L'annonce du gouvernement rendant de la troisième dose obligatoire pour garder son pass (que je commente un peu tard parce que je dormais covidement pendant quelques jours), est un moment de test important pour sa capacité à imposer des gestes peu utiles et dangereux pour une large part de la population*.
Qui va logiquement aller faire sa troisième dose ?
1.- les anciens et "à risques" par comorbidité - soit par sens civique (ne pas encombrer l'hôpital) ; par obéissance ; par gestion du risque individuel bien compris
2.- les adorateurs de l'ordre, du progrès et du bien commun institué top-down - mamelles argumentative de la société industrielle brutale et sans compassion qui nous environne - ceux-là en général postent sur Facebook ou sur Twitter leurs piqures et badges, fièrement acquis (être un bon soldat a l'air, à première vue, moins dangereux qu'il y a un siècle, donc...) ; ce sont en général les personnes qui font des remarques aux autres concernant leur statut vaccinal
3.- les insouciants qui n'aiment que sortir en ville et faire la fête sans trop se poser de questions (c'est la caractéristique principale des fêtards, qui rendait incongru leur statut de dissidents et clandestins politiques durant le seconde confinement - ça permettait surtout de révéler la disparition d'un monde politique plus classiquement revendicateur) ; s'y mélangent des fêtards moins dansant mais consommateurs de petits plaisirs, comme des babyboomers, qui dépendent de leur pass-cinéma-théâtre-restaurant-bibliothèque-piscine
4.- les embarqués par contrainte, qui n'ont pas le choix pour travailler, pas de marge de manœuvre pour les diverses activités des enfants, ou doivent visiter régulièrement l'ehpad de leurs parents ; ceux-là vivent la situation plus ou moins bien, soit sans penser à mal, soit comme un chantage plus ou moins aigu dont ils ne peuvent se protéger.
5.- les gens qui ne suivent pas attentivement ce qui se passe et ont globalement confiance dans leurs gouvernements successifs, depuis des années.
Ceux pour qui la troisième dose est mal partie
1.- les no-vax en début décembre : d'après pas mal de gens, il sera difficile d'atteindre et convaincre ces 6 millions d'adultes (estimation ou mesure je ne sais pas)
2.- les emballés par le bien commun de la première période d'injections, qui ne voient plus l'intérêt du produit, s'ils peuvent encore donner le virus à leur grand-mère, en le sachant encore moins car ils seront plus souvent asymptomatiques qu'avant injection (ça craint)
3.- les victimes des effets secondaires graves, dont beaucoup ont arrêté après la première dose, bien que leurs médecins de famille soient prêts à en remettre un coup d'après pas mal de témoignages - on peut se poser des question sur la notion de risque acceptable.
4.- les témoins des effets secondaires graves, dont certains constatent également comment le chemin vers la reconnaissance est complexe et douloureux - ça peut finir par en faire un certain nombre, même s'il arrive que des parents d'adolescent mort d'un arrêt cardiaque refusent l'idée-même qu'il puisse y avoir une causalité
5.- les victimes de catastrophes passées. On pense ici aux Martiniquais et Guadeloupéen qui ont fait plier le gouvernement en deux-deux, parce qu'on ne la fait pas aux descendants de colonisés, d'esclaves, de méprisés lors de précédents scandales sanitaires où les signaux de moins en moins faibles ont longtemps été pris de haut par les responsables. Ici toujours une grande fascination à voir que la gauche métro ne fait toujours pas 1+1 =2 et ne s'acoquine pas du tout avec eux.
6.- les morts des deux premières doses - ok, la blague est mauvaise, je sors.
Bien sûr, comme toute liste elle est incomplète, les catégories imprécises et coupées à la hache, même si toujours plus fines que la polarisation vax-anti-vax qu'on nous sert en soupe tous les soirs sur les médias main-stream - piètre consolation. Elles sont juste un peu plus intéressantes parce qu'elles ne permettent pas de conclure sur "qui est une personne" simplement en regardant si oui ou non elle a fait sa troisième dose : les motivations se sont fortement complexifiées.
