Lorsque nos médias s'esbaudisent du plan Hollande, Ayrault, Valls, dit "pacte de compétitivité" qui offre quelques dizaines de milliards aux grandes entreprises, ils résument l'affaire en écrivant "François Hollande assume un virage Social-Démocrate".
L'oubli du sens des mots et plus spécialement l'oubli du sens originel des mots fait partie, selon George Orwell dans "1984" des moyens de la tyrannie absolue.
Il y aurait donc, de gauche à droite, le communisme, le socialisme, la social-démocratie, le social-libéralisme, la démocratie sociale, etc (plus à doite, la confusion est d'une autre nature).
Je propose un "choc de simplification", moi aussi. Il y a ceux qui sont favorables à "la loi du marché", c'est à dire à la soumission absolue aux voracités du Capital, et ceux qui sont favorables au renversement de la dictature du capital.
Donc seulement deux partis.
En première approximation, il me semble que nous avons, dans le premier camp, le PS, l'UDI, l'UMP et (de manière sournoise et dissimulée) le FN.
Dans le deuxième : le FdG, le NPA et probablement quelques autres groupes politiques.
Et les Verts me direz-vous ? Pour les verts, c'est compliqué. En fait c'est compliqué pour presque tous les partis du deuxième camp. On peut admettre, allez, que le NPA est clairement pour le renversement du pouvoir du Capital. Pour le PCF, c'est plus difficile à dire. C'est un parti qui, par moments, ne sait plus "où il habite", mais enfin, en gros, on doit considérer qu'il est anti capitaliste. On doit pouvoir affirmer la même chose, même peut-être en s'exprimant de manière plus nuancée, pour le PG. En ce qui concerne le PS, il est possible que certains adhérents du PS soient anticapitalistes, même si la direction est très largement purement pro capitaliste. Et alors les Verts... vous imaginez mon embarras. Mais enfin, pas mal d'écologistes comprennent que tant que les lois "du marché" domineront, l'environnement n'a aucune chance...
Mais je reviens sur ce mot "social-démocrate" pour le défendre. Les mots ont tellement dérivé durant le dernier siècle ! Les "Socio-démocrates", de 1880 à 1914, c'était les Socialistes, favorables à la propriété collective des moyens de production. Bien évidement, favorable au renversement du pouvoir du Capital.
Les "socio-démocrates" se donnaient comme moyens d'action le vote, la grève générale, les manifestations. Ils s'opposaient aux Blanquistes (qui voyaient la "prise du pouvoir" comme le résultat d'un "coup de main") et aux anarchistes. Ils étaient (en gros) marxistes et si on les avait appelés "communistes" cela ne les aurait pas effarouchés. Mais il s'agissait plutôt d'un épouvantail agité par la bourgeoisie : "les collectivistes". Comme, aujourd'hui, on dit "les populistes".
Le type du social-démocrate était Jean Jaurès. Il se disait socialiste indépendant, pour se tenir à l'écart de polémiques parfois abstraites et sectaires animées par Jules Guesde. Jean-Jaurès était favorable à l'abolition du patronat et du salariat. C'est à cette époque que la Confédération Générale du Travail a adopté la Charte d'Amiens, dans laquelle d'une part, elle s'affirme indépendante des partis, et d'autre part, se donne pour objectif, elle aussi, la fin du patronat et du salariat.
Les choses se sont compliquées avec la question de la participation (de Millerant) à un gouvernement "bourgeois". Cette participation s'est révélée une profonde capitulation, et Millerant a terminé sa carrière en bourgeois "de droite". Jaurès avait été défavorable à la participation de Millerant, mais finalement, il l'a défendue.
Et puis les socio-démocrates français et allemands (même les plus "durs" comme Jules Guesde) ont voté les crédits de guerre en 1914 ce qui, étant données les conséquences, doit être considéré comme un crime tout à fait impardonnable. Personne ne peut savoir si Jaurès aurait finalement lui aussi capitulé, puisqu'il a été assassiné. Toujours est-il que Jaurès ne s'est JAMAIS déclaré favorable au vote des crédits de guerre.
Ensuite la dégringolade de la SFIO a été rapide. 25 ans plus tard, la majorité des députés socialistes votaient les pleins pouvoir à Pétain. 10 ans après, Guy Mollet dirigeait la répression en Algérie, etc.
Mélenchon dit qu'il est un jauressien. Ça tient la route. Social-démocrate, au sens de 1900-1914, n'est certes pas une injure : c'était, à l'époque, de VRAIS socialistes, ni sectaires, ni opportunistes. Ils ont trébuché sur la question de la participation de Millerant, et puis ils se sont flingués avec le vote des crédits de guerre.
Mélenchon a dit qu'il ne participerait qu'à un gouvernement qu'il dirigerait, ou bien où sa tendance serait majoritaire. Vu sous cet angle, ce n'est pas une participation "à la Millerant"...
Ce qui est certain c'est qu'on est pour "la loi du marché" (c'est à dire la dictature du capital) ou bien on est pour le renversement du pouvoir du capital. Je ne crois pas qu'il y ait de "troisième voie" et depuis cent ans au moins, personne n'en a trouvé...
Ici, ou bien là. C'est la question qu'il faut poser aux adhérents et aux dirigeants de "Nouvelle Donne", histoire de voir si ce ne serait pas plutôt "Vieille Combine". Il faut unir le plus largement possible... ceux qui sont opposés à la dictature du capital.
Alors moi, je ne me sens pas (plus) pleinement marxiste. Je crois que la démocratie (au sens de Jacques Rancière, une force, plus qu'une forme) peut renverser le pouvoir absolu du Capital, mais je ne crois à aucune FIN DE L'HISTOIRE. Autrement dit, un certain degré d'inégalité (le facteur 20 proposé par le FdG) dans les salaires et dans les patrimoines, me semble acceptable, et l'initiative privée, l'entreprise à taille humaine, me parait compatible avec une société vivable. Le mot "social-démocrate", me va. Je suis Social-Démocrate !