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Billet de blog 27 septembre 2025

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« Quarante ans d’enrichissement privé sur le dos du domaine public »

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le piège des « avantages en nature » dans les conventions d’occupation du domaine public

Lorsqu’une institution publique met à disposition une dépendance de son domaine – qu’il s’agisse d’anciennes écuries, d’une grange patrimoniale ou de tout autre bâtiment historique – elle peut recourir à une convention d’occupation du domaine public (CODP). Cet outil juridique, bien distinct du bail commercial, autorise une occupation « précaire et révocable ». La contrepartie financière n’est pas un loyer mais une redevance, calculée en fonction des « avantages de toute nature » que retire l’occupant.

Sur le papier, cette souplesse vise à encourager les partenariats culturels : un artiste, une association ou une entreprise peut apporter visibilité, dynamisme ou activités éducatives, en échange d’une redevance souvent symbolique. En théorie, tout le monde y gagne : la collectivité conserve la propriété publique, le patrimoine est animé, l’occupant jouit d’un cadre prestigieux.

Quand la souplesse devient angle mort

Dans la pratique, le dispositif peut devenir un angle mort de la gouvernance. L’évaluation des « avantages en nature » repose sur des critères largement qualitatifs : prestige, animation culturelle, retombées médiatiques. Or, sans méthode transparente, ces avantages risquent d’être surévalués, tandis que l’état matériel du site se dégrade.

Le cas d’un occupant unique illustre ce déséquilibre : pendant près de quarante ans, il a bâti une carrière prospère et consolidé son propre patrimoine grâce à cette convention, ne versant qu’une redevance minime, bien inférieure à la valeur locative réelle. Résultat : une fortune personnelle amplifiée, tandis que le domaine public, lui, a vu ses bâtiments se détériorer, nécessitant aujourd’hui d’importants travaux financés par la collectivité.

Une question de responsabilité publique

Ce phénomène met en lumière le vice caché des “avantages en nature” : une institution publique peut être tentée de privilégier l’image ou la notoriété d’un occupant plutôt que de chiffrer précisément l’usage réel du bien. Lorsque les contreparties immatérielles s’avèrent inférieures aux estimations initiales, la collectivité doit rattraper le retard d’investissement.

Réformer ce mécanisme ne signifie pas renoncer aux partenariats public-privé, mais imposer des garde-fous :

  • évaluation chiffrée régulière des retombées culturelles et économiques ;

  • clauses de révision de la redevance selon l’état de conservation du site ;

  • publication des conventions pour garantir le contrôle citoyen.

Un enjeu national

Au-delà d’un seul domaine, c’est la gestion du patrimoine public qui est en cause. Les conventions d’occupation peuvent être de formidables leviers de valorisation, mais à condition que l’intérêt général prime toujours sur les promesses de prestige. Sans cela, le « vice des avantages en nature » se transforme en fardeau budgétaire, payé par tous.

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