L’hôpital Kamal Adwan, dernier refuge médical du nord de Gaza, a été bombardé, vidé, incendié, et son personnel, dont le directeur Dr Houssam Abou Safiyya, arrêté et maltraité. Cette tragédie souligne la violence subie par la population, tandis que la communauté internationale reste passive. La tribune appelle à libérer les soignants, protéger les infrastructures, et ouvrir un couloir humanitaire.
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Collectif Blouses Blanches Pour Gaza
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TRIBUNE du collectif "Blouses Blanches pour Gaza du 28 décembre 2024
Nous, organisations humanitaires et soignants de France et du monde, souhaitons interpeller nos représentants afin de les alerter sur la situation du personnel soignant et des patients de l’hôpital Kamal Adwan, dans la ville de Beit Lahia, dans le Nord de Gaza.
Après plus de 90 jours de siège, l’hôpital Kamal Adwan a subi un raid, le 27 décembre 2024, mené par les forces armées israéliennes. L’hôpital abritait 75 patients ainsi que leurs accompagnants et 180 employés. Plusieurs dizaines de membres du personnel hospitalier, dont le directeur de l’hôpital Kamal Adwan, le docteur Hussam Abu Safiya, ont été emmenés de force vers un centre de détention pour les interroger. Des vidéos montrent le personnel soignant sortant de l’hôpital, vêtus seulement de sous-vêtements, les mains levés et entourés de soldats israéliens armés. Les forces israéliennes ont non seulement évacué l’hôpital Kamal Adwan mais elles se sont aussi assurées qu’il ne pourrait plus jamais être utilisé en détruisant à l’aide de charges explosives les blocs opératoires et les services de soins critiques. Les dossiers médicaux ont été aussi volontairement brûlés par l’armée israélienne. Rien dans cette destruction n’a été laissé au hasard. Il s’agissait pour les forces israéliennes d’anéantir définitivement la capacité de soigner dans le nord de Gaza.
L’hôpital Kamal Adwan comprenait un service de néonatologie soignant de grands prématurés et disposait des seules couveuses opérationnelles dans le Nord de Gaza. Selon l’OMS, l’armée israélienne a ordonné, après la destruction de l’hôpital, le déplacement des patients vers l’hôpital indonésien qui n’est plus fonctionnel, ne disposant plus ni de station d’oxygène, ni de carburant ni de générateurs électriques. L’OMS a réitéré son appel à un cessez-le-feu. « Ce raid sur l’hôpital Kamal Adwan intervient après l’escalade des restrictions d’accès pour l’OMS et ses partenaires, et des attaques répétées sur ou à proximité de l’établissement depuis début octobre », a-t-elle indiqué. Elle rappelle que « le démantèlement systématique du système de santé à Gaza est une condamnation à mort pour des dizaines de milliers de Palestiniens qui ont besoin de soins de santé (…) cette horreur doit cesser et les soins de santé doivent être protégés ».
Depuis deux mois, l’armée israélienne attaque sans relâche l’hôpital Kamal Adwan. Le premier assaut a eu lieu le 25 et 26 octobre 2024. 44 employés de sexe masculin ont été arrêtés et trois infirmiers et un agent d’entretien ont été blessés pendant le raid. Le 3 novembre, une attaque israélienne a touché le troisième étage de l’hôpital, blessant six enfants hospitalisés et endommageant les réservoirs d’eau. Le 21 novembre, une nouvelle attaque endommage gravement le générateur électrique de l’hôpital. Le 29 novembre, un drone israélien a tué le docteur Al Khalout. Du 3 au 7 décembre, des bombardements israéliens ont tué sept personnes dont 4 soignants et un adolescent de 16 ans en fauteuil roulant. Le 12 décembre, les forces israéliennes ont tué le Dr Saeed Judeh, le dernier Chirurgien orthopédiste du Nord de Gaza et une infirmière. Le 23 décembre, les forces israéliennes font exploser des charges près de l’hôpital, blessant au moins 20 patients et membres du personnel médical. Le 26 décembre 2024, la veille de la destruction de l’hôpital, 5 membres du personnel ont été tués par l’armée israélienne. Pendant tout ce temps, le directeur de l’hôpital Kamal Adwan, le docteur Hussam Abu Safiya n’a eu de cesse d’appeler à l’aide la communauté internationale pour sauver ses patients d’une mort certaine si l’hôpital était détruit. Le samedi 21 décembre, le docteur Hussam Abu Safiya, désespéré, publie une de ses dernières vidéos où il lance : « nous avons appelé le monde à l’aide, nous avons supplié pour la protection de l’hôpital, mais nos appels restent sans réponse. Aujourd’hui, tout mouvement à l’intérieur ou à l’extérieur de l’hôpital est synonyme de mort. De plus, nous mourrons de faim. Transmettez cette vérité au monde ».
