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Billet de blog 16 juillet 2023

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Quartiers populaires : changer la représentation

Alors que la mort du jeune Naël de 17 ans a été à l'origine d'un soulèvement et de révoltes généralisées, peut-on imaginer que le passage à l'acte violent d'une partie de la jeunesse ne signifie rien, n'est le message de rien ? La question cardinale est, désormais, la suivante : comment l’État doit, inévitablement, repenser la représentation d'une partie de sa jeunesse et de sa population ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Lorsque j'étais élève, j'ai toujours été épaté de mes professeurs de français qui arrivaient à faire dire à certains poèmes ce que je ne saisissais pas. Sur-interprétation je me disais ou vice de celui qui, auréolé de savoir, instrumentalisait à dessin un texte pour justifier son programme. Mélancolie, amour, haine, fidélité, souffrance, guerre, paix... autant de thèmes parcourus au fil de ce jeu avec les mots. Le poète avait-il, réellement, réfléchi au message que ses écrits faisaient passer ? Au faite, j'ai compris, bien plus tard, que celui-ci ne listait pas mécaniquement ses objectifs, d'ailleurs il n'en avait pas, il lui fallait, seulement, écrire un beau texte avec lequel il transmettait un état : son état. Son état et sa relation au monde qu'il extériorisait ainsi d'un jeu avec les sonorités, les rythmes, les mots pour communiquer ce qu'il vivait, ce qu'il ressentait.

Alors que la mort du jeune Naël de17 ans, tué par un policier, a été à l'origine d'un soulèvement et de révoltes généralisées à travers les quartiers populaires français, peut-on imaginer que le passage à l'acte violent d'une partie de la jeunesse n'est le signe de rien, ne signifie rien, n'est le message de rien ? Serions-nous coupables de sur-interprétation si nous expliquions ce que signifiaient ces violences ? Évidemment non. Parce que nous pouvons faire dire à ces actes ce qu'une certaine propagande médiatique et politique ne dit pas, ce qu'elle ne saisit pas, ce qu'elle s'efforce de déguiser. Par intérêt. Par intérêt de classe aussi. L'émeutier a-t-il explicité le message que son acte voulait faire passer ? Sûrement pas. Au faite, l'émeutier ne liste pas mécaniquement ses objectifs, il n'en a pas, il lui faut, seulement, matérialiser sa colère et transmettre un état : son état. Son état et sa relation au monde. Il extériorise ainsi d'un affrontement avec la police, de la destruction de son environnement symbolique ce qu'il vit, ce qu'il ressent. Sentiments de mépris, de souffrances, de relégations, exigences de dignité... c'est ce que semble traduire cette violence tout azimut. Alors que certains délégitiment la révolte en prenant prétexte des effets d’opportunisme que celle-ci a permis (vols, pillages...) qu'il sache que c'est un vieil acquis de la sociologie que se greffe à toute révolte populaire profiteurs et intéressés.

Quoiqu'il en soit, l'irruption d'un flot de violence est toujours suivi d'un moment d'incompréhension. Mais comme l'a affirmé, justement et récemment, un responsable politique, même si une partie de l'opinion penche vers un retour au calme, dans quelques jours une avalanche de documents, d'articles, d'analyses sur les conditions de vies en banlieues vont démontrer et convaincre « les classes moyennes sachantes et éduquées » que la solution policière est un leurre et un suicide.

Perception administrative

En effet, les actions collectives de violences faites d'infraction sont un message profondément politique que l'étude de Didier Chabanet et de Xavier Weppe a, en partie, bien démontré. Si le facteur déclencheur est directement lié à la mort du jeune Naël, l'intensité des violences émane d'un profond antagonisme entre la police et les jeunes des quartiers populaires. Des jeunes et leurs familles ghettoisés par des années de politiques publiques qui les ont enclavées dans des espaces de précarité et de violences. La dimension politique de ces révoltes ne peut faire débat. Les bavures policières à l'encontre d'un jeune de banlieue refont ressurgir à chaque fois des questions de fond.

Et celle qui est cardinale parmi elles : comment l’État et l'administration se représentent-ils ces jeunes qui constituent ces banlieues populaires ?

De sa réponse dépendra toutes celles données aux questions qui en découlent. Questions sur la persistance des inégalités dans ces quartiers, sur la participation des habitants aux restructurations de leur environnement, questions sur les discriminations normalisées... De sa réponse dépendra, aussi, le changement de représentation et de perception que les populations auront de l'Etat.

D'autant plus que ces quartiers populaires concentrent les éléments de la diversité française les plus questionnées et les plus tourmentées par la majeure partie de la sphère politique et médiatique qui a adopté le langage de l'extrême-droite. Une diversité marquée par l'héritage coloniale et son contentieux mémoriel jamais assumé ni débattu et marquée, aussi, par l'islam français et les polémiques sur les fantasmes de son arrière-pensée et sa visibilité transformée en islamisation.

C'est à ce titre que l'étude de Didier Chabanet et de Xavier Weppe appelle à un changement de paradigme de l'action publique autour des quartiers populaires. Un changement qui ne sera pas possible sans une révolution dans la représentation que l'Etat a de certaines de ses populations. Un Etat qui ne peut, continuellement, terrer et criminaliser des revendications que les acteurs et les familles des quartiers populaires veulent rendre audibles. Comme il ne peut, aussi, criminaliser ceux qui, dans l'échiquier politique, relaient désormais ces revendications.

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