Sur le fond on pourrait ajouter qu’en retirant aux Etats le monopole absolu de création monétaire, on abattrait le dernier privilège que les Etats ont encore sur les acteurs économiques privés et on achèverait ainsi de privatiser le monde.
Certes, c’est un risque que de voir un jour telle entreprise multinationale battre monnaie, mais ce risque de subversion des états par de grands groupes privés toujours plus puissants est de toute façon de plus en plus probable dans le contexte d’un rapport de force qui leur est chaque jour plus favorable.

De fait, cette réforme serait un nouveau développement de la lutte des classes au sein de l’argent lui-même, une nouvelle ligne de front à ouvrir entre possesseurs de capitaux et détenteurs de dettes. Et comme dans tout affrontement entre des forces contradictoires représentant des intérêts immenses, l’issue en serait totalement incertaine.

Combien de temps garder actif l’historique de la monnaie ?

Il n’est sans doute pas possible ni même souhaitable de conserver pendant une durée indéfinie l’historique dynamique de la monnaie. Alors quand remettre les compteurs à zéro ? Très simplement le jour où l’on annule toutes les dettes et toutes les créances ! Le jour du Jubilé.

Il y a dans le monde deux catégories de détenteurs de titres : celle des créditeurs nets et celle des débiteurs nets.
Les créditeurs nets sont en tout petit nombre, les débiteurs nets sont le plus grand nombre.
Chacun d’entre nous, Etats, collectivités, entreprises, particuliers, n’a qu’à faire le calcul simple suivant ; entre l’argent qu’il doit autour de lui et en particulier à ses banques, et les sommes qu’on lui doit, y compris celles qui sont sur ses comptes bancaires, il suffit de faire une simple soustraction.

Une fois ce rapide calcul opéré, chacun est à même de se rendre compte que la décision d’annuler toutes les créances et toutes les dettes n’est pas anodine. C’est la remise à zéro des compteurs.
Presque à zéro, parce que les autres formes de patrimoine ne seraient pas concernées par ce coup d’éponge.
Plus on s’élève dans l’échelle des fortunes et plus la part du patrimoine mobilier augmente, sous forme de placements, de prêts, d’actions et d’obligations par rapport aux autres éléments de richesse. Les très gros détenteurs de capitaux sont aussi les plus gros détenteurs de créances, c’est une évidence qu’il est toujours bon de rappeler. Aussi, annuler les créances et les dettes n’est pas symétrique, il y aurait un petit nombre de très grands perdants, et un nombre incalculable de gagnants de sommes plus ou moins modestes.

Alors, ce jour là, oui, on pourrait se permettre de remettre à zéro l’historique de la circulation de l’argent et de redonner à la valeur de toutes la monnaie en circulation sa valeur nominale.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Bienvenue dans Le Club de Mediapart

Tout·e abonné·e à Mediapart dispose d’un blog et peut exercer sa liberté d’expression dans le respect de notre charte de participation.

Les textes ne sont ni validés, ni modérés en amont de leur publication.

Voir notre charte