La destruction et l’évacuation de l’hôpital Kamal Adwan s’inscrit aujourd’hui dans une volonté claire de vider la zone nord de sa population.
Dès le 6 octobre, les forces armées israéliennes avaient ordonné aux habitants d’« évacuer » la zone pour se rendre dans le Sud qui est pourtant tout aussi peu sécurisé.
Depuis octobre 2023, la guerre menée par Israël contre Gaza a provoqué la mort de plus de 45 000 civils. L’ONG de défense des droits humains Amnesty International a rendu un rapport, affirmant que les autorités israéliennes commettent un crime de génocide contre la population palestinienne de Gaza. « Nos conclusions accablantes doivent sonner comme un signal d’alarme pour la communauté internationale : il s’agit d’un génocide, qui doit cesser immédiatement», a expliqué sa secrétaire générale, Agnès Callamard. Deux semaines plus tard, Human RightsWatch est parvenu aux mêmes conclusions indiquant que « les autorités israéliennes ont délibérément créé des conditions de vie visant à causer la destruction d’une partie de la population de Gaza, en privant intentionnellement les civils palestiniens de l’enclave d’un accès adéquat à l’eau, ce qui a probablement causé des milliers de morts».
Ce qui se passe sous les yeux du monde est la chronique d’un génocide annoncé dès le 8 octobre 2023 par le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant, actuellement sous mandat d’arrêt de la Cour Pénale Internationale pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité dans la bande de Gaza occupéea, qui affirmait publiquement : « nous imposons un siège complet à Gaza. Pas d’électricité, pas d’eau, pas de gaz, tout est fermé (…) Nous combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence ».
Aujourd’hui, nous ne voyons aucun effort visible, aucune bonne volonté, aucun intérêt de la part du reste du monde pour venir au secours de ces personnes. La situation du personnel soignant de l’hôpital Kamal Adwan et ses patients, dont beaucoup sont de grands prématurés, soulève un émoi indescriptible de la part de la communauté soignante de France et du monde.Un hôpital ne devrait jamais être pris pour cible. Notre déontologie et notre conscience nous conduisent à interpeller le Gouvernement français afin qu’il utilise tous les moyens qu’il a en sa disposition pour obtenir :
- Des actions immédiates de la part des instances internationales pour assurer la libération du personnel soignant et des civils de l’hôpital Kamal Adwan. La grande majorité des soignants de Kamal Adwan, dont le directeur, le Dr Houssam Abou Safiyya, a été arrêtée. Selon nos informations, il aurait subi de mauvais traitements dès son arrestation, et nous redoutons ce qu’il endure aujourd’hui sous interrogatoire.
- L’arrêt immédiat de tout type d’attaque sur les infrastructures de santé dans la bande de Gaza.
- L’ouverture d’un couloir humanitaire bidirectionnel permettant:
1) le transport de malades et blessés de guerre, l’acheminement de matériel médical et de nourriture prenant en considération les besoins réels de la population, et ce pour tous les hôpitaux de la bande de Gaza. 2) L’évacuation à l’étranger des enfants avec leurs parents de l’hôpital Kamal Adwan et des autres hôpitaux n’étant pas en capacité de fonctionner afin de poursuivre leurs soins.
