Comme tous les matins, le soleil le réveillait.
Comme tous les matins il était surpris d'être dans le ciel, sur un nuage.
Respirer profondément, sortir le carnet de vol, consulter l'avant derniere page qui, chaque jour changeait, et lui donnait des informations: une géographie sommaire de la terre qu'il survolait, une éventuelle cime où il pouvait se dégourdir les jambes, retourner à la civilisation.
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Marcher dans la neige, ou descendre un mont pelé, soleil et caillasses.
Deux, trois semaines, trouver un village, un hameau, inventer une histoire pour expliquer son apparition.
Le retour était toujours un plaisir, son livre lui indiquait le lieu.
A chaque fois la magie d'un nuage approchant, provoquait un sourire,son bonheur.
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Au début, il lui fallut compendre les Itinéraires, les grands courants des vents qui sillonnent la Terre, ensuite il comprit qu'en changeant de nuages, il restait plus ou moins longtemps, sur un territoire. Quand il voulait se gorger les yeux de forêts, suivre les sinuosités du Danube, les marais, les estuaires, il se plaçait sur un bord du voile qui le supportait, avec sa canne il tournoyait, provoquant une lucarne, et il voyait un village, des mouflons, des rizières à perte de vue, des buffles d'eau ou un désert semblant couler dans la mer.
Il commençait à connaitre les migrations d'oiseaux; un jour une oie cendrée trouva tout à fait normal de se reposer sur son radeau diaphane.
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Sa première peur il l'a connu une nuit d'été. Il sentait l'odeur des pins tout en bas en dessous, l'odeur des herbes trop sèches. L'orage éclata et il vit d'abord assez loin les éclairs qui amorçaient du sol ou d'un nuage. Comme depuis son enfance, il compta les secondes, jusqu'au coup de tonnerre.
Il pouvait voir le sol durant le flash, dans un brouillard de pluie. L'odeur de terre mouillée, monta aussitôt, puis le noir, puis un autre éclair.
Quand il réalisa que son nuage restait à l'écart, il s'allongea, spectateur unique d'un son et lumière dantesque.
Ce fut le lendemain matin, dans une lumière et un ciel comme propre qu'il décida d'écouter de la musique. Non, pas tout le temps, pas tous les jours. Une fois par semaine, se préparer, se laisser envahir par l'espace et le bleu pâle d'un matin avec "Love in the morning" d'Archie ROACH:
"...I touch your body, I touch your soul..."
( http://fr.youtube.com/watch?v=4KwkqAIug6k )
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ou alors un Kate Nash, live neoBab, pour rire.
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( http://www.dailymotion.com/relevance/search/kate%2Bnash/video/x3ebmo_kate-nash-skeleton_music )
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pour le rose cendré du ciel, le soir, Anne Gastinel au violoncelle .
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( http://video.google.fr/videoplay?docid=1123861407467232318&ei=nZ6dSNXAM5DY2gKGyKGuBA&vt=lf&hl=fr )
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ou alors Philippe Jaroussky
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( http://fr.youtube.com/watch?v=7tfbGhSesEA&feature=related )
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Combien de terres et d'océans survolés, avant qu'il ne se décide à passer sur les terres de la Rose blanche? vaincre la peur de ne pas reconnaitre, que les souvenirs soient noyés dans des lotissements champignons, des usines, de nouvelles routes?
Dans un grand cercle, il se prépara en survolant l'Irlande et l'Écosse, il absorbait les verts, les ocres, les jaunes.
Il reconnaissait les paysages "chapeau melon et bottes de cuir", les petites routes, les murets, les haies qui bordent les routes, les troupeaux de moutons, poneys, vaches.
Enfin les cotes et le pays du père de Robinson Crusoé.
Par nostalgie? pour se donner du courage? pour se moquer de lui même et de son coté guimauve? (après tout, il voyageait bien sur une gigantesque barbe à papa!) il écouta Simon et Garfunkel:
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( http://fr.youtube.com/watch?v=XEhAXQ5QQzs )
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Et la ferme apparu, rien n'avait changé, la cabine téléphonique rouge, le silo à grain, les champs, le coin à fleurs et le coin potager de la maman de sa Gorgeous, le ruisseau coincé dans un petit vallon, le gros tracteur dans la cour.
Le vent était tombé.
Il resta, là haut, allongé à se rappeler, peut être allait il voir "Birdie", une jeune fille maintenant.
"Gorgeous et Birdie", les plus beaux sourires, rires, et accent du monde.
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Le soleil glissa derrière les montagnes mauves de bruyères et de tourbes, le vent de terre se leva doucement, les nuages s'agglomérèrent cachant les souvenirs, et repartirent vers la mer.
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