L’islamophobie ou le racisme anti-arabe a-t-il joué un rôle de justificatif moral au génocide, a-t-il participé comme le dit Eric Fassin, à l’étrange consentement aux massacres de tout un peuple ? Ce texte fait écho à de nombreuses études qui établissent des liens entre la normalisation des haines islamophobes et du racisme dans les pays européens, dans lesquels celle-ci a été la plus marquée, et la minimisation, le déni et même parfois la couverture et la justification de la tragédie génocidaire que vivent aujourd’hui les palestiniens.
Dans quelle mesure le racisme et de l’islamophobie fabrique, aujourd’hui, l’indifférence collective, voire l’acquiescement à l’extermination des Palestiniens.
Il est évident que le racisme et l’islamophobie n’explique pas tout dans l’assentiment au génocide mais il n’est pas possible de ne pas traiter cette question si l’on souhaite comprendre comment a, aussi, été rendue possible l’invraisemblable déferlante, presque terrorisante, de soutien à la guerre et l’intimation au silence face aux massacres que vivent les palestiniens. Une chape de plomb politique et médiatique terrible qui a asphyxié et rendu très difficile la dénonciation d’un génocide et le choix de la paix juste et durable contre la soif de sang des criminels de guerre.
Un moyen de la déshumanisation
D’abord, le racisme et l’islamophobie en France, et dans d’autres pays, ont, participé à un processus progressif de déshumanisation d’une partie de la population. Pas plus loin que ce 24 octobre, l’Agence européenne des droits fondamentaux (FRA) a publié un rapport alarmant sur l’islamophobie dans 13 pays de l’UE. La présidente Sirpa Rautio a invoqué cette « rhétorique déshumanisante » observée « dans tout le continent » à l’origine et moteur de la mondialisation de l’islamophobie.
C’est cette déshumanisation du musulman, assimilé dans une essentialisation et une généralisation propre au racisme avec l’arabe palestinien qui a, en partie, favorisé, la léthargie, les hésitations, l’absence d’une mobilisation à la hauteur en France. La déshumanisation tue et elle tue d’abord l’empathie, c’est cette mort de l’empathie humaine, disait Hannah Arendt, qui montre qu’une culture sombre dans la barbarie.
Par ailleurs, associé à cela, s’est théorisé par des milieux réactionnaires et néo-conservateurs, à qui certains médias déroulent le tapis rouge, un soi-disant « nouvel antisémitisme » propre à cette partie de la population que sont les musulmans ou assimilés comme tels. Les mêmes milieux qui veulent confondre l’antisémitisme et l’antisionisme. Les mêmes milieux qui disent que l’antisionisme de ceux-là, arabes et musulmans, grands « remplaceurs », accompagnés de leurs idiots utiles, ne serait que le paravent de leur antisémitisme. Les mêmes milieux qui ne portent plus le fer contre l’extrême-droite devenue sioniste et donc définitivement déculpabilisé de sa haine originelle et historique des juifs dans une définition qui présente l’antisémitisme comme l’absence de soutien inconditionnel à Israël.
Un moyen de la criminalisation et du consentement au génocide
Ce racisme a, donc, été l’un des moyens les plus puissants du black-out médiatique, il a été un moyen dans la criminalisation de la solidarité des palestiniens, il a été un moyen de la déculpabilisation des consciences, il est un moyen du génocide. Il sort, graduellement, du champ de l’humanité des femmes et des hommes. Dans un contexte colonial, il excuse et autorise la violence, il légitime l’élimination physique et rend possible la mort et dans un contexte démocratique il légitime le rejet, il justifie les discriminations et la persécution contre des individus et des institutions, il permet la haine. Le 25 novembre 2024 à Aix en Provence, une mère de famille de 43 ans visible avec son foulard a été frappée, le voile arrachée, battue à terre par deux femmes qui l’ont inondé d’insultes « on doit la terminer » « on doit la crever comme les Palestiniens ». Ces deux haines sont liées, elles sont les résultats d’un processus de criminalisation, de déshumanisation, de bestialisation, d’infériorisation de l’Autre, arabe et musulman. Il faut les déjouer et les combattre. En même temps.