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Billet de blog 14 janvier 2022

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La croisière s'amuse

Autres temps, autres moeurs.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Nous nous souvenons tous du fameux Diamond Princess, ce bateau qui avait été gardé à quai, et ses passagers enfermés deux semaines, lorsque le Covid s'était manifesté à bord. On peut se reporter à la fiche-W, bien documentée. 

Cet événement a été très important pour l'analyse de la diffusion et de l'impact de la Covid

- on a appris que le virus se promène bien à travers les gaines d'air conditionné (la page-W n'en fait pas mention, mais c'était dit à ce moment),

- il a été possible de confirmer pour certains analystes que le virus n'infectait pas tout le monde (une information importante, qui n'a jamais été vraiment assimilée par le Conseil Scientifique)*. 

- on a connu un peu mieux la létalité sur une population âgée, et le haut degré de transmissibilité. 

Le but de la quarantaine n'était pas d'apprendre, mais bien de protéger l'extérieur de ce gros foyer infectieux. Apparemment ça n'a pas si bien marché puisque quelques passagers, malgré une quarantaine-observation de 14 jours, ont ramené le virus à la maison (US). 

Après, nous avons vécu ce qu'on connaît : les enfermements de population saine, les obligations inutiles sauf symboliquement, les traçages, la méfiance perpétuelle, une idéologie de la vaccination de type élevage industriel, etc... on a bien compris que la plupart de nos contemporains sont devenus fous et se sont enfermés dans une compréhension simpliste du monde pour se protéger de l'incertitude radicale de nos vies**. 

Et là, les bateaux de croisière ont recommencé à fonctionner (chouette ! on peut de nouveau détruire la planète !). Ces monstres - signes de pathologies multiples de notre époque - sont des espaces d'épanouissement pour notre nouvelle mascotte, Omicron. La situation n'a pas changé depuis le début de l'épidémie : la densité de population y est plus importante que dans n'importe quelle métropole contemporaine, donc la proximité y est exagérée, et on y fait aussi circuler l'air conditionné entre les cabines - la diffusion du virus y est aisée. 

Et maintenant comment agit-on face à l'épidémie ?

Au Portugal, AIDAnova n'a pas occasionné une telle quarantaine : sur environ 4000 personnes à bord, c'est finalement 68 individus qui ont été dépistés "positifs" et isolés. Pour les autres, on n'attend pas en surveillance : on teste et on renvoie tous les négatifs à la maison ; la croisière est arrêtée car trop de membres de l'équipage sont hors-jeu. Environ 3000 personnes venues de divers coins d'Europe, donc, rentrent chez elles après un petit test, sans attendre ne serait-ce qu'une demi-durée d'incubation moyenne. 

En Italie, sur le Grandiosa, on débarque 45 personnes qui partent en surveillance, déjà positives, puis on continue le voyage. Finalement on en débarque (nombre inconnu) un peu plus loin pour qu'elles s'isolent, on les ramène même chez elles aux frais de la compagnie. 

Ce qu'on conclut ? Contrairement à ce que nos autorités locales répètent sans cesse : personne n'a plus peur des clusters ni ne s'inquiète de diffusion du virus. Là, des vaccinés (pour monter sur le bateau), testés avant la montée, s'infectent copieusement mais rentrent chez eux sans attendre une vérification bien sérieuse. On se souvient que c'était 7 jours au moins selon le "protocole d'il y a trois semaines" en France, révisé maintenant pour les vaccinés chez qui la cascontactitude n'existe plus vraiment comme concept, puisqu'il n'y a aucune restriction. 

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On pourrait sourire à l'idée que - pleins de vaccinés testés négatifs - les navires de croisière offrent une observation contradictoire à la théorie de Pasteur : le virus semble apparaître spontanément. Les Autorités ont tout de même bien bien vérifié que rien ne montait, et pourtant il est apparu !!! 

Une hypothèse moins révolutionnaire serait que les vaccins et les tests ne font pas précisément ce qu'on nous dit qu'ils font et que le virus se promène chez une partie des vaccinés testés négatifs. Il n'y a pas besoin de beaucoup de marge d'erreur, il en suffit d'un, pendant une croisière. 

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En tout cas, la légèreté qui s'est installée dans les règles pour organiser les situations réellement problématiques, où de surcroit la surveillance serait aisée, révèle en creux la stupide violence arbitraire des règles instaurées en France***. 

On a dépassé le "deux poids deux mesure" et on est à des milliers de poids et mesures. La seule constante en France : moins c'est rationnel et plus ça plaît. Et vivement que la maltraitance soit élevée au rang d'art : notre culture semble s'en repaître. 

* On a su dans la même période que les enfants ne s'infectaient ni n'infectaient les autres - mais on a fait comme si c'était faux, on a traité les enfants comme des dangers publics. De façon intéressante, pour delta puis omicron ils sont devenus de bons vecteurs bien visibles, et tout le monde a oublié que pendant plus d'un an, ils ont servi inutilement de boucs émissaires. 

** Un grand secret est pourtant : l'ignorance d'un risque ne vous en protège pas. 

***  Après avoir vu le film de Soderbergh de 2011, qui décrit la vision prospective américaine à grand spectacle de "La Grande Epidémie" (Contagion), on se dit que l'idée du pass insultant pour la raison et bon détecteur à idiot autoritaire (ses défenseurs), a dû émerger il y a longtemps  déjà dans le cerveau d'un lobbyiste zélé ou d'un bureaucrate retors, sûrement lors de l'écriture d'un rapport sur les "potentielles réponses à une pandémie" ou autre anticipation que nos administrations paranoïaques savent produire à foison, bien avant cette crise. Un si bel outil ne pouvait rester dans un tiroir, et dès que la populace a semblé assez domestiquée par la peur et le fouet, on l'a sorti avec une jouissance discriminatoire visible.  

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