La France a ouvert ses compétitions de voile aux paris en ligne à l'été 2010. La décision est passée plutôt inaperçue dans la presse spécialisée des sports nautiques. Pourtant, elle a de quoi susciter des interrogations, du côté de parieurs et des bookmakers mais également du côté des sportifs de la discipline.
Un sport déjà habitué des flux financiers
Certes, depuis longtemps la voile conjugue ses performances sportives avec les enjeux d'argent, parfois colossaux. L'argent jugule la discipline depuis des années, en France comme à l'étranger, non sans faire grincer des dents devant l'afflux de sommes défiscalisées et soumis à des logiques d'entreprise parfois peu en adéquation avec ses valeurs.
En fait, la pratique de la voile a quasiment toujours nécessité des moyens importants, publics et privés, pour le loisir ou la compétition. Elle se démarque en cela de pratiques sportives de culture essentiellement amateur, y compris au plus haut niveau, par exemple la pétanque, le taekwondo ou la pelote basque, eux aussi désormais ouverts aux paris en ligne.
Une discipline trop peu popularisée pour attirer les parieurs
La voile ne fait pas pour autant partie des sports populaires, tels que le football ou le tennis, malgré les efforts entrepris par les sponsors auprès des médias. Mis à part la Solitaire du Figaro, le Vendeé Globe et peut-être l'America's Cup, peu de français, même les amateurs de sports nautiques, sont au fait des compétitions nationales et internationales. La Volvo Race, compétition majeure à venir, est par exemple ignorée du grand public, faute d'un détour par les côtes françaises. « Pas assez spectaculaire » se bornent à expliquer certains.
Les compétitions courtes favorisées au détriment des courses au large ?
En automobile ou en cyclisme, le spectateur vit la course, la course de son favori, sa course, à chaque tour, à chaque ravitaillement, à chaque virage. En football, le parieur épie les tactiques, les blessures, l'adversaire, les compositions, le classement, etc., à partir desquels il joue sa mise. Puis durant 2 heures, il vit le match aux côtés de son équipe : l'hymne, le coup d'envoi, les passes, les fautes, les buts, l'agression, le ralenti, l'égalisation et le coup de sifflet final. Au contraire, sur les mers, l'effort des marins est isolé : la lecture de la météo, les choix de navigation, de position et de voilure, la barre, les virements de bord, la journée, et puis les nuits et les jours qui ne rentrent guère dans les loisirs du soirs et des week-end.
Le pari va de pair avec l'adrénaline et le suspense, il pourra toutefois difficilement s'exalter devant la temporalité longue et linéaire de ses courses au long court, le mystère français de la course en solitaire.
A l'inverse, les courses d'un jour ou de quelques heures offrent des coudes à coudes propices à pronostiquer, encourager et, finalement, retenter sa chance. Sous la pression des paris et des médias associés, la voile professionnelle pourrait-elle ainsi délaisser les courses au large pour les courses à étapes et les régates et finalement les match-racing ?
Quoi qu'il en soit, pour être objets de paris, les sports de voile se détachent de l'imaginaire du voyage, du périple, du lointain, des mythes d'Ulysse et Thulée ou encore de la route de la soie. Les jeux d'argent auront à cœur de faire surgir la symbolique des virées, des expéditions et de la compétition intense et instantanée. Le temps de faire « monter la pression » et d'encourager son favori dans la ligne droite finale : « Allez ! Allez ! Allez ! ». Ainsi, la voile entrera-t-elle peut-être un jour dans le générique de 'Tout le sport', rythmé par le tic-tac du chronomètre et le souffle rapide du sportif en course.
La voile partage avec l'escalade un rapport à la nature qui met en exergue son immensité, sa force et ses dangers, ce qui en elle nous effraie, nous fascine et nous sublime. La course est sans escale, on est sans nouvel des alpinistes, l'équipage ne dort plus... Les exploits et les risques pris par ces aventuriers ont amené à reconnaître dans ces sports la valeur du dépassement de soi.
A l'opposé, pour ouvrir les paris, le bookmaker devra inscrire la performance du navigateur dans la victoire, les podiums, les éliminations, le classement final, les records, le nombre de jours pour réaliser un parcours ou une épreuve et finalement le nombre de médailles par pays.
Si le pari parvient à promouvoir ce virage, nul doute d'ailleurs que les sponsors et mécènes lui emboiteront le pas, au détriment des courses au large. L'escalade pour sa part continue son bonhomme de chemin puisqu'elle ne figure pas (encore) sur la liste des sports autorisés au pari en ligne.
La voile encore négligée par les bookmakers français
Ne tirons cependant pas trop vite sur la sonnette d'alarme. Si les souffles du pari en ligne sont inévitablement dirigés vers la performance en 'live', ils ne se sont pas encore concrétisés au niveau des opérateurs de pari en ligne. La voile est en effet plutôt oubliée par les opérateurs actuels (Eurosportbet, PMU, ParionsWeb, etc.). Même les paris gratuits sur la voile sont extrêmement rares... Mais les bookmakers resteront-ils encore longtemps indifférents au public CSP+ qui constitue le monde la voile ?
Les compétitions de voile ouvertes au jeu d'argent
Les plus intéressés par le ménage du jeu d'argent et de la voile pourront consulter dans le détail la liste des compétitions de voile pouvant faire l'objet de paris sportifs. Celles-ci sont classées selon 5 types :
- les match-racing (typiquement l'America's cup)
- la voile légère, qui comprend surtout les compétitions olympiques
- les épreuves de records (reconnus par le World Sailing Speed Record Council)
- l’inshore ou course en flotte, catégorie spécifique au circuit TP 52
- et les courses au large
De par leurs caractéristiques, on peut présumer que les courses au large échapperont à la marée des jeux d'argent. Toutefois, il est à souhaiter pour elle que les paris sur la voile ne prennent trop d'envergure, sans quoi elles resteront au final sur le quai des orfèvres de la discipline. A bon entendeur pour la fédération française de voile...