On note que la majorité des points de la seconde liste sont liés à l'évolution de la connaissance et la circulation d'information dans la population, et on est en droit de penser que cet apprentissage c'est pas fini (malheureusement).
La question centrale est celle du point de bascule qui fera passer à une majorité anti-pass - pour être obsédée des points de bascule sociaux, je sais surtout qu'on n'y connaît pas grand chose : on connaît leur existence mais le "quand" est encore un mystère.
C'est d'autant plus difficile à prévoir que l'acceptation du "vaccin" pour tous (puisqu'il faut l'appeler par son nov-mot) est puissante grâce à une rhétorique du bien commun qui reste très valorisante pour l'individu qui participe au jeu. Ca fait que tout argument contre la "solution vaccin pour tous" est dur à entendre, difficile à assimiler, et on voit mal comment il changerait donc un point de vue. En effet les forces idéologiques en présence sont :
- le fait que le produit a été présenté comme "la" solution, après des mois de peur et d'incertitude, toujours entretenue de nos jours ; il est une bouée dans le raisonnement, qui tangue sinon dans tous les sens : on ne sait plus de quel variant on parle, qui il est, où il est, plus grave moins grave, si les enfants, si pas les enfants,... c'est une vie médiée, lointaine, abstraite mais anxiogène, dont on ne reçoit des signes que par des médias paternalistes - et le "vaccin" c'est bien l'incarnation de l'Etat qui nous donne un but à tous, un chemin, une visée...
- les individus se sont engagés physiquement, ont accepté une injection expérimentale pour eux-mêmes, et ont encore du mal à imaginer qu'ils ont pu se mettre à risque d'un effet très grave (alors qu'il commence à y en avoir un paquet, mais ils restent peu-visibles, et en même temps c'est tant mieux, c'est qu'ils sont rares) ; la possibilité de réviser sa croyance est rendue d'autant plus ardue qu'un enfant a potentiellement été impliqué : comment accepter qu'on a mis son enfant à risque en l'emmenant au vaccinodrôme ? Ce blocage sera malheureusement très long à résoudre et, en attendant, la discussion sur QUI devrait vraiment recevoir l'injection sera évitée par la majorité.
- depuis déjà plusieurs années, l'"antivax" est utilisée comme figure de l'irrationnel, de façon assez abrupte puisque - à l'instar des complotistes - la catégorie inclut tous les publics qui émettent des critiques, quelles qu'elles soient, et les bons critiques sont alors assimilés aux crédules dont les représentations sont les plus simplistes. Dans la période actuelle, la violence du mépris et de la moquerie est telle, qu'il est difficile de s'imaginer faisant partie d'un groupe plus réprouvé.
Ces lourdeurs rendent difficiles le pas de côté intellectuel à ce moment de l'histoire, pas de côté qui permettrait de se demander "quel rapport entre l'épidémie actuelle, minuscule, et la vaccination des moins de 11 ans avec un produit quasi inconnu, en population générale ?".
* Le bénéfice risque n'est pas positif sous 50 ans, mais il n'est pas déraisonnable pour quelqu'un de 60 ans sans co-morbidité de rester sans injection, par exemple. Il est vrai que j'ai découvert dans la période que des gens de 55 ans se pensent "à risques" parce qu'ils ont des bourrelets et se croient donc "obèse de plus de 65 ans" : la confiance en soi, c'est beau. Sous 30 ans sans comorbidité majeure, l'injection est si risquée qu'il est criminel à ce stade qu'on continue à utiliser les produits qui restent en AMM conditionnelle pour les jeunes... les japonais ont eu le bon goût de le comprendre et commencent à s'alarmer et Singapour nous fournit le risque de environ 1 sur 3000 injectés de moins de 30 ans homme qui fait une myocardite ou péricardite - perte de chance nette et mortalité accrue dans les cinq ans. Le pdg de moderna répète à qui veut l'entendre qu'on ne sait rien des impacts à 10 ans, qu'il faut attendre 10 ans pour cela, etc... N'en jetez plus !