4 invités, un journaliste, 3 reportages, une table ronde et des idées carrées. C’est le dispositif de « C dans l’air », émission animée par Yves Calvi sur France 5. Celle de Mardi soir était consacrée à la montée en puissance de l’extrême gauche. Son titre : Besancenot en embuscade. Souvent, l’émission est éclairante. Celle-ci le fut aussi. Surtout des clichés et des a priori qui animaient les intervenants.
Un titre, c’est un cadre, un paradigme. Innocent ou pas, le choix d’Yves Calvi fixait les angles de la réflexion qu’il entendait conduire. En effet, Besancenot en embuscade n’est pas qu’un titre provocateur. Depuis toujours, le fantasme agité est celui de la taupe rouge qui creuse souterrainement sa galerie pour surgir où on ne l’attend pas. Cette fois, les vilains trotskistes prennent l’air et se tiennent en embuscade pour organiser un guet apens. Sur quoi ? Le mouvement social naturellement. Après tout, ca ne mange pas de pain de le laisser entendre puisque François Chéréque a qualifié Besancenot de « rapace ». Et chacun sait que l’animal fait son gras sur la pourriture. Tout cela parce que le NPA a entrepris un travail de mobilisation et d’implantation dans les entreprises. Ce qui est son droit, comme celui de tous les partis qui le désire. Le NPA n’a pas, pour autant, l’intention de remplacer les syndicats dans leurs rôles. Il souhaite juste constituer une alternative là où d’autres préfèrent une simple alternance.
Les invités sont rapidement tombés d’accord pour estimer que la crise est pain bénit pour le NPA. Heureusement, personne n’a osé aller jusqu’à dire qu’il l’avait provoqué pour prospérer. Mais par moment, on n’en était vraiment pas loin. Faut il avoir peur de l’extrême gauche a demandé Yves Calvi. Oui et non ont répondu les intellectuels.
Non, parce qu’en substance, le pouvoir ne l’intéresse pas ont-ils répondu, chacun à sa manière. La preuve, il ne veut pas s’allier avec le PS et n’aspire pas, contrairement au Front de Gauche (PCF + PG) à avoir des élus. Aucun n’a évoqué le fait que l’ex LCR compte une centaine d’élus municipaux obtenus sans alliance avec les socialistes. Aucun n’a évoqué l’absence de proportionnelle dans le mode de scrutin.
Oui, parce qu’à défaut de prétendre au pouvoir, le score du NPA peut empêcher le PS d’accéder au pouvoir. Voilà donc la grande affaire. « L’extrême gauche préfère toujours combattre le social traite » a même doctement expliqué l’un d’eux, occultant le fait que pour « battre la droite » au second tour, la LCR a toujours appelé à voter pour le candidat le plus à gauche. Mais peu importe, seul la mauvaise foi importe. C’est pourquoi, on peut dire qu’avec Besancenot, Sarkozy va faire à la gauche, ce que Mitterrand à fait à la droite avec le FN. Une fois encore, les penseurs, dans une logique mécanique, ont instillé l’idée qu’un éventuel succès du NPA dépendait moins de ses propositions que des manœuvres élyséennes. Pour eux, un électeur qui vote PS manifeste une adhésion, tandis que celui qui vote extrême gauche exprime d’abord un ras le bol. Le gauchisme reste, pour ses messieurs, la maladie infantile du communisme et les propositions du NPA « un archaïsme ».
D’ailleurs pour nuancer les intentions de vote – 9% pour le NPA aux européennes selon les sondages – l’un d’eux a ajouté : « De toute façon, les européennes ne sont pas de vraies élections ». Tiens donc. On va donc voter mais ca ne compte pas vraiment. Ca ne veut rien dire, ou alors c’est juste l’expression d’une colère, d’une inquiétude. L’inquiétude étant d’ailleurs ce qui caractérise les enfants qui ont peur. L’électeur socialiste lui est rationnel, droit, réaliste. L’électeur d’extrême gauche, lui, à peur. C’est à mourir de rire.
Il s’en est même trouvé un pour dire que les 18% d’intention de votes pour la gauche de la gauche (LO 3%, Front de Gauche 6%, NPA 9%), cela correspondait en gros au 20% que le PCF pesait encore dans les années 80. Ainsi, après avoir applaudit à la disparition de ces électeurs recycler par le parti socialiste – après tout, l’union de la gauche n’était elle pas le moyen par lequel François Miterrand a piéger et tuer le PCF – revoici, que sortant dont ne sait où, les 20% réapparaissent. Pourtant, le PS est toujours dominant. Mais cela n’intéresse pas ses messieurs de constater qu’en réalité, la nouvelle radicalité des électeurs fait crédit à l’extrême gauche dont désormais, au moins verbalement, certaines analyses sont reprises face aux dévastations provoquées par l’amplification de la crise.
A « C dans l’air », on apprend tous les soirs quelque chose. L’autre soir, on a appris que les clichés ont la vie dure et les maitres penseurs des œillères.