Le nouveau ministre a sorti son joker : l’abaya. Le petit prodige propulsé ministre de l’Education Nationale n’a pas fait long feu de certaines de ses priorités pour l’Education Nationale et de sa conception de la laïcité. Une laïcité macro-flexible qui chasse sur les terres de l’extrême-droite. La laïcité, jadis, marqueur de la gauche et de la liberté est devenue un outil de contrôle assujetti par la théorie du grand remplacement. Les chaînes d’information en continu ont, quant à elles, préparé le terrain des idées. Il faut serrer les rangs et faire face à la menace commune.
« Quand on regarde un ou une élève, à partir du moment où on peut deviner quelle est sa religion et bien c’est clair ». Ces propos tenus par une cheffe d’établissement, il y a quelques jours sur BFM TV, sont glaçants et terrifiants. Elles emboîtent le pas aux propos du ministre de l’Education et illustrent la dérive grave permise par l’obsession et la cristallisation autour des thématiques l’islam. En effet, il s’agirait de se fier à son bon sens et à son évidence pour définir les critères du caractère religieux du vêtement. Il suffit de « deviner » la religion de l’élève. Au faciès ? A la consonance du prénom ? Au fait qu’il porte un couvre-chef ou un foulard à l’extérieur de l’établissement ? A son groupe d’ami(e)s ?
N’y voyons-nous rien d’horrifiant ?
Envers et contre tous les principes des libertés fondamentales constitutionnelles, envers et contre tous les principes d’indifférenciation absolus garantis aux élèves, des propos discriminants et islamophobes se muent en évidence. En évidence raciste. Une évidence que Maurice Olender, historien franco-belge, a remarquablement analysé dans son étude des formes de racisme et notamment au sujet de la question de l’antisémitisme : « Le racisme n’a pas besoin d’être fondé pour être. Affirmation catégorique, aussi absolue qu’indémontrable, le racisme a toutes les allures d’un axiome. Compréhensible par tout le monde, sans être admis par tous, le racisme est une notion d’autant plus efficace qu’elle est confuse, d’autant plus dynamique qu’elle se pare de l’évidence ». La question des abayas est un des modes, aujourd’hui, de légitimation d’un certain racisme et de l’islamophobie sous couvert de laïcité. Il ne peut être pris à la légère car les chuchotements du racisme « s’avancent, irrépressibles, comme une marée qui à tout moment peut engloutir une société ». Pourtant, la visibilisation plurielle du phénomène religieux musulman répond à des enjeux historiques et sociaux très instructifs que le politique connaît très bien. Afin de dissiper les incompréhensions ou la peur, son étude sérieuse et honnête permettrait de construire une pédagogie et des réponses fidèles aux libertés fondamentales et salutaires à long terme.
Le politique en responsabilité n’y trouve par son intérêt. Il préfère raconter le scénario de la laïcité assiégée et en adopter une définition fabriquée par des années de polémique autour de la compatibilité de l’islam avec la république. Une réponse simpliste. Evidente. Contraire à la laïcité. Contraire au projet d'Aristide Briand de l'arracher aux intégrismes, aux extrémismes idéologiques, aux irascibles qui voulaient faire porter à la laïcité les oripeaux de la haine de l'autre, de la peur, de l'ignorance, de la rancune et de la discrimination.