Fiers d’être Maghrébins
Le président et son gouvernement actuel sont à la peine face à une France qui remet profondément en question les institutions. Il leur faut donc une diversion, tisser une toile afin de piéger à nouveau l’opinion. Alors, Bruno le Maire, le premier, déroule la grosse ficelle de l’immigration et en particulier celle des Maghrébins. C’est une fois de plus faire insulte à l’intelligence des citoyens qui connaissent bien maintenant la politique du bouc émissaire. Seulement on doit se demander pourquoi les responsables politiques pensent que cette stratégie peut encore marcher.
Je vois une raison que je voudrais vous soumettre, elle est anachronique et humiliante, elle touche à la dignité des personnes : une image coloniale persiste dans les esprits surtout quand il s’agit des anciens colonisés. L’extrême droite, la droite, une certaine gauche faisant son beurre de la misère des « immigrés », aussi bien que certains médias, intellectuels, écrivains ou cinéastes, tous sont responsables du maintien de cette image dans l’imaginaire collectif.
À ceux qui qui osent encore tenir de tels propos, je voudrais dire que les Maghrébins, quelle que soit l’époque à laquelle ils sont venus en France, sont fiers d’avoir construit les bureaux dans lesquels vous siégez, fiers d’avoir tenu des commerces de proximité pour vous dépanner tard le soir, fiers d’avoir construit ces autoroutes que vous arpentez lors de vos ballades dans l’hexagone, fiers d’instruire les petits français, fiers de tenir l’hôpital public dans la crise, fiers de venir en aide aux personnes âgées, fiers de participer à la vitalité numérique française, fiers de participer à la recherche et à tout ce qui fait la fierté de la France.
Non, maghrébin n’est pas synonyme de précarité et d’aides sociales. Les faits sont là et ils sont têtus, mais vous les occultez. Alors que l’ascenseur social, certes aujourd’hui moins performant, et le système méritocratique, certes maintenant grippé, ont permis aux enfants de ces immigrés pauvres de changer de statut, alors que les maghrébins récemment arrivés en France sont essentiellement des diplômés de haut niveau, vous persistez à maintenir cette image coloniale éculée.
Si certains bénéficient d’aides sociales c’est en toute légalité et grâce à notre système de solidarité nationale, en tant que bénéficiaires et non pas en tant que maghrébins. Ce sont ceux qui ont participé à redresser le pays et leurs enfants qui sont accusés aujourd’hui de frauder l’état français, alors qu’ils sont aussi partie prenante de l'État.
Pour l’instant, ils sont encore silencieux. Peut-être sont-ils stupéfaits de voir la république à ce point dériver. Beaucoup partent ou pensent le faire. D’autres encaissent et avancent en attendant des lendemains plus gratifiants tout en continuant de travailler pour le pays. Et certains, de plus en plus nombreux font entendre leurs voix et affirment leur désapprobation face au discours ambiant. Nous le savons bien, cette atmosphère xénophobe ne touche évidemment pas que la France. Nous vivons là un moment général de repli identitaire mondial, un épisode dangereux de l’histoire qui peut coûter cher en vies humaines. Seulement la France reste aussi dans l’imaginaire collectif de ceux qui la rejoignent, la patrie des droits de l’homme. Elle paraissait solide sur ces principes d’égalité et d’humanisme et nous nous réjouissions de constater qu’elle restait un des derniers pays à résister aux sirènes du populisme. Malheureusement, aujourd’hui nous n’en sommes plus loin, comme en témoignent les discours actuels sur l’immigration.
La tactique de l’humiliation comme celle de la peur sont pourtant stériles et passent largement au-dessus de ceux qui sont visés. Ils travaillent, vivent et sont fiers de ce qu’ils apportent à la France et au reste du monde : leur intelligence, leur culture, leur civilisation. Je l’entends de plus en plus lors de mes consultations et je sens ce mouvement prendre de l’ampleur. Alors j’ai voulu m’en assurer. J’ai été à la rencontre de ces Maghrébins du monde. Huit femmes et hommes expatriés sur les cinq continents m’ont raconté leur parcours. J’ai été épatée par la capacité d’adaptation et l’ambition qui les porte ainsi que par la reconnaissance qu’ils rencontrent là où ils sont.
Je vous proposerai ici un portrait par mois d’un/e Maghrébin/e des cinq continents.
J’invite tous ceux qui manipulent l’image des Maghrébins à lire ces récits de vies. Ils n’auront alors d’autres choix, s’ils veulent rester audibles, que de quitter le lexique colonial lorsqu’ils parleront des ressortissants du Maghreb ou de leurs enfants.