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Psychiatre, psychothérapeute, écrivaine Franco Tunisienne, membre du Parlement des Écrivaines Francophones, Paris

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Billet de blog 18 septembre 2024

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La France pratique le communautarisme social et économique

Imane vient du Maroc, elle est spécialisée en finances et vit à Paris. Elle s'érige contre les questions identitaires omniprésentes, considère que la France est hypocrite dans ses doubles discours à la fois anti communautariste et discriminant. Elle est fière d'être d'origine Maghrébine mais elle aimerait qu'on la qualifie par ce qu'elle est : une femme indépendante et libre.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Imane a étudié la finance au Maroc. Après Paris, Bruxelles puis Londres où elle a vécu 13 ans, elle vit à nouveau à Paris où elle exerce un métier à hautes responsabilités. Elle avait choisi de quitter le Maroc pour poursuivre ses études supérieures dans un environnement « challangeant » et afin de vivre une expérience internationale.

La France a été son choix naturel du fait de la langue et de la familiarité avec la culture du pays.  Lorsqu’elle est arrivée à Paris, avant le passage à l’an 2000 elle a constaté qu’elle était loin d’être la seule Maghrébine dans les milieux des finances et de l’informatique qui géraient l’épineux passage numérique vers le 21e siècle.

La question identitaire, Imane l’a perçue de façon différente en France et en Grande-Bretagne. 

Les anglo-saxons avec lesquels elle a beaucoup travaillé ne demandent jamais l’origine de la personne du fait du prénom, du faciès ou de l’accent, cela peut se présenter le plus souvent après avoir établi un lien plus proche et dans ces cas-là, ils interrogeront l’origine des  parents. D’après elle, il serait très mal perçu que, comme en France , la question arrive rapidement. D’ailleurs les Britanniques issus de l’immigration se présentent et se sentent entièrement britanniques et lorsqu’ils le souhaitent disent « mes parents viennent de tel endroit » argumente-t-elle.  

Habituée à cette façon d’être, elle se dit choquée, en tant que franco-marocaine, fière de son origine maghrébine, de constater que les enfants dont les parents viennent du Maghreb et qui sont Français ne sont toujours pas considérés ni ne se considèrent comme Français. Elle déteste plus que tout le mot « rebeu » , comme s’il fallait les différencier d’une façon ou d’une autre.

Même si tout le monde se retrouve au travail, elle a bien conscience de l’existence du communautarisme en Grande Bretagne  dans le domaine privé : peu de mariages inter ethniques, la volonté de se retrouver le plus souvent en famille dans de nombreuses communautés, exception faite des Maghrébins qui se mélangent beaucoup avec les autres partout dans le monde précise-t-elle.

Les fêtes indiennes et pakistanaise sont à la fois célébrées au sein des communautés,  mais elles sont aussi promues par le pays tout entier. Cela leur permet d’être fiers de leurs origines et de les assumer. Elle considère que la France, tout en se défendant de pratiquer le communautarisme l’applique de façon évidente mais hypocrite : il est social, culturel et économique et basé sur les réseaux, dès les écoles que les personnes fréquentent.

A Londres, elle a vu bien plus de personnes venues d’ailleurs accéder à des postes à responsabilité qu’en France . Elle cite des managers qui n’avaient pas obtenu leur bac , mais qui, par l’expérience et le mérite parviennent à exercer des responsabilités importantes  lorsqu’en France le diplôme prime sur les compétences. 

Ces comparaisons l’agacent, elle qui a connu les deux systèmes, elle qui souhaite qu’on la reconnaisse uniquement par ce qu’elle est et non pas par ses origines ou ses traditions ou croyances supposées. En Grande Bretagne, elle n’a jamais ressenti le racisme et pour la première fois de sa vie, elle ne s’est pas sentie « l’immigrée. » Malgré une atmosphère très tolérante et ouverte, il existe évidemment du racisme en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, mais elle reproche au système français son hypocrisie, c’est-à-dire de ne pas appliquer ce qu’il prône, l’égalité, l’intégration. D’ailleurs au bout de quelques mois à Londres, ses collègues la qualifiaient de londonienne, tandis qu’un Parisien lui a dit un jour qu’elle pourrait vivre toute sa vie à Paris, pour autant, elle ne sera jamais vue comme une parisienne.