Face à la violence extrême déployée contre Gaza, il est de la responsabilité des dirigeants de mettre en place des actions immédiates. Refuser d’agir, aujourd’hui, c’est rejeter les Palestiniens en dehors de la communauté humaine. La France ne peut s’y résoudre.
Cosignataires de la tribune BBG du 28/12/2024 (MAJ au 03/01/2024)
Collectifs et organisations:
Amani (France)
ANMF Nurses & Midwives for Palestine (Australia)
Association Franco-Palestinienne d’Aide et de Formation Médicale (France)
Blouses Blanches pour Gaza (France)
Cork Healthcare workers for Palestine (Irlande)
Doctors for Gaza ( Pays Bas)
Gazze Gönüllü Sağlıkçılar Grubu: Gaza Volunteer Health Workers Group (Turquie)
Gesundheit 4 Palestine (Allemagne)
Healthworkers 4 Palestine (Belgique)
HW4P SPAIN (Espagne)
HW4P Sweden (Suède)
Irish Healthcare Workers for Palestine (Irlande)
Irish Society Of Chartered Physiotherapists (Irlande)
Kerry Healthcare workerc for Palestine (Irlande)
Malaysian Medical Relief Society- MERCY (Malaisie)
Médecine pour le Peuple (Belgique)
Physicians for Humanity (Canada et USA)
Save Gaza’s Children (France)
Uluslararası Sağlık İnisiyatifi : International Health Initiative (Turquie)
Union des Médecins Syriens en France (France)
Soignants signataires en nom propre:
Abaidia Seddik Samra, Sage-femme (France)
Abaki Fatima, Sage-femme (France)
Abd Elhamid Jihane, Diététicienne Nutritionniste (France)
Abou Kassem Amani, Ophtalmologiste (France)
Adda Hassan, Néphrologue (France)
Adda Nadji, Psychiatre (France)
Akil Nassima, Infirmière (France)
Aksouh Nawel, Médecin Urgentiste (France)
Al Muflahi Ofrah, Cadre Infirmière en Pédiatrie (Royaume Uni)
Le 26 décembre 2024, nous avions produit une tribune appelant à sauver l’hôpital Kamal Adwan, dernier bastion des soins vitaux dans le nord de Gaza. Cette tribune, qui avait recueilli plus de 600 signatures – dont celles de plus de 300 ONG, associations humanitaires et sanitaires, ainsi que de soignants ayant travaillé à Gaza depuis octobre 2023 – portait l’espoir d’une mobilisation pour protéger les patients et le personnel médical. Mais la situation, déjà dramatique, s’est rapidement aggravée ne nous laissant pas suffisamment de délai pour la publier. Le 28 décembre, après la destruction de l’hôpital Kamal Adwan, son incendie avec une partie de ses occupants, et l’évacuation forcée des malades vers un hôpital indonésien déjà hors d’usage depuis le 22 décembre, nous avons dû produire une nouvelle tribune (ci-dessus).
Le 29/12/2024, deux autres hôpitaux, Al Wafa et Al Ahli, ont été ciblés à leur tour, aggravant la catastrophe humanitaire et laissant craindre le pire pour le devenir de nos collègues soignants Gazaouis. L’objectif semble clair : effacer toute trace de vie palestinienne dans le nord de la bande de Gaza.
👉 Nous vous invitons également à lirenotre première tribune, rédigée dans l’urgence le 26 décembre 2024. Ces deux tribunes, ainsi que notre mobilisation soignante sans relâche en France et à l’international, illustrent notre profonde inquiétude face à l’ampleur des violations commises et portent l’appel urgent des soignants français et internationaux solidaires de leurs collègues en danger permanent à Gaza.
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