En remontant l'avenue Talaat Harb ce matin, seuls les habitués du Caire pouvaient remarquer que quelque chose d'étrange se passait dans la ville : un silence et un calme tout à fait inhabituels. A l'heure où les boutiquiers ouvrent généralement leur rideau de fer, personne ou presque ne semblait prêt aujourd'hui à accomplir ce rituel. Si le mouvement Keffaya ("Ca suffit") avait lancé un appel à la grève générale et que sur Facebook, plusieurs dizaines de milliers d'internautes s'étaient donné rendez-vous dans le centre ville pour exprimer, tout de noir vêtus, leur ras-le-bol du régime, ce dernier a anticipé et a réussi à briser l'élan révolutionnaire qui flottait dans l'air. Les seuls attroupements de personnes habillées de noir étaient les bataillons de policiers anti-émeutes postés à chaque coin de rue ; pas la moindre parcelle n'avait été oubliée tant et si bien qu'il était impossible de se réunir dans le centre ville du Caire ce matin. Difficile de prendre la mesure de l'échec ou de la réussite du mouvement contestataire à l'heure qu'il est. S'il est certain que le pouvoir a réussi un coup de force en empêchant toute manifestation -- au Caire du moins -- il semble que le mot d'ordre lancé par le mouvement protestataire ait été largement suivi ce qui serait certainement une belle victoire pour l'opposition au régime. Reste à voir si ce mode d'action non violente peut se révéler suffisamment efficace pour contraindre, à terme, le régime à changer ses méthodes, rien n'est moins sûr. Seul un mouvement de grève générale prolongée pourrait avoir des conséquences économiques suffisamment lourdes pour forcer le régime à réagir positivement et à entreprendre des réformes structurelles importantes et indispensables. Malheureusement, le niveau de vie précaire de la majorité des acteurs -- ouvriers et petits employés -- et l'absence d'un système de solidarité financière entre eux, ne permet pas d'espérer que le mouvement de grève s'inscrive sur dans période aussi longue. A moins de n'avoir plus rien à perdre "le petit peuple égyptien" n'ira pas jusqu'au bout, il ne faut pas espérer qu'il abandonne sciemment le peu qu'il a, qui donc d'ailleurs pourrait le lui reprocher cela ?
Billet de blog 6 avril 2008
Ambiance de plomb au Caire
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