Plusieurs raisons l’on poussée à revenir à Paris,  après Londres, et tout particulièrement des raisons familiales, mais aussi un lien affectif avec la culture française qu’elle connaît plus que l’anglaise. Ses enfants se sentent autant anglais que Français, tout en étant aussi Marocains et  Imane est heureuse de ce mélange.

Du Maroc, elle tient à son héritage familial, ses valeurs culturelles, ses filles, de père français, ne parlent pas la langue arabe , mais sont très fières d’être à moitié marocaines.

Imane, est une femme de caractère et qui dégage une autorité naturelle et tranquille, et l’ont sent bien qu’elle n’ira pas par quatre chemins si une situation l’agace. Elle est également une femme libre et vit  intensément les moments présents: à Londres, elle s’intéressait à Londres, à Paris, elle est habitée par la capitale française et  elle n’est pas à l’affût de tout ce qui se passe dans son pays d’origine.

Pour elle les questions identitaires selon les origines ne la concernent pas car elle préfère qu’on la voie à travers sa personne, ce qu’elle aime et de comment elle aime vivre. Elle porte un nom arabe, vient du Maroc, aime boire, fumer, sortir,  a suivi de très bonnes études, exerce un beau métier, ses amis viennent de partout dans le monde, alors elle n’accepte pas qu’on la mette dans une case.

Ce n’est pas pour autant qu’elle n’est pas sensible au statut donné aux Maghrébins actuellement. Elle considère que ce sont les bouc émissaires de la crise économique dans pays occidentaux qui ne trouvent d’autres réponse que de mettre la faute de leur crise sur le dos des étrangers . « Pourtant les boulots qu’occupent les Maghrébins sont souvent ceux que les européens ne veulent pas occuper. »  En France, ce sont eux, en Grande-Bretagne , ce sont les pakistanais, indiens et européens de l’est… C’est tout simplement du racisme selon elle.  Le délit de faciès, elle en a eu une preuve vivante lorsqu’une de ses amies, marocaine , blonde aux yeux bleus passait inaperçue en France contrairement à elle, brune aux yeux marrons.

Trop de mensonges sur la Maghrébins, leur culture, leur civilisation, l’irritent au plus haut point : sauvages, violents, paresseux, incultes... Ces idées fausses atteignent les plus jeunes alors qu’elle pense que leurs parents comme le reste de la société devraient leur renvoyer une image de richesse multiculturelle, de l’importance de la dimension multi civilisationnelle, de leur générosité, leur joie.  Alors, sous prétexte de vouloir les intégrer, la représentation qu’on leur propose de l’origine de leurs parents est péjorative. Imane ne comprend pas la notion d’intégration absolue, « comme s’il fallait être tous pareils comme des robots  et dans le seul chemin imposé. »

Elle s’érige fortement contre cette façon qu’à la France de s’octroyer à bas prix la matière grise Maghrébine, formée de l’autre côté de la méditerranée: informatique, santé, ingénieurs, chercheurs. Seulement, ces gens-là ne sont pas traités avec mépris comme les personnes issues des banlieues dîtes difficiles. Elle se souvient que lorsqu’elle a ouvert un compte en banque pour la première fois à Paris, on  lui a fait des propositions qui montraient qu’elle était considérée comme un investissement sûr, du fait de son statut. 

En y réfléchissant bien, elle  trouve que les Maghrébins sont les meilleurs en adaptation , quels que soient les discours portés par les pays d’accueils, ils s’y habituent, y évoluent, et font tout pour réussir  et enrichir par leur présence les pays d’accueils, Imane en est un bon exemple. Dommage que beaucoup ne recueillent qu’ingratitudes eu regard des services rendus !

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