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Billet de blog 2 décembre 2014

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Sur la stratégie politique d'Etienne Chouard

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il faut tout d'abord que honnêtement, j'avoue que je ne compte pas parler de la polémique de style fautrieriste (ou antifautrieriste) qui agite quelques blogs ces temps-ci. Ainsi, je prie ceux que les Torquemadas au petit pied font saliver de s'éloigner : ils seraient déçus.

En relation avec cet évitement, et en manière honteuse de justification, je dois aussi préciser que je suis favorable à la liberté d'expression. Par là, je n'entends pas la liberté pour ceux qui aiment comme moi la musique, les mathématiques, leur famille, la poésie, de s'exprimer librement. Mais bien plutôt à ceux qui professent des idées que je trouve fausses, voire perverses, ou répugnantes : les antisémites, les coprophages, les racistes, les révisionnistes, les "homophobes" (le mot est ridicule puisque ça signifie "peur du même", mais enfin, il est consacré par l'usage), les machos, les fans de Justin Biber, etc.

Donc, je vais parler de Etienne Chouard mais pas du fait qu'il rencontre (ou a rencontré) et discute (ou a discuté) avec Soral, avec Faurisson, avec le Diable et sa grand-mère, parce que ça, je m'en tamponne le cocquillard. S'il recommande ces gens, à mon avis, il a tort et moi, je ne les recommande pas. Sauf le Diable, qui mérite d'être mieux connu. Mais ce n'est pas, à mes yeux, une grosse affaire. J'ajoute pour finir que si demain, ou après demain, Etienne Chouard devait prendre des positions condamnables à mes yeux, eh bien, je les condamnerais (mais je ne les censurerais pas).

J'ai désapprouvé de toutes mes forces les procès en sorcellerie qui lui sont faits par de pauvres gens, pauvres en intelligence, en coeur et en âme. Mais enfin, je ne suis pas un saint : j'ai lu ces bêtises. Comme une mauvaise action est souvent récompensée, j'ai fini par voir la vidéo de son intervention chez Taddei. Et c'est à ce sujet que je veux écrire quelques lignes critiques.

Tout ce que dit Etienne Chouard au long de ces trois minutes et quelques est profondément juste : la situation présente n'est "catastrophique" que pour les gens du peuple. Pour le 1% qui nous domine, la situation est excellente, les profits explosent, le chômage augmente, tout va très bien. Et pourquoi en est-il ainsi, poursuit Chouard ? Parce que les hommes politiques ne doivent rien à leurs électeurs, puisque droite et gauche alternent et font la même politique. Les hommes politiques doivent tout à ceux qui les ont fait élire, le 1% des plus riches, qui possèdent les médias et transforment le suffrage universel en pantalonnade, et donc ils servent les intérêts de ces gens là et nullement l'intérêt général.

Voilà ce que dit Etienne Chouard et il ajoute que les citoyens, s'ils veulent que ça change, doivent écrire eux-même leur propre constitution (mandat révocable, etc).

Tout ceci est clairement correct et positif, partagé par toute la vraie gauche et d'ailleurs déjà dit sur les antennes par Mélenchon, en particulier, à peu près mot pour mot.

Là ou j'aimerais lui dire qu'il aurait tort, stratégiquement, c'est pour ce qui concerne l'outil politique. On ne peut changer la situation qu'à partir de ce qu'elle est (sinon, on "plane"), telle qu'il la décrit. Par conséquent, ce serait une erreur que de mettre dans le même sac Besancenot, Buffet, Mélenchon, Généreux, Duflot, d'une part, Sarkosy, Hollande et Le Pen, d'autre part.

Il est vrai que la situation de Le Pen est spéciale, puisque, comme la vraie gauche, son parti n'a pas encore eu accès au pouvoir. Cependant, et même si c'est un procès d'intention, je dis que la mouvance lepeniste, au pouvoir, ferait également la politique du 1%, en plus raide et en plus violent. Que certains de leurs partisans ne voient pas les choses ainsi, c'est possible ! Mais en politique, il faut se risquer à faire une analyse, sur des bases solides. Et en l'espèce, de telles bases existent : le FN, c'est la perspective d'une dictature moderne qui, je suis malheureusement prêt à le parier, dépasserait en horreur les précédentes.

La vraie gauche, au contraire, peut et doit jouer au moins un rôle dans n'importe quel changement en faveur du peuple envisageable et possible. En particulier, et c'est explicitement la position de JL Mélenchon, la vraie gauche peut jouer un rôle dans la REALISATION (pas seulement l'écriture) d'une constitution émanant d'une assemblée constituante.

Certes, il est possible que le peuple français, tout à coup, de manière forcément imprévue, se soulève et que nous ayons un mouvement comme los indignados ou occupy street, en plus puissant et plus profond, comme sait le faire le peuple de France et comme il l'a fait en 1968.

Mais même dans ce cas (que je crois d'ailleurs à peu près inévitable), le peuple ne viendra pas spontanément vers la constituante d'Etienne Chouard (même s'il le devrait !), il attendra quelque chose des partis. On peut le regretter, mais c'est une certitude. C'est parce que le PCF s'est bien attaché à ne rien dire qui ouvre la perspective d'un nouveau pouvoir (d'un gouvernement ouvrier et paysan, ou gouvernement populaire) que le mouvement extraordinairement large de 1968 a débouché sur le vide des "accords de Grenelle" et les décades de réaction qui ont suivi.

Donc, voilà ce que moi je reproche amicalement à Etienne Chouard : non pas l'indépendance de son action (il a raison, ce qu'il fait depuis dix ans, les autres ne le font pas), mais le fait qu'il ne fait pas entrer dans ses calculs stratégiques ceux des autres, ceux de Mélenchon en tout premier lieu. Cette stratégie triple : a) le M6r, b) les AAA, c) le raprochement des partis de la vraie gauche, est forte et intelligente. Les amis de Chouard doivent en être, bien sûr. Il n'y a lieu de s'opposer à rien si nous voulons, tous ensemble, vaincre (c'est à dire au moins constituer une opposition forte et signifiante aux horreurs des prochains gouvernements).

Maintenant, Etienne, que faire si les excités de tout bord continuent de japper contre toi ? 

Faut s'en ficher, voilà... Les chiens aboient, la caravane passe. Ton boulot mérite de ne pas stagner dans une ornière : mais ça dépend de toi.

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