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Billet de blog 18 mai 2016

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Big-Data ou Big-Brother ? Préservons au moins nos enfants !

Tous les prospectivistes et intellectuels « sérieux » vous le diront ; de Luc Ferry à Jacques Attali… En passant par messieurs Labbé et Dugain (*), le XXIème siècle, et les suivants, seront numériques et transhumanistes ! Les chiffres indiquent que, déjà en 2011, le commerce mondial des données personnelles sur internet représentait 315 milliards d’euros…

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Chimères, et autres mirages tyranniques de l’ « homme Nu ».

Mais le meilleur reste à venir. Cet énorme « gâteau » à se partager, ne cesse de grossir. A chaque seconde. Au point que des étoiles, « scintillantes » comme celles du drapeau américain, emplissent nos yeux éblouis et concupiscents. Et que l’on serait presque pris d’indigestion, avant même d’y avoir goûté, à ce « Pudding » ultra-calorique. Les perspectives de croissance du marché des « Data-bases », et des négoces de données liées à nos adresses IP, sont le plus souvent à deux ou trois chiffres. Pour toutes ces prochaines années. Valeurs archi-sûres, et archi-rentables. Ultra-bankables même. Presque plus que le domaine bancaire, pharmaceutique, énergétique ou alimentaire… Pour donner un ordre d’idée, jusqu’à cinquante euros peuvent être récoltés pour chaque internaute-utilisateur des applications et du moteur de recherche Google, chaque année. Parfois plus, beaucoup plus même, et parfois moins, bien sûr. Mais tout de même : tout cela juste par le fait de simples « clics », concédés à l’envie, sans trop y réfléchir… Ça devrait nous laisser à réfléchir, justement.

Illustration 1
Art'Money - Illustration Copyright Zet'R

A l’heure où même les journalistes de TF1 en viennent à douter du « Rêve américain »…

http://www.lepoint.fr/monde/pour-comprendre-l-amerique-de-trump-10-05-2016-2038102_24.php

Google est effectivement, et assurément, le N°1 planétaire de la collecte et de la valorisation de nos données personnelles. Et si je veux éviter des déconvenues ultérieures, quant à ma visibilité, ma respectabilité, et ma sécurité sur la toile, il est préférable que je déclare ici que : « j’aime beaucoup Google »… Collecte, traitement, valorisation et revente, qui expliquent un chiffre d’affaire de l’ordre de la cinquantaine de milliards ; mais surtout une capitalisation boursière montant en flèche, de l’ordre du demi-millier de milliards. Prêt d’un quart de notre PIB national… PIB français, qui, lui, a malheureusement tendance à ne pas croître en flèche. Projetons les courbes de croissance à dix ou vingt ans, et on verra bien qui en viendra à contrôler qui ! On en reparlera… Le Marché est à ce point porteur, qu’on en distribuerait presque des smartphones gratuitement. Allez hop ! Et une tablette pour chaque écolier, gratuite ! Pour bien l’accrocher, dès l’enfance, au système qui se met pernicieusement en place, sous couvert de Progrès. Sous prétexte d’accès au « réseau mondial » ou « www », et d’autres avancées technologique variées. Plus ou moins indispensables.

Ce n’est plus world wide, mais « World Wild Web »... Est-ce décroissant ou réactionnaire, que de constater l’acharnement qui s’opère à vouloir absolument relier tout le Monde. Par réseaux et satellites interposés. Absolument partout. Au nom de la promotion de nouveaux droits ; prétendument à communiquer. Et ainsi nous ouvrir sur le monde (ce qui est en partie le cas, il est vrai…) ; il semblerait bien que nous inventions, dans le même temps, de nouvelles servitudes. Commodes et discrètes confortables certes ; mais pleines et entières. Dramatiquement irréversibles, surtout.

Les nouvelles technologies, et leurs lots de Néo-Marketing, et de Néo-Médias à objectif commercial plus qu’informatif, sont essentiellement là pour créer un maximum de « smombies », acéphaliques, serviles, contrôlables. Géo-localisables, manipulables et répertoriables… Tous « pleins » de ce que Mr Le Lay, patron de TF1, adorait : « le temps de cerveau disponible ». Consommateurs influençables et conditionnés. Fidèles et peureux. Contrits. Fantômes de leurs propres vies. Reste, ensuite, à exploser tous les quelques derniers carcans gênants pour ce future développement mirifique de notre Humanité. Notre Eldorado universel. Notre Las Vegas de l’Existentialisme… Nous expliquent-ils. Mais ont-ils seulement vu à quoi ressemble aujourd’hui l’embouchure du fleuve Colorado !?...

