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Billet de blog 10 mai 2015

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Ce que nous prouve la VOIE SYRIZA.

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Nous, les citoyens français qui aspirons à une société plus juste, au partage du travail et des ressources, à des comportements responsables vis-à-vis de l'environnement, nous suivons avec passion les évènements grecs, l'activité du nouveau gouvernement et les obstacles auquel il se heurte. Nous sommes comme des spectateurs attendant avec un mélange d'angoisse et d'espoir l'issue du « bras de fer » entre le gouvernement Tsipras et les autorités de Bruxelles ou du FMI.

Je souhaite insister ici sur le fait que la voie Syriza nous a déjà apporté un certain nombre de preuves politiques de la plus haute importance. Politiquement, ce qui se passe en Grèce depuis le mois de janvier de cette année 2015 est l'évènement le plus important depuis des décades en Europe.

1 Syriza a prouvé qu'un mouvement politique déterminé à réorganiser la société sur la base des besoins du peuple peut exister.

Syriza est une « coalition de gauche radicale ». Qu'est-ce que ces mots peuvent signifier ? Rien d'autre que ceci : réorganiser la société sur la base des besoins du peuple. Réorganiser, non pas, dans l'abstrait, mais dans la situation concrète léguée par l'histoire. Syriza a été fondée comme un mouvement anticapitaliste, socialiste démocratique. Le 13 septembre 2014, à l’occasion de l’exposition commerciale internationale annuelle de Thessalonique, le président de SYRIZA Alexis Tsipras a annoncé les mesures-phares que la Coalition de Gauche Radicale – SYRIZA – entend appliquer dès les premiers jours de son investiture au gouvernement de la Grèce. Ici, je renvoie au texte qui énumère ces mesures. http://syriza-fr.org/2014/12/29/ce-qui-a-ete-dit-a-thessalonique-lengagement-de-syriza-aupres-du-peuple-grec/

2 Auparavant, Syriza avait prouvé que de nombreux mouvements de gauche radicale d'origine et d'histoire variées pouvaient se rassembler.

Syriza a été fondée en 2004 en rassemblant quelques treize groupes de diverses tendances communistes, trotskistes, écologistes et socialistes, le principal, Synaspismos, résultant d'une scission du parti communiste Grec, le KKE, qui, lui, est resté à l'écart. De 2004 à 2014, le mouvement a connu plusieurs crises, scissions et réunifications.

3 En janvier 2015, Syriza a prouvé qu'un mouvement politiquement radical complètement nouveau dans le paysage politique de la Grèce pouvait l'emporter dans des élections démocratiques.

Ce pays qui durant des siècles avait été occupé par Rome, par Byzance, par l'empire Ottoman, a connu dans son époque moderne, c'est à dire après 1830, une alternance d'épisodes monarchistes, républicains et de nombreuses dictatures. Même dans les épisodes gouvernementaux que l'on peut qualifier de « démocratiques », après 1975, la Grèce apparaît gouvernée par une version caricaturale de l'alternance gauche/droite, en l'espèce, deux familles : les Karamanlis (droite) et les Papandréou (gauche). Deux générations pour les premiers, trois générations pour les seconds ! En 2004, Syriza est créée et recueille 3,3% des voix. En 2007, petite progression : 5%, mais recul en 2009 : 4,6%. Enfin, en mai 2012 : 16, 78%, ce qui place Syriza devant le PASOK (de 2005 à 2015, le score électoral du PASOK a été divisé par dix). Le rassemblement prend alors la forme juridique de « parti ». En juin 2012 : 26, 89% (plus de dix points de progression en un seul mois!). Pourtant, en 2013, Syriza connait une importante scission : le parti du plan B, qui préconise la sortie immédiate de l'UE. Puis vient en 2014 le programme de Thessalonique et en janvier 2015 la victoire électorale avec 36, 34% des suffrages.

4 Cent jours après sa victoire électorale, Syriza a prouvé qu'un parti de gauche honnête peut gouverner, même dans les pires conditions, opposé à des barbares qui voudraient continuer de saigner à blanc le peuple Grec, ce parti peut tenir bon et commencer à appliquer son programme.

A) Vote de la loi contre la catastrophe humanitaire : ATHENES, 3 mars (Reuters) - Le gouvernement grec a soumis mardi aux députés un projet de loi prévoyant entre autre la gratuité de l'aide alimentaire et de l'électricité pour plusieurs milliers de foyers touchés par la crise, donnant à sa première initiative législative une portée symbolique face à ce qu'il qualifie de "crise humanitaire". Il faut souligner que la « Troïka » a protesté et menacé en opposition à ce programme qui permettait simplement la survie des catégories populaires les plus touchées !

B) Le projet de décision interministérielle pour la couverture maladie des personnes non assurées est publiée depuis le 30/04 sur internet, ouverte au débat électronique public jusqu’au 11/05 (http://www.opengov.gr/yyka/?p=1202). Elle prendra effet immédiatement après et sera publiée au journal officiel.Dans le préambule de cette loi (signé par le ministre délégué à la Santé Andréas Xanthos) il est fait mention de la crise humanitaire que traverse le pays et de l’urgence d’autoriser l’accès à la totalité des soins médicaux et pharmaceutiques aux personnes privées de couverture maladie.

