Ou : comment on importe de la main d’œuvre malléable et bon marché pour le développement économique de la métropole, et on se retrouve, cinquante ans plus tard, avec des « hordes » de jeunes de deuxième et troisième génération, à la recherche éperdue de mosquées où se radicaliser, entendre prêcher la sécession, s’abreuver de discours de haine envers notre généreuse terre d’accueil… Innocente. Mais : « C’est qu’ça s’reproduit vite ces bêtes là ! »…
On ne s’y attendait pas. Tout simplement. On n’imaginait pas. L’ampleur des conséquences…Ce n’est pas ce qui était prévu au contrat ! Mais quel était le contrat déjà ? « Tu viens, tu bosses dans mes usines, tu retournes ensuite dormir dans ton parc à bestiaux en marge des centres urbains ; tu t’assimiles si t’y arrives, si possible tu gommes tes racines et ta culture d’origine, les fonds dans le décor, les rends transparentes. »... « Cachez-moi donc ce voile que je ne saurais voir »… Travailleurs-travailleuses fantomatiques. Citoyens-citoyennes anorexiques.
L’Endogamie : clé de voûte de cette matrice stratifiante, bien que prétendument assimilante, assurant la pérennité de la reproduction des schémas. De l’Ordre social. Education nationale : idem. Police, justice : idem. Le programme : « Restes bien à ta place, sans quoi… Le grand méchant Eric Z. viendra te rappeler d’où tu viens, qui tu es, et ce que tu mérites ! ». L’auto-victimisation à géométrie variable ; et parfois même inversée à dessein. Pas de repentance, pas d’apitoiement. Courber l’échine. Ne pas trop tenter de relever la tête. Ne pas espérer pouvoir voir plus loin, au-delà des barrières, ou au-delà des murs. Toute tentative de couper les barbelés qui nous entourent valant incrimination immédiate. « Si tu sors du rang, t’es puni ! ». Comme dans un immense « camp » en fait… Est-ce s’auto-victimiser que de le constater. Triste banalité pourtant. Pathétique évidence.
Certains, une infime partie d’entre nous, « heureux élus », « happy few », savent. Les autres, tous les autres, doivent suivre. Ou ils seront brisés, par les rouages du système inventé par les premiers. Plutôt impitoyables. Excessivement cyniques. Qu’y faire ? Soyons réalistes. Nos opportunités de réussite sociale et nos capacités de « manœuvrer » se mesurent bien davantage à l’aune de notre marginalité statistique en ces matières, plutôt qu’à la mesure de notre poids démographique, ou du champ des possibles que nous ouvre la Méritocratie à la française ? Les déterminants sociopolitiques priment sur le déterminisme. Non… ?
Heureusement et malheureusement à la fois, nous ne sommes pas au Etats-Unis. Seul l’Argent ne compte pas. Il y a chez nous une notion bien ancrée de pédigrée, de rang. De classe. Et qu’on le reconnaisse ou non, nous avons, nous aussi, de tout temps su intégrer, finement et discrètement, souvent hypocritement, le facteur racial à nos schémas sociopolitiques de « bonne » gouvernance. L’Histoire le démontre. Et nous nous évertuons pourtant à le nier. Ce qui est purement irresponsable, voir suicidaire. Comme un « toxico » qui continuerait à insister pour partager ses seringues ; refusant catégoriquement de reconnaître qu’il a le Sida. Préserver un système de caste avec des dominants et des dominés. Des élites, des intellectuels, des dirigeants politiques, des potentats économiques, éclairés, d’un côté, et d’autre part le peuple, aveugle, ne demandant qu’à être guidé vers la lumière. « Asouverainisé ». Décérébré.