Cette tendance à vouloir affirmer un avenir unique et incontournable, rabâché et marketé, sans répit ; nécessite de déconstruire, ou au pire pervertir, certaines bases de nos civilisations ancestrales. Pour mieux établir la techno-ploutocratie, et l’Ordre du Futur. Donc : mieux vaut savoir à quel type d’internaute on a affaire. « Tu vois !? »… Chaque site internet, existant, ou nouvellement créé, dépend pour exister, de la vampirisation, et de la commercialisation ensuite, de notre vie privée. Ayant, soit vocation à nous faire cracher nos tunes, soit nos données personnelles. A destination de ses maîtres : les magiciens des algorithmes publicitaires, et sécuritaires. Nos « avancées technologiques », et autres concrétisations tendancieuses de la notion de « Progrès », ressemblent de plus en plus aux extensions tentaculaires d’un monstre monocéphale. Chaque seconde, nos « vies personnelles », s’échangent sur un marché hyper-dynamique, ultra-compétitif, en complète explosion de son développement. Un marché comparable à un « Savant-Fou » ; déraisonnant et hors-sol. Victime de bouffées délirantes à répétition. Un marché dé-moralisé. Quasi-hystérique, dans sa jubilation et son auto-idolatrie. Un marché démoralisant. Et surtout potentiellement accidentogène et liberticide.

Même nos simples opinions et différents achats insignifiants sur internet, sont disséqués; car ils sont une source de profit éternelle pour les « Big-Datistes ». Qui dit opinion durable, dit dévéloppement et profit durable, semble-t-il. Nous constituons en fait, une Banque mondiale de données, qui ne nous appartient pas. A l'instar du FMI, ou de la Banque Mondiale. L’Humain, lui-même, est aujourd’hui devenu une véritable matière première valorisable, par cookies interposés. Son essentialité anéantie ; son humanité profonde devenue matière à spéculation. 0 ou 1. Ou plutôt, une suite de 0 et de 1, devenue signifiante et même biographique. L'Humain étant, par là même, réduit à un vulgaire produit du commerce mondialisé. A bien y regarder, nous ne sommes dors et déjà plus complètement humains. Le transhumanisme nous a déjà presque tous gagnés, dans nos sociétés dites « développées ». Nous sommes bien davantage considérables et valorisables ; bien mieux cernables, contrôlables et prévisibles ; en termes algorithmiques, qu’en termes d’humanités pures. Un profil en mode binaire, fait de 0 et de 1, est assurément bien plus facile à cataloguer politiquement et commercialement, qu'un sujet lambda, d'avant la lumineuse "Révolution numérique", qui nous ravit tous. Quand j'étudiais moi-même le Commerce et le Marketing, avant la grande Révolution des Datas, nous faisions nos enquêtes et études de marché dans la rue, avec des questionnaires papier, ou par courrier postale, ou au mieux par téléphone... Pour vous dire... l'Age de pierre! Il y a vingt ans déjà, ou à peine. Situation pré-révolutionnaire, qui avait le fâcheux défaut de ne pas permettre de contrôler complètement tous les habitants de la planète, et de ne pas pouvoir disposer de leurs vies, comme bon il nous semblait... Mais ouf! Nous sommes dorénavant omni-fichés, et cela, alors même que nous ne faisons, par exemple, qu’écrire ces quelques lignes, ou les lire. Nous ne sommes plus ce que nous faisons de nos vies, mais bien, pour une part de plus en plus large et impactante, ce sur quoi nous cliquons sur internet. De sujet complexe, nous nous changeons peu à peu en objet rentable pour experts en profilage web, et autres commerçants de nos vies privées. Nous nous croyons libres d’être de simples et vulgaires utilisateur-consommateur. Mais nous sommes en fait un amas de datas signifiant, voilà tout. Algorythmable à loisir. Stockable. Définissable par le clic. Un cyber-citoyen classifiable, identifiable et donc prévisible, jusque dans ses opinions les plus personnelles. Jusque dans les moindres recoins de l’âme et de l’intériorité qu’il aura bien voulu lui-même, souvent inconscient, par sa seule adresse IP, livrer sur la toile. Jusque dans ses secrets les plus inavouables. Nous sommes tous devenus fichables, et fichés. Politiquement. Psychologiquement. Sexuellement. Philosophiquement. Jusque dans l’intimité de nos fois religieuses éventuelles. Nous affichons, sans trop y réfléchir le plus souvent, nos intériorités ; anciennement privées et pudiques. Une sorte de Viol numérique généralisé s’opère, sans cesse. Avec notre consentement. Aux yeux du monde entier. Au profit de rapaces, et de charognards divers, qui se délectent de ce festin : les cadavres de nos vies intimes. Ces vies qui n’en sont plus vraiment, et que nous violons nous-mêmes, quotidiennement. Scrupuleusement. Evolués, modernes, dynamiques, libres, émancipés et épanouis que nous sommes. Complices évidents de notre propre dévoiement pourtant. De notre propre déchéance. Inconscients, contraints, ou résignés, pour la plupart.

