blujerome

Ancien Prof de lycée, médiateur culturel, futur aveugle

Abonné·e de Mediapart

8 Billets

0 Édition

Billet de blog 7 septembre 2025

blujerome

Ancien Prof de lycée, médiateur culturel, futur aveugle

Abonné·e de Mediapart

Bill Gates, prophète du progrès devenu convive du populisme

blujerome

Ancien Prof de lycée, médiateur culturel, futur aveugle

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 Bill Gates : du gourou de l’Internet au convive de la catastrophe

La Route du futur : un évangile technologique sans conscience

En 1995, Bill Gates publie La Route du futur. Ce livre se veut prophétique : il annonce l’avènement de l’ordinateur personnel connecté, la transformation de l’éducation, de la santé, des loisirs. Gates y joue le rôle de grand prêtre de la révolution Internet. Mais son discours est essentiellement technophile et euphorique, sans véritable réflexion sur les risques.

 Il imagine un SDF avec un site Internet, comme si l’accès au réseau effaçait la misère.

Il décrit les amours à distance via combinaisons tactiles, comme si la technologie suffisait à réinventer l’intime. Il s’amuse à citer un ami ne dormant que trois heures par nuit, figure déjà d’un « surhomme numérique ».

Tout cela compose un imaginaire de puissance, presque enfantin, mais sans garde-fous. L’éthique n’y apparaît qu’en filigrane, à travers une seule phrase : « Le progrès est une course entre l’éducation et la catastrophe. »

Une irresponsabilité invraisemblable

Gates fut le gourou incontesté de la première révolution Internet, celui dont la parole orientait des millions de décideurs et d’utilisateurs. Mais il n’a jamais assumé la dimension sociale, politique et culturelle de ce bouleversement.

Il n’a pas anticipé les effets de bulle informationnelle ni le bourrage de crâne algorithmique.

Il n’a pas pensé la question de la vérité, de la manipulation ou des fausses informations.

En un mot, il a laissé les réseaux devenir ce qu’ils sont : un terrain de jeu pour les pulsions les plus brutes.

Une conséquence directe de ce vide éthique : des drames comme le meurtre de la député travailliste Jo Cox en 2016, sur fond de campagne du Brexit saturée de propagande numérique. Les promesses de l’« éducation pour tous » se sont muées en déferlement de désinformation et de haine amplifiées par les plateformes.

De l’éducation à la catastrophe : Gates à la table de Trump

Et voici le paradoxe cruel : l’homme qui proclamait que le progrès devait battre la catastrophe par l’éducation s’assoit aujourd’hui à la table de Donald Trump.

 Trump, qui s’est moqué d’un journaliste handicapé.

Trump, qui a fait donner l’armée contre Black Lives Matter.

Trump, qui menace les journalistes, alimente les ragots, flatte les instincts les plus vils de ses électeurs.

Que fait Gates dans ce décor ? Lui qui devait incarner la rationalité, la pédagogie, se retrouve complice, par sa présence, d’un projet autoritaire qui est précisément l’anti-éducation.

Rire ou pleurer ?

On oscille entre le rire et les larmes : ces géants de la tech, restés prisonniers de leurs rêves adolescents de toute-puissance, semblent prêts à tout pour ne pas sortir de leur mythe. Ils se moquent des conséquences d’un Internet mal guidé, comme d’une intelligence artificielle laissée hors de tout contrôle.

Le rire, car l’utopie naïve du surhomme connecté vire à la caricature grotesque. Les larmes, car cette irresponsabilité a armé les mains de ceux qui menacent désormais la démocratie.

La formule est juste : Bill Gates est aujourd’hui à la table de la catastrophe. Non plus le prophète du futur, mais le convive d’un homme qui incarne la dérive d’un monde numérique jamais éduqué à sa propre puissance.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.