Il y a un souci qui gâte le goût de la soupe de truffes au dîner du Siècle*, c'est la primaire. Au départ, mon ami et ancien élève Cambadélis appréciait l'idée, bien dans le prolongement de son (déjà oublié) "Référendum pour l'unité de la gauche". Il ne s'agissait alors que d'entraver des candidatures de gauche aux régionales. Cette fois, il s'agit, dans l'idée de Daniel Cohn-Bendit, d'isoler Jean-Luc Mélenchon dans une impasse, du fait de son : "Moi je n'irai pas à la primaire !". Seulement, diviser la gauche radicale, avec des partenaires comme Pierre Laurent, c'est du nanan. Bloquer JLM est plus compliqué. En outre, pour le bon peuple qui ne sait pas la malignité des stratèges du PS (ou assimilés), la primaire apparaît plutôt comme une mise en cause du candidat François Hollande. Qu'un président sortant ne soit pas le candidat naturel de son parti pour la prochaine élection, cela ne s'est jamais vu en cinquième République.
Du coup, Cambadélis ne comprend plus la manoeuvre de Daniel Cohn-Bendit : oui, il faut frapper sa gauche, mais en épargnant sa droite. Disqualifier Mélenchon, mais sans écarter Hollande. Dans ce cas, la "Primaire" ne concerne que ce qui est à gauche de Christian Paul, Benoît Hamon et Arnaud Montebourg.
N'ais-je pas oublié EELV dans mes considérations ? Oui, la "Primaire" intéresse également Emmanuelle Cosse, cette dirigeante d'un parti dont la droite est partie du côté de Valls, et la gauche du côté de ...la vraie gauche. Emmanuelle est au centre. Mais avec qui ?
Et puis voilà, Jean-Luc Mélenchon n'a pas varié dans sa position, qu'il défend depuis presque dix ans : les primaires sont comme le PMU : on vote pour le mieux placé, peu importent les idées. La primaire du PS qui a décidé du candidat de 2012 a désigné, avec l'appui massif des médias, le pire des candidats, celui qui n'avait aucune expérience de gouvernement et qui a démontré depuis son incalculable incompétence. Est-ce que cela devrait faire envie d'y aller ?,
Les Médias vont donc nous parler, c'est leur rôle, tous les jours du feuilleton "La Primaire". Mais peut-on, en soufflant fort, gonfler un ballon crevé ? C'est peu probable.
Pourtant, les inventeurs de "La Primaire" ont ajouté quelque chose d'intéressant : avant de choisir le candidat, on va, voyez-vous, discuter de la plateforme. Autrement dit, cette fois, on ne va pas improviser un "Discours du Bourget", on va l'écrire pour commencer.
Gérard Filoche l'esquisse, ce discours, sur son blog :
En même temps, vite, on peut commencer à définir une pré-plateforme commune éco-socialiste : c’est possible si elle prévoit la rupture avec l’austérité, une relance pour combattre le chômage de masse, une profonde réforme bancaire et fiscale, une redistribution des richesses en commençant par la hausse des salaires et des minimas sociaux et la taxation des dividendes, par le combat frontal contre la fraude fiscale, par la reconstruction d’un fort droit du travail, le contrôle des licenciements et la baisse de la durée du travail, la retraite à 60 ans, l’extension des services publics et de la sécurité sociale, et un ensemble de mesures démocratiques qui engagent vers une VI° République sociale, laïque, parlementaire, écologique, féministe, internationaliste.
Eh ! On peut critiquer cette esquisse, c'est très vague ("une relance", quel genre de relance ? "une profonde réforme bancaire", quel genre de réforme ?) mais ce n'est pas si mal ! Et quelque chose saute aux yeux : "la rupture avec l’austérité" et tout le reste, c'est tout à fait contraire aux traités européens. Doit-on comprendre que Gérard Filoche serait un partisan du "Plan B" ? D'ailleurs le programme de Filoche ressemble à celui de Tsipras, en Janvier 2015 (le programme de Thessalonique) ! Et ... cette plateforme ... serait reprise par Cohn-Bendit, par Christian Paul, par Benoit Hamon, par Arnaud Montebourg (les deux derniers, anciens ministres de Manuel Valls), tous absolument fétichistes du respect des règles de l'Union Européenne ?
Qui peut sérieusement le croire ?
Je recommande donc à mes camarades de ne pas refuser le débat sur cette "plateforme". Cela ne peut que mettre en évidence l'inanité du projet qui voudrait confier quelque chose de progressiste à des "frondeurs" de pacotille qui ont cent fois prouvé leur servilité aux exigences libérales.
Car la plateforme de Filoche, il n'y a, dans ce pays, qu'un homme politique qui puisse lui donner os, chair et sang, la faire vivre, et c'est Jean-Luc Mélenchon, qui porte et développe de telles idées depuis des années, et a donné assez de preuves de sa constance comme de sa droiture.
Mélenchon sera l'an prochain le candidat de la vraie gauche. Le dernier sondage IFOP de popularité des hommes politiques le mentionne seul de son camp (ni Pierre Laurent, ni Clémentine Autain, ne figurent dans la liste) et le met nettement au dessus de Montebourg, de Hollande, de Duflot.
Parmi les défenseurs de "La Primaire", certains veulent de bonne foi donner la parole à des citoyens qui ne sont pas membres des partis politiques. C'est le cas de Thomas Piketty et de quelques autres, et cette aspiration est mille fois légitime.
On doit souhaiter, en effet, que comme en Espagne, où les partis de gauche, Podemos, Izquierda Unida, sont accompagnés, complétés et parfois contredits par des cercles citoyens nombreux, actifs et puissants, une VAGUE CITOYENNE, naisse aussi en France. Le mouvement s'amorce. En Aquitaine et Limousin, avec "Faisons Ensemble", en Normandie avec le Comité Local d'Action Politique, à Marseille avec "Les Amis du Front de Gauche". Que ces cercles se multiplient et le changement politique sera vraiment en route.
Dire, aujourd'hui, qu'il faut en 2017 à la présidentielle un candidat qui soit nouveau et jeune, cela n'a pas d'autre sens que de souhaiter écarter le seul candidat qui peut porter la gauche au second tour. Par contre, il faut que de ce combat, maintenant, dans la vague citoyenne française, émerge la nouvelle génération qui prendra place au premier rang après 2017.
Le bon Gérard Filoche a un argument pour justifier son attachement absurde aux vieilles lunes de ce PS, il répète : "Le grand remplacement n'a pas eu lieu". Il a raison : nous devons accomplir le grand remplacement, maintenant.
Faisons en sorte de gâcher la sauce du Turbotin aux Algues de ces Messieurs (servi à la Closerie des Lilas).
* Le Siècle passe pour être le restaurant chic où patrons de presse et grands de la Banque mettent au point quelques axes tactiques mensuels de l'Oligarchie régnante...