Liberté d’entreprendre, propriété privée, droit sacré à l’accumulation de biens, jusqu’à l’excès, jusqu’à l’outrance, sans restriction aucune, ni considération morale. Induisant une nécessaire déconstruction des mythes et codes religieux ; et de toute forme de conceptualisation qui induirait un cadre pensé pour le collectif, et non pour l’individu au sens darwinien. Libéral. Thésaurisant à l’Excès. Amoral. Egoïste, sauvage et débilisé. Ré-animalisé. Oserait-on dire : presque davantage déshumanisé qu’un djihadiste ? « Non ! Pas Trump ! ».
Les deux grands combats du XXème siècle, contre l’emprise de l’Eglise, puis celle du Communisme, sonnèrent l’avènement de la primauté de l’individu sur le corps social. L’Homme-Dieu. Aujourd’hui, quelques hommes éclairés, réunis en sectes, clubs et autres think-thank, pensent et dirigent le monde. Et c’est bien plus une triste réalité qu’un complot. L’Eugénisme est bien en ligne de mire de leurs drones assassins. Ils se foutent complètement de nos humanités diverses. Et souhaiteraient pour certains que nous soyons quelques milliards de moins sur cette planète. Point.
Et pourtant ; bien que nous soyons nombreux à être victimes de ce genre de visions cauchemardesques, à tendances eschatologiques, ou paranoïaques ; cette perspective semble bien immuable. Et aucun effort n’est ménager pour construire notre acquiescement, notre conformation, notre consentement servile à cet ordre des choses. Nous, nous plions. Peut-être après ces bourrasques, qui tournent aux déferlantes, saurons-nous nous relever, comme de dignes roseaux, sans avoir jamais rompu ? « Nique le chêne !... », disent déjà certains.
Conservatisme. Identité figée. Repli sur soi. Si l’on déplore la perte d’une certaine identité, de certaines valeurs, d’une certaine « idée de la France », où se situe donc le référentiel dans le temps ? Comment peut-on défendre la thèse qu’une « identité nationale » soit autre chose qu’évolutive ? A quelle date, quelle époque, celle-ci ; celle actuellement revendiquée comme souhaitable, idéale ; a-t-elle donc été définitivement gravée dans le marbre de notre irréprochable République ? Français, qui sommes-nous vraiment ? Le savons-nous ? Révolution ? Restauration ? Premier, second empire ? Première… Cinquième république ? Vichy ?... Richelieu ? Colbert ? Voltaire ? Robespierre ? Hugo ?... A quel état, à quelle société type, à quel moment de l’Histoire se référer et se conformer pour ne pas être taxé de participer au délitement, à la dérive des valeurs et fondements de notre beau pays ; actuellement attaqué et défiguré de toute part ?
Aujourd’hui reprenons plutôt à « zéro », tous Ensemble ; pour combattre avec intelligence et détermination, voir courage, ces fléaux innommables, protéiformes, que l’on ne saurait nier ou méconnaître. A-t-on d’autre choix que de s’associer par l’esprit avant tout, le plus nombreux possible, pour tenter de contrecarrer les plans macabres et omnidirectionnels actuellement à l’œuvre. Associons-nous alors… Et indignons-nous en un hommage salutaire à Mr Stéphane H ! Citoyens, divers que nous sommes, levons-nous, conjointement, pour Demain. Tentons au moins de dialoguer. De s’entre-interroger. Sinon… Il ne nous restera bientôt plus qu’à « Prier ». Comme avant 1905… ?
« Depuis des millénaires, l’appétit de puissance s’étant éparpillé en de multiples tyrannies, petites et grandes, qui ont sévi çà et là, le moment semble venu où ils doivent enfin se ramasser, se concentrer, pour culminer en une seule, expression de cette soif qui a dévoré et dévore le globe, terme de tous nos rêves de pouvoir, couronnement de nos attentes et de nos aberrations. Le troupeau humain dispersé sera réuni sous la garde d’un berger impitoyable, sorte de monstre planétaire devant lequel les nations se prosterneront, dans un effarement voisin de l’extase. L’univers agenouillé, un chapitre important de l’histoire sera clos. »
Cioran – « Histoire et utopie ».