Il y a dix ans déjà, au début de l’Odyssée Zuckerberg, et au tout début de l’émergence exponentielle de l’industrie des « Big Datas », je discutais avec des interlocuteurs qui se reconnaîtront, s’ils me lisent, d’une intuition, à la fois aigue et inquiète, concernant les changements anthropologiques, que les nouvelles technologies ne manqueraient pas d’induire. Et l’on me répondait : « réctionnariat face au progrès technique », « passéisme infécond », «  méfiance paranoïaque »… Etc. Pourtant, dix ans plus tard… Je persiste à m’interroger. Et la Matière s’accumule. A foison. Une montagne d’indices. Se reproduisant comme les souches d’un virus pandémique.

Le phénomène est irrémédiablement en action. Bon nombre d’Etats et de peuples en font déjà les frais. Viendra, très « bientôt », le jour ou nous serons tous tributaires de l’appréciation de chacun de nos clics, de chacune de nos paroles, sur internet, par nos Autorités respectives. De Tutelle. Et par leurs nombreux « relais », acteurs privés, devenus, par pure souci de forme et d’apparence, des « délégataires » de nos services « publiques ». Bien que décideurs, commanditaires et prestataires dans le même temps, en fait. Aux manettes d’Etats-coquilles vides, dont la plupart seront devenus de simples marionnettes des géants de l’Internet et du Renseignement, et de quelques autres grosses fortunes. Un Monde orwellien et fascisant (avec un « n » à la place du « s », ça marche aussi), entièrement liberticide, semble nous attendre au coin de nos sombres ruelles, l'arme à la main. Sans pessimisme aucun, il convient d’envisager le problème sous l’angle contraire. Celui consistant à inciter nos enfants à savoir utiliser l’outil internet, contre l’outil lui-même s’il le fallait. En tout cas sans inconscience des enjeux. Y compris pour résister à toute forme d’oppression, si besoin était. Et ainsi, à ne pas prendre le risque de se voir au final, utilisé par lui : internet, et par eux : ses propriétaires et tenanciers. Eviter les clics inutiles, et l’exposition de soi, aux fins exclusives d’un enrichissement immoral d’autrui. Ou de soi-même. Tout illusoire.

Il nous faut tous prendre conscience, en urgence si possible, de la dangerosité qu’induit la perdurance des traces que nous laissons. Mais même pas tant pour nous… Bien plutôt, pour nos enfants. Innocents, et en proie, dors et déjà, à des dangers divers. Qu’on le veuille ou non, il nous faudra leur dire, que le monde est bien une jungle, dans laquelle évoluent côte à côte lions et gazelles. Les uns attendant d’avoir faim, pour simplement manger les autres. Dès lors qu’ils sont affaiblis ; ou que par bêtise, ils se rendraient disponible à leur voracité. Ainsi, il semble important de maîtriser notre tendance naturelle à se répandre sur internet. En fonction ne serait-ce que d’une seule préoccupation : que va-t-on opposer demain à nos propres enfants, de ce que nous aurons écrit, nous ; personnellement ?

Illustration 2
Capture du film "1984" de Michael Radford.

Les dossiers, de plus en plus complets, dont disposeront les futurs employeurs de nos enfants, et les autorités de notre République, qu’on ose encore ne pas imaginer Bleu Marine, comporteront assurément à terme, les frasques et profils « psycho-IP » de leurs parents, comme de leurs ascendants divers. Et même de toutes leurs relations en générale. Tout leur background familiale, scolaire et professionnel sera accessible aisément ; avant l’embauche. Viendra le jour où il n’y aura plus de délai de prescription, d’aucune manière, en aucune matière. Ni effacement possible des données, ni plus de secret médical. En bref : plus aucun Droit à la vie privée, ne sera envisageable. « Tout simplement », comme dirait Luc F... Toute erreur d’appréciation deviendra alors fatale. Tout faux pas sera  Irréversible. Définitivement indélébile. C’est triste, mais à venir. Ça donnerait presque même envie parfois de réécouter du France Gall : « Débranche !... Tout ! ». Non ! Quand même pas… Mais si ! En fait, Ella raison : « Revenons à nous ! ».

Traçablement vôtre.

(*) : http://www.plon.fr/ouvrage/l-homme-nu-la-dictature-invisible-du-numerique/9782259227797

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