Du temps où je l’ai connu, on se battait ensemble pour maintenir en vie une friche culturelle, « squattée » à l’origine. « Squatt » à unique but de développement d’activités artistiques ; théâtrales en particulier, dont il était l’initiateur principal, avec quelques rares autres « artistes-entrepreneurs ». C’était il y a 20 ans. A Arcueil, dans le Val-de-Marne (94). Et ce lieu atypique et précieux, ce laboratoire d’humanisme, cet incubateur d’enrichissements personnels et hétérodoxes, aura su conserver toute sa force, sa spécificité, son autonomie et son indépendance relatives, sa dimension de salubrité publique, par la proposition aux enfants de tous horizons, et de toutes conditions, une ouverture au Monde, qui perdure à ce jour. Par le biais de la Cie « Falaises et Plateaux », que Benjamin aura transmis à ceux-là même, parmi ses élèves, qui furent assurément des plus talentueux. Transmetteur donc d’un canevas pour rêver. D’une source d’inspiration, de motivation, de liberté et de joie ; infinies, indénombrables. Indéfinissables. A l’opposé même de la scientificité des « Mathématiques » dont il était issu, par sa formation initiale. Tout simplement. Les multiples spectacles qu’aura imaginé, écrit et mis en scène Benjamin Sisqueille, au cours de sa carrière qui commence à se faire longue (il a vers les 70 piges le bougre ! C’est un Warrior, un survivant au charisme de vétéran du Vietnam, mais en plus gringalet. Un fluet qui en impose grave par sa seule présence ; irradiante. Un Tchernobyl de la culture. Il a tout vu, tout subi, tout traversé ; même la Mort… Imaginez!...). Un Personnage. Méconnu. Trop. A mon goût, du moins. Pourquoi j’en parle…
J’en parle aussi, à l’occasion de la lecture de l’excellent article : « AGRITHEATRE – Francoulès », écrit par Angélique Garcia le 15 mai 2016, dans le journal La Roulotte, qui décrit assez fidèlement l’esprit de Sisquella. A la fois de Résistance, de pragmatisme et de positivité de l’action artistique et pédagogique. Son réalisme, utopique mais concret, son irrésolution radicale ; parce que radicalement bienfaisante… Etc.
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La carrière de Sisquella semble englober tous les champs de la pensée humaine. Autant que de sa capacité à faire, à produire. Y compris, et souvent avant tout, manuellement, et artisanalement (Il est aussi un charpentier-ébéniste de talent…). Ethiquement, chaque fois, en toute chose. Il est en permanence empli de visions et d’envies inopinées ; traversé d’éclairs, qui toujours aboutissent. Et se traduisent, la plupart du temps, par la présentation à ses contemporains, d’une nouvelle porte à ouvrir, dans leur étroit couloir de perception du Réel. Et de l’Obscure. Depuis les sciences sociales, la Philosophie, l’Art de la Subversion théâtral (cf. son lien de fraternité indéfectible avec Fernando Arrabal, et le Théâtre Panique…), et de son maniement en tant qu’arme de la pacification et de l’explicitation sociétale… La déconstruction des mots, du langage, du bagage, pour faire naître le Commun, autant que l’Extraordinaire. Les idées, les songes, les doutes, les colères… Toutes ces palettes d’émotions diverses qui le transpercent chaque jour (véritable « éponge » émotionnelle qu’il fut, et reste à ce jour) ; lui ; capteur-retranscripteur de nos amours et haines, shakespearien plus qu’un autre ; les illustrant avec sa propre originalité, sous toutes leurs formes et tous leurs horizons ; nous aura enseigné l’humilité du pauvre face au puissant. Et la puissance du désœuvrement, face à l’opulence… Nous, ses « enfants » de cœur, de militantisme et de spiritualité, sommes Pléthore, croyez-le !... Et bien vivants. Comme l’Art du Spectacle, qu’il prône et enseigne. Sans Cesse. Depuis tout ce Temps.
