Une intéressante tribune publiée il y a une semaine dans le Guardian (Un journal avec des journalistes dedans...) sur les rebelles syriens, écrite (ça nous change aussi) par un Syrien, Mowaffaq Safadi. Safadi revient sur l'argument utilisé par Cameron pour engager les Britanniques dans la guerre en Syrie: Il existerait 70'000 rebelles modérés combattant Assad.
Il faut comprendre que rebelle modéré signifie: Qui a renoncé au terrorisme, c'est à dire n'appartenant pas à l'Etat Islamique ou au Front Al-Nosra. Un analyste basé au Qatar en donne une définition un peu plus large: Des groupes rebelles qui s'opposent à l'Etat Islamique et que l'Ouest veut voir participer ou doit faire participer aux pourparlers de paix. Vous remarquerez que le terme démocrate est absent de la définition...Mais apparemment, ces gars veulent revenir à une Syrie multiconfessionnelle où tout le monde, quel que soit son genre ou sa religion est égal devant la loi.
Safadi nous apprends que rebelle en Syrie, c'est un peu le seul boulot disponible en ce moment. Et que l'affiliation du groupe rebelle compte peu pour le choix, la paie étant le principal déterminant. Les pères de famille ont d'ailleurs une préférence pour les groupes qui ne sont pas impliqués dans des combats journaliers. Bref, ce sont des humains. Comme tout humain qui se respecte, les rebelles ne vont pas hésiter à quitter un groupe pour un autre si la paie est meilleure. Résultat, les rebelles modérés d'aujourd'hui ne font pas forcément les rebelles modérés de demain.
Safadi est un pessimiste: Pour lui la Syrie multiconfessionnelle n'existe plus et les Syriens le savent. Les gars qui jurent combattre pour ce noble but le font principalement pour obtenir le soutien occidental.
Les modérés ont aussi tendance à se confronter les uns aux autres. Safadi donne l'exemple de deux factions modérées: Les Forces Démocratiques Syriennes (les kurdes du PYD) et avec Jaish al Thowar, ( les kurdes du YPG) ont émergé au nord d'Alep. Quant les russes ont bombardé l'Armée Syrienne Libre, ces deux groupes ont occupé l'espace libéré. L'Armée Syrienne Libre les a accusé d'être à la solde des russes et les combats ont commencé. Par ailleurs, Safadi nous apprends que les Syriens considèrent Jabhat al Nosra comme plutôt modéré comparé à l'Etat Islamique. Finalement, Safadi mentionne que les rebelles formés par les Etats-Unis, à leur retour en Syrie ont été attaqués par le Front Al Nosra, comme agents de l'Ouest. Ils ont rejoint le Front du Levant, qui n'était pas connu pour son athéisme forcené...
Voilà le genre de synthèse qu'on aimerait voir dans la presse française, qui invoque les rebelles modérés syriens sans jamais les définir. La réalité est plus complexe que Russe égale méchant et Américain égale gentil ânonnée à longueur de colonne par le Monde et consort.