Dimanche est à marquer d'un pierre blanche. Ce jour là, la Chine, comme les sites d'Hambourg et de Toulouse, devient officiellement un site d'assemblage des avions de la gamme A 320, l'avion le plus vendu au monde dans la catégorie des mono-couloirs. De quoi faire réfléchir aux évolutions en cours dans l'aéronautique européen.
L'usine en question est implantée au coeur de la nouvelle zone économique spéciale de Binhai sur la commune de Tianjin, à cent kms au Sud-Est de Péking. Dans ce site, on trouve déjà quelque quatre mille sociétés étrangères. Le site n'a pas été choisi uniquement pour ses avantages fiscaux. Il s'agit d'un port qui doit accueillir les bateaux par lesquels les éléments destinés à l'assemblage seront livrés. Airbus a en effet choisi la voie maritime pour ce mécano géant en raison des coûts de transport. A ce jour, l'entreprise compte deux cent quatre vingt dix salariés dont une centaine d'expatriés français et allemand. Les salariés chinois ont d'ailleurs été formés sur les sites d'assemblage de Toulouse et Hambourg. La société constituée avec les chinois est un joint venture qui a investit huit à dix milliards de Yuang ( entre 770 et 963 millions d'euros) dont Airbus detient 51% des parts. Le but est ainsi de garder le contrôle sur de possibles transferts de technologies non souhaités.
Au début, l'usine n'assemblera que quatre avions par mois. Mais elle devrait monter en puissance pour atteindre quarante quatre avions d'ici 2011 avec environ six cents salariés. La Chine assemblera ainsi les deux cents quatre vingt quatre appareils commandés à ce jour. Des avions pour un usage interne à la Chine donc le marché connait un taux de croissance de dix à vingt pour cent par an. Ce qui, dans vingt ans, devrait en faire le marché le plus important avec le marché américain. Les experts estiment en effet que l'Empire du milieu aura besoin de mille six cents à deux mille six cents appareils dans les vingt prochaines années.
C'est précisément pour cette raison qu'Airbus a cédé aux sollicitations de la Chine. Actuellement, Boeing detient un peu moins des trois quart du marché. La marge de progression du constructeur européen est donc grande à condition de fabriquer sur place. Ce qui constitue un atout face à Boeing qui n'a concédé que quelques sous-traitances. La stratégie dont l'application est visible aujourd'hui a été mise en place sous Noël Forgeard, l'ancien patron d'Airbus qui déclarait à Chine Actualité le 5 novembre 2005 : "A EADS, nous mettons la Chine au sommet extrême en matière de stratégie d'internationalisation. Nous voulons à travers des partenariats industriels, lier nos destins à celui de la Chine".
Cette délocalisation constitue doublement une première. Tout d'abord, c'est la première fois qu'un client assemble lui-même ses avions. Ensuite, le site est dans la zone dollar, là où précisement Airbus aspire à délocaliser le plus possible la fabrication de ses avions afin d'amoindrir ses coûts de production.
Lors de l'annonce de ce partenariat, les syndicats avaient émis des craintes vite tempérées par la direction d'Airbus qui expliquait que pour gagner des part de marché, il fallait désormais produire sur place pour atteindre l'objectif d'en détenir cinquante pour cent. De plus, "la chaine d'assemblage ne représente que quatre pour cent de la valeur totale d'un avion". Ce n'est donc pas là qu'on emploie le plus de salariés, les emplois localisés en France ne seraient donc pas menacés. D'autant que l'A 320 est en fin de cycle et que dans les bureaux d'études de Toulouse, on imagine déjà son successeur, forcément plus moderne et comportant davantage de matériaux composites.
Airbus a prévu de livrer les premiers éléments à assembler durant le premier semestre de l'an prochain. Le premier avion "made in China" sortira donc des ateliers dans le courant de l'année 2009.