C'est loin, c'est compliqué, c'est technocratique, et en plus ça fonctionne au consensus. Ce sont à mon avis, les quatre principales raisons qui expliquent le peu d'intérêt des électeurs pour les prochaines élections européennes.
Loin, pas tant que ça. Bruxelles, Strasbourg, ne sont pas au bout du monde. Mais, il est rare que les médias parlent de ce qui se débat dans l'hémicycle. Il y faut une directive choquante ou ubuesque pour être informé. Une directive, comme hier celle de Bolkenstein sur le travail en Europe, ou tout dernièrement, sur le vin rosé. Vu par les eurodéputés, le rosé serait un mélange de rouge et de blanc, alors qu'il s'agit, d'un procédé de vinification. La proximité n'est pas non plus assuré par les députés. Peu de gens connaissent le nom de leur député européen et ce
qu'il fait ou défend dans l'assemblée. Il est encore plus rare qu'il serve au moins à nous informer de ce qui se trame en coulisse. Les informations sont généralement sortis par ceux qui sont directement concernées par leurs effets.
Compliqué, pas tant que ça. Il y a deux grands blocs. Le Parti Socialiste Européen et le Parti Populaire Européen. A eux deux, ils ont une forte majorité de sièges. Les autres sont, suivant la nature des sujets, des forces d'appoint, ou des empécheurs de tourner en rond. Ce sont eux qui
provoquent les débats puisque par défintition, pour tenter de faire évoluer les textes, ils leur font convaincre, là où les autres s'appuient sur la logique arithmétique de leur effectif. Les directives présentées par la commission ne sont donc que marginalement modifiées.
Technocratique, c'est à peu prés ça. L'Europe se méle de tout, sauf de ce qui nous parait essentiel. Par exemple, de créer un smic européen pour éviter les effets dumpings entre pays du continent. D'harmoniser les politiques sociales par le haut pour établir une équité. De lancer une politique des grands travaux pour lutter contre le chômage. De définir une politique industrielle pour sortir de la crise dans le sens d'un développement durable. De penser les énergies de demain, alternative au nucléaire, dont l'uranium est, comme le pétrole, une ressource épuisable. etc... Ca fonctionne comme un tiroir caisse en distribuant des subventions aux régions et aux paysans.
Consensuel, c'est son plus grand défaut. Droite et gauche, comme en allemagne, gouvernent ensemble. Résultat, les décisions finales se colorent, dans le meilleur des cas, d'une tonalité de centre droit ou de centre gauche, quel que soit le président de la commission. Delors en son temps, ou Barroso aujourd'hui. Un député socialiste de plus, un député ump de moins, ne changent pas fondamentalement la donne. Quand 13 des 15 pays européens étaient dominés par les socialistes, ils n'ont d'ailleurs décider par exemple la création de service public européen dans les transports. Non, ils sont tous pour le traité de Barcelone, et tous acceptent la logique du marché. Sous Jospin, en France, on a davantage privatiser que sous Balladur. Et durant les présidentielles, je n'ai pas entendu parler de retour dans le giron du service public, d'EDF GDF.
Ainsi, cette absence de choix réels condamne l'Europe a resté un machin. Les électeurs voteront moins pour ou contre telle vision de l'Europe, que pour ou contre Sarkozy. Pour que l'Europe soit un enjeu, il est temps d'y réintroduire des options politiques, des partis alternatifs, et des débats de fond, avec des choix structurants pour nos sociétés.