boudinovitch (avatar)

boudinovitch

Abonné·e de Mediapart

80 Billets

2 Éditions

Billet de blog 28 mars 2015

boudinovitch (avatar)

boudinovitch

Abonné·e de Mediapart

Le Piège Le Pen

boudinovitch (avatar)

boudinovitch

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Nous sommes nombreux, à gauche, qui souhaitons pouvoir opposer aux droites une formation, Front, Rassemblement, Cartel, susceptible de défendre et d'avancer les conquêtes sociales, susceptible de s'opposer aux diktats du Capital. 

Bref, nous souhaitons réaliser en France ce que les gauches grecques ont réussi en fondant SYRIZA. Les partis de gauche, NPA, PCF, PG, Ensemble, ND, EELV ont beaucoup en commun et le rassemblement a déjà commencé. Les divergences sont très souvent surestimées. Ce qui concerne la politique internationale, qui se focalise sur le cas de l'Ukraine, est caricatural. Personne n'est pour la guerre... Les différents partis de gauche n'ont pas tous exactement la même attitude vis-à-vis de la communauté européenne et des traités. Mais notons-le : c'est aussi le cas à l'intérieur de Syriza et leur comportement prend des allures de démonstration. Rien n'empêche de partir de la position la plus modérée et d'expérimenter, du moment que l'on ne cède pas sur le programme social.

Pour citer encore un exemple, un mot sur le nucléaire. Des écologistes trouvent la position du PCF trop modérément anti nucléaire. Pourtant, le PCF (et a fortiori les autres composantes de la gauche) reconnait la dangerosité des centrales, le problème des déchets, et la nécessité de la transition énergétique. En outre, les dirigeants de EELV ont tout dernièrement (et peut-être pour certains... prochainement) participé à un gouvernement du PS résolument productiviste et pro nucléaire, ce qui doit inciter tout le monde à la modération et au débat.

L'unité à gauche est donc possible. Mais elle se fait trop lentement et avec trop de réticences. Pour qu'un rassemblement de gauche représente aux yeux du peuple une véritable option, il faudrait, ou il aurait fallu, qu'il soit formé plus tôt. On doit donc envisager que les finalistes de la prochaine élection déterminante, la présidentielle, soient deux partis de droite, et que, dans la foulée, nous ayons à l'Assemblée Nationale une nouvelle majorité de droite.

À mes yeux, cela ne diminue pas l'intérêt du rassemblement de la gauche. Je crois plutôt que nous devons acquérir l'armement politique nécessaire à la formation de ce rassemblement dans toutes les hypothèses, y compris celle-là.

Or précisément, les forces idéologiques de la droite vont tenter de faire que cette perspective de victoire de la droite empêche le rassemblement de la gauche. On voit bien, dès maintenant, le sens de la manoeuvre : "Faites échec à une droite (FN, UMP, UDI) en soutenant une autre droite (PS)".

Mais l'alternative, en 2017, sera plus précise. En deux temps "Votez PS, pour qu'il soit au second tour" et ensuite : "Votez Juppé (ou Sarko) pour battre Le Pen".

Mon point de vue c'est que le rassemblement de la gauche ne doit, ni au premier tour, ni au second, soutenir l'un des trois partis de droite : PS, UMP-UDI, FN.

Dans une telle circonstance, beaucoup de nos électeurs voteront, cela va de soi, et il ne s'agit pas de les stigmatiser. Mais les partis du rassemblement ne doivent à aucun prix appeler à voter pour un parti de droite.

Cette position est aujourd'hui assez partagée, sauf par quelques dirigeants du PCF pour qui le PS reste "à gauche", et peut-être même que Juppé leur semble plus "Républicain" que Le Pen...

Mais au fur et à mesure que l'on s'approche de l'élection, il sera de plus en plus difficile de se tenir à ce principe : pas d'appel pour un parti de droite, en aucune circonstance.

Je veux dire quelques mots pour justifier ma position. Le programme de la droite, dans une période où le capitalisme est économiquement aux abois, mais politiquement plus fort que jamais, c'est pour résumer, la destruction de toutes les conquêtes sociales. Celles de la résistance, celles de 36, et d'autres encore. C'est, comme le dit Paul Jorion, d'amener le salaire d'un travailleur français au niveau ("charges" comprises !) de celui d'un travailleur du Bengla-Desh. Et c'est aussi, au nom de la lutte contre "le terrorisme", l'écrasement des libértés démocratiques : Big Brother.

Le PS a fait quelques pas dans ce sens, mais on voit bien qu'il est gêné aux entournures : ses électeurs le lâchent, ça ne l'aide pas...

Ce programme est, j'en suis certain, celui du Front National (c'est d'ailleurs exactement l'ancien programme de Jean-Marie Le Pen), même s'il prétend le contraire... Et la déclaration de Sarkozy, au soir du premier tour, était très intéressante : "Ne votez pas pour le FN, qui a exactement le même programme que l'extrême gauche, et qui a applaudi à la victoire électorale du parti Grec de l'extrême-gauche" !

On pouvait rire d'entendre le chef de la droite valider le discours gauchiste de l'extrême droite... Mais il n'y a pas de quoi rire. En effet, une bonne partie du "succès" du FN tient à son discours social démagogique. Si bien que, à supposer que Marine Le Pen gagne la présidentielle (ce qui n'est pas impossible), et qu'elle trouve une majorité à l'AN pour gouverner (ce qui se peut, avec des ralliements divers), elle devra faire comme François Hollande : trahir ses électeurs. Et c'est toujours une source de problèmes.

Car elle ne fera pas le ménage des emmigrés illégaux : trop de petits patrons en ont besoin. Et elle n'instaurera pas un régime fasciste. Le fascisme, c'est la guerre contre les syndicats, contre les partis de gauche, guerre menée par des milices aguerries... Où sont les milices ? Et le fascisme, c'est la remise en route de l'économie sur la perspective d'une grande guerre. Quelle guerre ? Le fascisme, cela s'appuie sur une police fasciste et sur une armée coopérant avec le fascisme. Rien de tout cela n'est facilement réalisable en France dans un avenir prévisible. Dans l'état actuel des choses, soit Le Pen nous servirait un gouvernement conservateur à la Orban (avec quelques mesures "sociétales" réactionnaires et quelques "blanchiements" celtisants des médias), soit elle tenterait davantage et précipiterait le pays dans une situation chaotique très aléatoire pour son camp.

Le parti le mieux placé pour réaliser le programme ultra réactionnaire du Capital, c'est l'UMP. Ce parti n'est pas ambigü. Il ne se prétend pas "social". Juppé ou Sarkozy au pouvoir n'auront pas besoin de plus de quelques mois pour ramener la situation sociale et démocratique de la France un siècle en arrière. 

Cette analyse ne m'est bien sûr pas propre : on ne dit pas autre chose dans les déjeuners du Siècle (référence au restaurant où déjeunent un paquet de banquiers et d'hommes de presse, évoqué dans "Les Nouveaux Chiens de garde").

Dès lors, les risettes de la presse à Marine la blonde et au FN en général ne visent pas à l'accompagner jusqu'au pouvoir, mais plutôt à nous faire "choisir", comme étant le moindre mal, ce qui est en réalité le pire.

Construisons une force de gauche, avec quelques éléments significatifs de programme, quoi qu'il arrive et quelques soient les pressions : et en face, quels qu'ils soient ils devront compter avec notre résistance.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.