Chère Martine,
Membre (inquiet) du Parti de Gauche, partisan ancien et constant de Jean-Luc Mélenchon, je te remercie pour cette longue et intéressante analyse, que je ne partage pourtant pas, sur bien des points. Je le signale ici de manière à la fois trop longue et trop concise.
A) On ne peut pas caractériser la période comme simplement un recul des perspectives. Depuis 2008 nous assistons à un bouillonnement extraordinaire sur toute la planète. Manifestations de masses (Espagne, Turquie, Brésil), renversement de dictatures (Tunisie, Egypte), évènements électoraux (Bolivie, Venezuela, Grèce), mouvements populaires (Irak, Liban, Israël) divers. Certes, ces mouvements échouent, en tout ou partie, mais ils renaissent là, ou ailleurs. Le cas Grec est exemplaire. On ne peut pas analyser ce qui s'est passé, simplement comme une défaite. L'existence de Syriza a été un immense succès : il est donc possible d'avoir une gauche radicale unie. Le succès électoral de janvier a été un immense succès : une gauche radicale unie peut donc gagner. Ce sont là des évènements sans précédents. La défaite de juillet porte une précieuse leçon : sans « plan B », on ne peut pas négocier de « plan A ». Analyser la période comme un recul entraine une sous estimation de nos responsabilités et de nos fautes.
B) Dans la situation française, l'absence de mouvement de masse aussi profond ne doit pas être analysée de manière uniquement négative. C'est aussi, de la part des travailleurs français, une preuve de maturité. Le peuple français a créé, en 1968, le plus grand mouvement de grève du XXième siècle, dans le monde. Faute de perspectives politiques, ce mouvement n'a débouché sur à peu près rien. Je crois que le peuple français ne se lancera dans la bataille que s'il y a une perspective politique.
C) De ce point de vue, la seule nouveauté dans le paysage des dix dernières années, après le vote NON de 2004, c'est la formation du PG. Mais la plupart des difficultés que tu relèves ont pour origine, à mon avis, des fautes politiques du PG. J'en liste quelques unes, sachant que bien sûr, cela se discute.
1) Le mode de fonctionnement du PG est beaucoup trop laxiste. Est-ce que la direction dirige ? Y a-t-il même une direction ? Les négociations pour les régionales ont été menées avec des faiblesses criantes, région par région. En conséquence des départements entiers ont tranquillement décidé de ne pas faire campagne ! Une conséquence politique calamiteuse de ce fait est l'humiliation des gens de EELV qui nous ont fait confiance et se retrouvent à poil devant leur direction qui clame « l'opposition de gauche est une impasse » ! Le renoncement au centralisme bureaucratique ne devrait pas être l'instauration du foutoir généralisé !
2) La formation des cadres devrait être la priorité des priorités. La « parité obligatoire à tous les échelons » a en particulier cette conséquence de mettre la question de la formation politique au nième rang.
3) En effet, le FdG est aujourd'hui un boulet, du fait de l'attitude de la majorité de la direction du PCF. Le PG aurait dû réagir immédiatement. Il ne fallait pas accepter le refus de l'adhésion directe. Il fallait prendre acte de la fin du FdG lorsque Pierre Laurent s'est présenté sur la liste socialiste à Paris. De même après les régionales. Cette question est gravissime, car elle montre que le PG ne souhaite pas vraiment se construire : il attend l'essentiel … de la bonne volonté du PCF, qui le balade. Le PCF, de son côté, ne souhaite pas l'opposition de gauche, il attend l'essentiel d'un redressement du PS.
4) le fait que des « listes citoyennes » n'aient pas pu s'imposer aux régionales ne vient pas seulement de l'attitude « du peuple » ni de l'opposition du PCF. Même dans ces conditions, il y a des différences notable d'une région à l'autre. En PACA, le combat pour une liste citoyenne a duré ce que durent les roses. Deux semaines. En Languedoc Roussillon, on y a cru davantage et il y a eu CINQ fois plus de signatures. Dans certains endroits, NOUS (PG) avons baladé ces « citoyens », tôt laissés sur le bord du chemin.
5) La prise de distance de Jean-Luc Mélenchon est une faute. JLM dépasse de la tête et des épaules, en valeur politique, la plupart des hommes et femmes politique de ce pays (droite et gauche). S'en priver comme dirigeant du PG est une faute lourde. Toutes ces fautes du PG ont la même origine, une trop grande sensibilité envers les mœurs petit-bourgeois à la mode.
D) La question de la présidentielle et des législatives est évidemment très importante et, en particulier, la candidature de JLM s'impose d'elle-même pour quiconque, à gauche, a un peu de bon sens. Mais la discussion en cours doit dépasser cette échéance, car le plus probable (je ne dis pas que c'est la seule possibilité, tout est possible, y compris la victoire de Le Pen, celle de Hollande, ou même la notre), malheureusement, est que nous perdrons (en partie du fait de nos lourdes erreurs) et que la France élira un homme de droite, qui aggravera les régressions sociales. Mais il y aura un après 2017 et la construction d'une opposition de gauche est nécessaire quoi qu'il arrive.
E) la tâche du PG serait de se construire avec allant et discipline, de mettre en place une robuste école de cadres, d'aller aux masses, sur les marchés, dans les cités, chaque dimanche, de parler aux gens, aux abstentionnistes, de faire reculer l'influence du FN dans le peuple. Mais je ne crois pas que le PG puisse accomplir ces tâches, hélas. Par contre, il existe, du fait même de l'état politique lamentable du PG, du PCF, de EELV, du NPA, de très nombreux « groupes indépendants ». Tu en connais certains. Il y a le groupe des « Amis du FdG » à Marseille, il y a le groupe issu de la liste « Faisons Ensemble » (Joseph Boussion), il y a un groupe en Normandie (Isabelle Attard), il y a Nanterre, il y a de très nombreux groupes partout.
Nous sommes quelques uns a mettre en place, depuis fin décembre, donc très dernièrement, le simple réseau de ces groupes, dans le respect de leur indépendance, sans chercher à mettre en place un parti de plus. Le but du réseau est d'apporter une contribution à la construction d'une opposition de gauche. Nous serions très heureux que tu visites la maquette de notre site http://reseau-citoyen.fr dans les jours et les semaines à venir. Nous tenons une petite réunion ce vendredi, à 18h, après demain, à Paris. Si tu veux y passer, c'est dans un café (2bis rue des écoles) non loin du métro Jussieu.
Fraternellement, JPB