Sisqueille est un « Ange » rare ; une sorte de « Saint-Esprit », sans vouloir blasphémer. Il n’est pas un Gourou, mais aurait pu l’être ; il en a les moyens, au-delà du raisonnable même. Mais je ne suis pas objectif, croyez-le. Car pour moi, comme pour beaucoup d’autres de ses élèves et disciples, qui sont nombreux, il fût un temps comme une sorte de Père de substitution. J’en conviens. Sans honte. Et même plutôt, avec la fierté incommensurable de ce qu’il m’ait accepté comme un de ses fils « spirituels », jusqu’à ce que…
Je l’ai toujours appelé « Tonz ». Affectueusement. Respectueusement. Lui m’appelant « X ». En hommage à mon père. Qui bénéficiait donc chez Tonz, en tant que géniteur afro-décédé, par moi alors méconnu, d’une sorte d’autel, mystico-alcoolo-animiste, élevé en son honneur. Dans lequel Tonz et moi versions « un p’tit coup », chaque fois que nous en buvions un. Ce qui était fréquent à l’époque, il faut dire. Je vous raconte tout ça, car, vous l’aurez bien compris, cela illustre aussi en partie qui est Tonz pour moi. Vous me direz, peut-être que ça répond surtout à cette propension à l’impudeur et à l’intimisme névrosé, se voulant cependant signifiants tous deux, qui légitiment mon blog de Bâtard. Et aussi le besoin que j’éprouve de dire à Tonz, aka Ben Sisquella, tout l’Amour, profond ; toute la reconnaissance, sincère ; toute l’affection, indéfectible ; toute l’admiration, immense ; tout le respect, intergalactique… Que j’ai pour sa Vie, sa Personne, et son Œuvre.
Hommage soit donc rendu ici, de son Vivant ; auquel je souhaite Force, persistance et Salut ; à ce personnage trop rare, à qui je dois tant de mon ouverture d’esprit ; si tant est que j’en ai une, toute minime soit-elle. Mes excuses sont ici adressées solennellement à Tonz et surtout, peut-être même davantage, à sa compagne Marie-Yolande, qui auront de tout temps été pour moi à la fois accueillants, aimants et salutaires. Leur générosité à mon égard n’aura pas eu de bornes. Mon ingratitude, jusqu’à présent, en leur direction, non plus. Je tente là de réparer. Par quelques mots. Certes légers, mais entiers. Contrits de culpabilisation expiatoire. Tout ce qui nous a rapprochés, réunis, avant... Et que j’espère, du fond du cœur ne pas être irréparable.
Pour l’anecdote, et pour tenter de donner du sens à ce billet de blog, impudique et certainement inepte comme tant d’autres, je dois avouer que je me suis « fâché », ou pour le moins, que je suis resté à ce jour en « froid », avec Tonz, Benjamin Sisqueille ; ce personnage si charismatique et précieux, universellement parlant ; pour la simple raison de… l’avoir traité d’ « Antisémite » ! Moi ! Lui ! Rien que ça ! « Les juifs » ! Encore ! Moi : dénonciateur (aviné…) ! Lui : accusé à tort d’une lecture trop précise, trop érudite pour mon niveau de « culture », confinant aux bas-fonds à l’époque, d’auteurs aussi majeurs qu’Hannah Arendt, Jacques Derrida, Edgar Morin, Gilles Deleuze, Raymond Aron, Nietzsche, Céline, Beckett, Arthaud, Kant, Freud, Marx, Spinoza, et tant d’autres…
Moi, mécréant, pervers polymorphe, mort bourré à l’eau de vie de prune du pays (Francoulès-46, près de Cahors...), qu’il stockait et savait consommer avec sagesse, là où je prétendais la boire avec un empressement inconsidéré ; vue sa teneur en alcool pure, qui, si besoin, pourrait anesthésier un bœuf. N’est pas du terroir, ou du « cru », qui veut ! Ai-je appris, à mes dépends. « Moi j’te l’dis …………! AAAALSKDKC ?C KD ? /X… Et pis TAF ! » (comme dirait Gad). Je me suis permis de prétendre, en présence de nos conjointes respectives, que cet humaniste notoire, cet érudit rare, ce calculateur de génie, ce créateur prolifique de beautés et d’œuvres théâtrales et artistiques diverses… Ce donneur d’âme. Ce transmetteur irremplaçable de vibrations positives, presque « bobmarleysques ». Ce Bienfaiteur de l’Humanité, s’il en est…Etc… Etait un « ANTISEMITE ! ». Nous nous quittâmes en mauvais termes. Nous ne nous sommes plus jamais parlé depuis… Je lui demande ici Pardon. Humblement. Et s’il me pardonne, je lui demande la trêve inconditionnelle et immédiate de toute hostilité de pacotille entre nous ; qui ne saurait être autre que superficielle. Et si possible: la reprise des pour-parler de Paix. Toi-même tu sais, Tonz : « Bisous multiples, culpabilisants, mais primitifs au sens noble, à vous deux ».
Ce monsieur Sisqueille, agrithéatreux, n’est rien d’autre qu’un exemple de ce que la brillance d’un humanisme providentiellement éclairé peut donner comme leçon à tous ceux qui tendent aujourd’hui à basculer dans les obscurantismes les plus funestes qui soient…
Tonz, je t’aime. Et te remercie. Que cela soit dit, et même publiquement, est certainement une « bonne chose ». A mon avis.
Agrithéâtralement vôtre.