« Quelle petite pute ce mec ! » Tels sont les termes utilisés vendredi dernier par le principal du collège Victor-Hugo d’Aulnay-sous-Bois pour qualifier un professeur, représentant élu au conseil d’administration. Depuis deux ans et demi, la situation ne cesse de s’envenimer dans l’établissement, résultat des tensions créées par le principal qui gangrènent la scolarité et la vie des élèves.
Cette insulte a été entendue fortuitement par le professeur visé qui se rendait dans les bureaux de l’administration à ce moment-là. Pour les enseignants, le caractère public du dérapage ne fait aucun doute : « Nous demandons aux élèves de nous respecter... Et le principal, lui, prononce ça, porte ouverte, alors que des élèves et des parents circulent régulièrement dans le couloir ! » Si cet événement est suffisamment grave en soi pour provoquer l’indignation, il n’est pas la seule justification de la grève débutée le lundi 27 février. Le principal de l’établissement s’est en effet rendu coupable à de nombreuses reprises de remarques déplacées à l’égard du personnel de l’établissement : « Enseignants, mais aussi élèves et parents, tout le monde y passe ! », indique un enseignant. « Nous avons un dossier rempli des différents incidents. C’est désolant ! »
La mort à petit feu de toute dynamique pédagogique au sein de l’établissement est le reproche majeur des professeurs : « Nous n’avons plus envie de rien faire. Tous nos projets ont été enterrés », poursuit un autre membre de l’équipe. Par exemple, le voyage en Angleterre qui avait lieu tous les ans a été supprimé à la suite des propos vexatoires du chef d’établissement à l’égard des organisateurs. Il a également démobilisé les professeurs qui s’investissaient dans l’expérimentation des classes sans note, pourtant recommandée par le ministère de l’Éducation lui-même, en les privant d’heures de concertations nécessaire à sa mise en œuvre. « Tous ces projets sont créés pour les élèves. Notre mouvement n’est pas un mouvement pour défendre nos propres intérêts ; nous avons du mal à en convaincre les parents » souligne un professeur élu du CA.
« Les parents nous accusent aussi de ne penser qu’à nous, de prendre les élèves en otage, de mettre leur scolarité en péril, » commente un professeur. « Ils ne comprennent pas que cette seule semaine ne changera rien à l'avenir des élèves. Ce sont toutes les autres semaines passées à travailler dans des conditions délétères, qui ont des conséquences très négatives sur le niveau scolaire des élèves. » Les parents sont en effet un facteur important à prendre en compte, certains représentants ayant annoncé leur hostilité à la grève depuis le départ. La défiance est présente, et encore une fois les enseignants apparaissent en première ligne. «Nous ne pouvons pas ignorer les parents, nous souhaitons pouvoir renforcer nos liens avec eux à l’avenir, mais pour le moment nous ne nous comprenons pas », souffle le professeur. D’autres assurent cependant que l’équipe a reçu « de nombreux messages de soutien » de la part de parents.
Comment alors sortir de l’impasse ? « Nous ne pouvons plus travailler avec quelqu’un qui nous témoigne aussi peu de respect et autant de mépris. » Un départ immédiat et définitif est donc exigé, condition à la fin de la grève. « Ce n’est pas le procès des enseignants qui se joue. Il y a suffisamment de gens en temps normal pour dire que nous sommes incompétents, comme le colporte d’ailleurs la direction : les professeurs sont nuls et irresponsables » continue encore l’enseignant. « C’est la conséquence de l’accroissement des pouvoirs des chefs d’établissement. Par exemple, le nôtre veut « redresser » les professeurs, selon les termes qu'il a lui-même employés ». Un enseignant syndicaliste pointe aussi la dérive managériale des établissements publics sur le modèle du privé.
Le rectorat semble incapable de prendre des mesures concrètes pour résoudre ce conflit. Le 1er mars, une délégation de professeurs a été rencontrée, mais aucune garantie n’a pu lui être donnée sur le départ immédiat et définitif du chef d’établissement. « Alors qu’on n’en peut plus, l’Inspection académique nous demande d’être patients… depuis deux ans ! » s’indigne l’un d’eux. Selon la hiérarchie, des « avancées ont eu lieu » dans l’établissement, mais elles sont totalement invisibles aux yeux de l’équipe pédagogique. « C’est plutôt le contraire. L’ambiance de travail et le climat scolaire se sont complètement dégradées. Les personnels en pâtissent, mais les premières victimes sont les élèves ! »