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Billet de blog 11 décembre 2008

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Airbus/Boeing: la face cachée d'un duel de titans

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Autrefois, on appelait cela l’espionnage industriel. Aujourd’hui, on parle d’intelligence économique. Dans les deux cas, il s’agit de tout savoir de son environnement d‘affaire, de ce qui se passe chez soi mais aussi chez ses concurrents. Cette pratique est légale dés lors que les documents obtenus ne sont pas le produit d’un vol. Airbus,comme Boeing, opèrent donc une veille permanente en utilisant tous les outils possibles. Par exemple, Internet, mais aussi les infos publiées par la presse spécialisées, les propos tenus dans des colloques et salons professionnels, les plaquettes, etc. Tout ce qui peut être compilé sert à produire une vision claire des forces et faiblesses du concurrence. Mais il est rare qu’à l’extérieur, on puisse observer la face cachée de cette guerre économique. Un internaute américain vient toutefois de mettre en lumière cet aspect du duel Airbus/Boeing pour la suprématie des airs. Sur son site, il publie un document sur Boeing détenu par le constructeur européen, document publié également par le magazine Challenge, le 5 Décembre dernier.

Cet internaute serait un spécialiste de l’aéronautique. Son nom, Jo Ostrower. Il publie sur son blog un document de 46 pages. Il montre, graphiques, schémas techniques, calendrier d’industrialisation et estimations de performances à l’appui, qu’Airbus a une connaissance fine de la production du Boeing 787 et de ses déboires, lequel est le concurrent direct de l’A 350. Boeing a d’ailleurs officiellement reconnu qu’il aura deux ans de retard dans la livraison de cet appareil déjà vendu à 900 exemplaires. Les vols d’essais n‘ont d’ailleurs pas encore eu lieu. Les raisons sont autant liées à la longue grève - presque trois mois - des mécaniciens de Boeing qu’à des questions d’intendances avec ses sous traitants.

La production de cet appareil est en effet la plus externalisée de l’histoire de l‘aviation. Quantité de ses pièces sont en effet fabriquées dans des sociétés basées dans le monde entier et notamment au Japon et en Italie, tandis que seul la conception, la commercialisation et l’assemblage ont lieu aux Etats-Unis. Ce qui signifie qu’au moindre accroc chez l’un de ses sous-traitants, toute la mécanique du puzzle se trouve enrayée. Jim McNersey, Directeur Général du groupe Boeing expliquait, il y a un an sur les antennes de RFI, que « les délais proviennent essentiellement des problèmes d‘approvisionnement par les sous traitants et de la non disponibilité des pièces et non de problèmes techniques ». Les premiers retards sont d’ailleurs dus à une banale pénurie de rivets.

Le document met ainsi en lumière la fragilité du processus de fabrication lié à un type d’organisation qu’Airbus, malgré ses dénégations, est en train d’appliquer, pour des raisons commerciales, à la production de ses avions, l’A 350 et l’A 380. Certaines pièces de ses deux appareils seront en effet fabriquées en Chine (fuselage et aérostructure) ou à Dubaî. La rétrocession de travail est aujourd’hui le moyen de prendre pieds sur des marchés émergents. Or, le document qu‘Airbus a entre les mains, baptisé « Boeing 787 lessons learnt » montre que Boeing paie un recours excessif à la sous traitante. Les partenaires ne sont pas assez épaulés et contrôlés par le donneur d’ordre mais, plus grave encore, certains ne sont pas à même de tenir les délais de production imposés pour des raisons étonnantes. Ils emploient des techniciens sans expérience dans le domaine aéronautique, « peu formés au job » et « peu payés ». Certains sous traitants ont des contrôleurs « débutants » ou « pas compétent ». Des partenaires japonais freinent des deux pieds pour investir et assumer ainsi la montée en puissance du programme.

Autant de remarques qui donnent du crédit aux syndicats d’Airbus lesquels pointent du doigt les risques d’une trop grande externalisation des charges de travail. Le document raconte aussi comment Boeing a sur-estimé ou sous-estimé certaines qualités de son appareil. Notamment l’autonomie de vol promise aux compagnies aériennes clientes ou le niveau réel de consommation de carburant. Deux éléments capitaux parmi d’autres dans le choix d’un avion. Deux arguments qu’Airbus peut naturellement utilisés à son profit dans les négociations avec les compagnies clientes.

Comme quoi, l’information est un outil stratégique, économique et politique dans la bataille du ciel que se livrent les deux géants de l’air.

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