C) Réouverture de la télévision. Le 12 juin 2013 au matin, la fermeture de toutes les chaines publique de télévision a été annoncée, pour le soir même. Le ton triomphaliste avec lequel le porte-parole du gouvernement, Simos Kedikoglou, a fait cette annonce était particulièrement choquant. Au parlement, le projet de loi « Règles pour l’organisme public de radio-télévision (ERT), société anonyme », qui prévoit sa réouverture pour le 11 mai, a été voté en majorité par la coalition de la gauche radicale et des Grecs indépendants. Quelques socialistes du Pasok et de la Rivière ont également approuvé la réouverture, tandis que le parti de droite Nouvelle-Démocratie s’y est opposé. La nouvelle loi ne fait pas que relancer l’émission de programmes, elle prévoit également la réintégration des 1 550 employés licenciés en 2013. La loi stipule également que « le coût de la ERT s’élève à 60 millions d’euros par an et qu’il sera couvert par la redevance qui a été fixé à 3 euros par mois ».

D) Audit de la dette. Début avril la présidente de l’assemblée, Zoi Konstantopoulou annonce, au cours d’une conférence de presse, la création de la « Commission pour la Vérité sur la dette grecque ». Composée d’une trentaine d’experts bénévoles, grecs et étrangers, cette commission va s’atteler dans un premier temps à décrypter les dettes contractées par le pays depuis 2010, qui représentent aujourd’hui environ 4/5e du poids total de la dette publique grecque. Elle rendra ses premiers résultats fin juin, avant de poursuivre l’audit sur le reste de la dette, d’ici à la fin de l’année.

E) Lutte contre la corruption. Le gouvernement se bat sur tous les fronts, il attaque les requins grecs et étrangers devant la justice. Je ne rapporte ici que trois exemples. 9 mars 2015. Scandale Siemens/OTE, procès pour 64 suspects, dont 13 allemands. Parmi les 64 suspects, 13 sont des ressortissants allemands, cadres de la société mère. SIEMENS aurait versé une estimation de 70 millions d'euros pour décrocher un contrat et pour numériser le réseau de télécommunications public grec de l'époque, OTE. Le contrat "Convention 8002" avait été signé en 1997. Parmi les suspects, l'ancien homme fort de SIEMENS HELLAS, Michalis Christoforakos, qui s'est enfui en Allemagne et que les autorités allemande avaient refusé d'extrader vers la Grèce sur demande des autorités grecques. Les accusations font référence à du "blanchiment d'argent" et à de la "corruption active et passive". 27 mars 2015. Sous-marins allemands, missiles russes et corruption : procès pour 32 personnes. Trente-deux personnes seront envoyés en procès sur des accusations de crime se référant à des pots de vin et à du blanchiment d'argent dans le cadre de l'achat de quatre sous-marins à la société allemande Ferrostaal. L'affaire avait été dévoilée le mois dernier par le nouveau ministre adjoint de la Défense Nikos Toskas. Avril 2015. Evasion fiscale. L'oligarque Leonidas Bobolas sous mandat d'arrêt. Bobolas est le directeur général de Ellaktor, une importante multinationale grecque dans la construction. Il est accusé d’évasion fiscale et le blanchiment d’argent.

5 Syriza a prouvé qu'un certain nombre de nos débats abstraits ne sont pas pertinents.

"Mais je dois dire aussi que cette expérience de pouvoir est une occasion extraordinaire pour mettre en œuvre ce que, comme personne de gauche, j'ai pu dire pendant des années. Il faut bien avouer que tant que nous n'étions pas au pouvoir, c'étaient un peu des mots dans le vent ! Maintenant, il s'agit de mettre en pratique ce que nous avons enseigné, c'est un défi immense". (Euclide Tsakalotos, ministre délégué aux relations économiques internationales du gouvernement Tsipras et désormais coordinateur de l'équipe des négociateurs à Bruxelles.)

Peu importe que l'on qualifie un mouvement de révolutionnaire ou de réformiste, de radical ou de social-démocrate. On doit regarder ce que fait ce mouvement, s'il lutte avec courage et loyauté pour le peuple. Dans l'environnement international capitaliste, un tel comportement exige beaucoup d'intelligence, de ruse, mais avant tout de force de caractère et de dévouement pour le peuple. Syriza nous montre que l'opposition « sortir de l'UE » ou « réformer l'UE » n'est pas pertinente. Les gouvernements sont étranglés par des règles financières nationales, régionales et internationales complexes, spécialement du fait de la construction européenne qui est politiquement et socialement perverse. Sortie de l'UE, conciliation, explosion de l'UE, le combat tranchera, l'avenir proche donnera la réponse.

6 La Voie Syriza est celle de la démocratie

Exactement au sens que donne à ce mot le philosophe Jacques Rancière : "La démocratie n’est ni cette forme de gouvernement qui permet à l’oligarchie de régner au nom du peuple, ni cette forme de société que règle le pouvoir de la marchandise. Elle est l’action qui sans cesse arrache aux gouvernements oligarchiques le monopole de la vie publique et à la richesse la toute puissance sur les vies. Elle est la puissance qui doit, aujourd’hui plus que jamais, se battre contre la confusion de ces pouvoirs en une seule et même loi de la domination"

Cette voie est en complète opposition avec celle des dirigeants européens qui en viennent à se prononcer explicitement contre toute démocratie.

« Dire que tout va changer parce qu’il y a un nouveau gouvernement à Athènes, c’est prendre ses désirs pour des réalités », déclare Jean-Claude Juncker, qui lâche ces mots, résumant toutes les limites de la démocratie dans l’Union européenne : « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens. »

Pour terminer me vient une brève maxime que, me semble-t-il, on attribuait au général Giap : « Qui ose, vaincra ». À la tête de l'armée de libération du Vietnam, Giap a battu l'armée des USA.

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