En apparence, il existe deux sortes de partis « communistes ». Ceux qui ont accepté les conséquences du discours de Nikita Kroutchev au XXième congrès du PCUS, en février 1956, sur l'arbitraire et le culte de la personnalité, et ceux qui ont protesté contre ce discours. Le PCF fait partie des premiers, et le KKE des seconds. Les uns et les autres n'ont plus qu'une importance numérique réduite, mais ils jouent encore un rôle.
Certes, dans un premier temps, le PCF n'a pas été enthousiasmé par le XXième congrès, to say the least ! Mais il a suivi un chemin qui devait le mener à un certain nombre d'abandons doctrinaux : le centralisme démocratique, la dictature du prolétariat, le léninisme, abandons qui, pour ceux qui les approuvaient, en faisaient un parti communiste plus « démocratique », et pour ceux qui au contraire les condamnaient, un nouveau parti social-démocrate.
Notons qu'il existe encore, dans beaucoup de pays, de petits groupes politiques doctrinalement « staliniens ». En France, par exemple, nous avons le PCOF (parti communiste des ouvriers de France), mais aussi d'autres groupes.
En tous cas, un examen plus sérieux des faits historiques suggère que ces abandons ont été opérés dans une profonde confusion (la « dictature du prolétariat », par exemple, que l'on peut considérer, etymologiquement, comme une traduction possible du mot « démocratie », figure chez Marx, avant Lénine et avant Staline), confusion qui grève encore la vie de ce qui reste du PCF.
Quoiqu'il en soit, pour beaucoup de gens, la troisième internationale dirigée par Staline (et dissoute par lui en mai 1943), c'était le communisme pur, dur et conquérant, qualificatifs qui s'appliqueraient aussi aux tendances et aux partis restés fidèles, jusqu'à sa chute, à l'URSS, et au corps doctrinal originaire jusqu'à aujourd'hui.
Mais une autre lecture de l'histoire est possible et elle consiste à examiner l'apport réel des partis issus de Komintern à la cause révolutionnaire dans le monde.
Le premier grand combat mené par la troisième internationale l'a été entre 1928 et 1932 en Allemagne, et la stratégie décidée par Staline au sixième congrès de l'internationale, en 1928, a entrainé la terrible défaite de la classe ouvrière allemande contre le nazisme. En effet, lors de ce congrès, il a été décidé que l'ennemi principal était la social-démocratie. En conséquence, toute unité, même défensive, des deux partis ouvriers contre l'agression des fascistes a été proscrite.
Cette catastrophe, produite par un cours ultra sectaire aberrant, a été suivie par un zig-zag ultra opportuniste, lors du grand mouvement de grève du Front Populaire Français, puisque à cette occasion, le PCF, non seulement s'est allié à la SFIO, mais encore au grand parti bourgeois de l'époque, le Parti Radical.
Dans le même temps, en Espagne, le Parti Communiste exigeait que la lutte contre Franco reste strictement dans le cadre républicain bourgeois, et s'opposait (par les armes), aux militants anarchistes et « poumistes » (proches des trotskistes) qui prônaient des mesures collectivistes pour soutenir la résistance la plus large du peuple ouvrier et paysan. Le résultat de cette politique a été, encore une fois, la défaite.
En France et en Italie, après la guerre, les partis communistes ont affirmé que l'heure n'était pas à l'établissement de gouvernements populaires remettant en cause la dictature de la bourgeoisie. Le PCF a gouverné avec le Général de Gaulle, qui a déclaré dans ses mémoires, avec une jubilation lucide : « J'ai utilisé ces saboteurs pour remettre la France au Travail ».
Toutes ces positions ont une profonde caractéristique commune : il n'y a, pour ces partis, de gouvernement envisageable possible qu'avec au moins une grande fraction de la grande bourgeoisie. La cadre de la domination bourgeoise doit être préservé. Et chacun se souvient de l'absence de perspectives politiques ouvertes par le PCF durant l'immense mouvement de grève en 1968. Aujourd'hui, en Grèce, le KKE se tient sur le bord de la route, attendant et espérant la défaite du gouvernement de gauche.
Voici le fait incontestable et décisif : les partis de la troisième internationale n'ont jamais conduit un mouvement populaire vers une prise de pouvoir et l'instauration d'un régime ouvrier et paysan. On ne peut pas considérer comme tels les régimes établis en Hongrie, en Pologne et dans les autres pays de l'Est, établis par l'occupation des armées de l'URSS, régimes dont le peuple a été, dès le début, écarté. Puis, lorsque ce même peuple a tenté (en Allemagne de l'Est en 1953, en Hongrie en 1956, plus tard et Tchécoslovaquie, et enfin en Pologne) de prendre le pouvoir, il s'est trouvé face aux chars de l'occupant et écrasé ou refoulé.
La révolution n'a pu avoir lieu en Chine que par la rupture entre Mao et Staline, et en Yougoslavie par la rupture entre Staline et Tito. Fidel Castro n'était pas « communiste ».
La ligne constante des partis issus de la troisième internationale, c'est : « Ce n'est pas le moment pour une révolution socialiste ; ce n'est pas le moment pour un gouvernement ouvrier, paysan, populaire et démocratique ».
Et cette orientation, il me semble qu'elle est exactement celle de Berlinguer, ce dirigeant italien qui a liquidé le PCI, de Pierre Laurent qui sabote le FdG en collant à ses sponsors du PS, comme celle de Dimitris Koutsoumpas, secrétaire général du KKE qui travaille au retour de la droite grecque.
Mais ce ne sont là que des pistes de réflexion... Les contradictions sont bienvenues. Pour un point de vue très différent, mais non sans intérêt, on peut lire « Résistances » de Jean Salem, chez Delga.