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Billet de blog 16 mai 2022

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Migrations environnementales #5 : désastre écologique à Nauru

La pression que l’activité humaine exerce sur la biosphère contribue au réchauffement climatique et rend certains lieux inhabitables. C’est le cas de l’île de Nauru, tristement célèbre pour la surexploitation de ses ressources et le gaspillage de ses richesses, où la vie est devenue presque impossible sur des terres dévastées.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Nauru est un îlot du Pacifique de 21,3 km2, situé en Micronésie, à 4 500 km au large de l’Australie. Quand les Européens y accostent en 1798, l’île est couverte de cocotiers. L’eau potable est rare et l’île connaît régulièrement des périodes de sécheresse. Mille à mille cinq cents Nauruans, répartis sur les pourtours de l’île, y vivent sobrement de la pêche, de la pisciculture et de la cueillette. Ils se lancent dans le commerce du copra (chair séchée de la noix de coco) avec les Européens.

L’exploitation des ressources par les Européens

Albert Ellis, de la compagnie anglaise Pacific Islands Company à Sydney, découvre par hasard la présence de phosphate à Nauru en 1899. Le minerai est de très bonne qualité et, employé comme engrais, répond aux besoins d’enrichissement des terres agricoles d’Australie. L’exploitation par sa société, renommé Pacific Phosphate Company, débute en 1907, en accord avec l’Allemagne car l’île est alors sous protectorat germanique. Les propriétaires nauruans touchent une rétribution et ce sont des immigrés chinois qui travaillent dans les mines à ciel ouvert. En 1920, Nauru passe sous mandat britannique : l’île est désormais administrée par l’Australie. L’extraction du phosphate s’industrialise sous la direction de la British Phosphate Commission.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, alors que le phosphate devient un enjeu stratégique car il entre aussi dans la composition des explosifs, l’armée japonaise occupe l’île. Elle y construit une piste d’aviation, des bunkers et exploite le phosphate avec 500 Nauruans. 1 200 autres sont exilés et parqués sur une autre île pour éviter la surpopulation sur Nauru qui rend la survie trop difficile à organiser. À la fin de la guerre, ils ne sont plus que 737 Nauruans vivants à revenir sur l’île, dont le paysage a été complètement transformé.

Les Nauruans reprennent possession des richesses

En 1948, la population nauruane ne touche que 2 % des revenus de l’exploitation. Quand le Nauruan Hammer DeRoburt prend la tête du premier conseil de gouvernement local nauruan en 1951, il entame des tractations pour l’autonomie de l’île. Arguant de la fin prochaine du minerai et du peu de ressources de l’île, le gouvernement australien fait une proposition de relocalisation de la population sur l’île Curtis en 1962, que les Nauruans refusent.

Le 31 janvier 1968, Nauru est autonome. C’est la plus petite république du monde avec ses 4 000 habitants. En 1970, elle devient propriétaire de la British Phosphate Commission, renommée Nauru Phosphate Corporation. Avec un produit intérieur brut (PIB) de 20 000 dollars par habitant, Nauru prend la tête du classement mondial des pays les plus riches. Le gouvernement nauruan décide d’intensifier l’exploitation du phosphate pour en investir les revenus et assurer l’avenir du nouvel État. Les propriétaires fonciers et les politiques deviennent millionnaires. L’État verse des intérêts aux Nauruans. Ils n’ont plus à travailler ni même à entretenir leur maison car le gouvernement rémunère des domestiques immigrés pour effectuer leur ménage. Les Nauruans deviennent oisifs et consommateurs. Ils achètent leur repas dans les boutiques tenus par des immigrés, se passionnent pour les automobiles et en possèdent plusieurs par personne pour leur loisir : faire des virées sur la seule route de l’île, qui en fait le tour en trente minutes. Ces modifications de leur mode de vie favorisent l’obésité et le diabète auquel ils sont prédisposés génétiquement.

Une île en perdition

En 1990, près de 80 % de l’île a été creusé et le phosphate est presque épuisé. L’île est éventrée, plus rien n’y pousse. Les arbres ont presque disparu. De plus, la corruption et la cupidité des dirigeants politiques ou de leurs conseillers ainsi que les placements hasardeux ont ruiné le pays.

Pour conserver son train de vie, la république de Nauru exploite diverses pistes pour générer de nouveaux revenus : emprunts, vente de ses biens, blanchiment d’argent, paradis fiscal, négociations auprès du Japon de sa voix à la Commission baleinière internationale (CBI) pour lever le moratoire contre la chasse à la baleine, hébergement de centres de migrants pour le compte de l’Australie, extraction en profondeur du phosphate par de nouvelles technologies… Les 11 000 habitants de Nauru sont sans ressources et dépendants des approvisionnements extérieurs, notamment en eau et en énergie. Le taux d’obésité est le plus élevé au monde quand le système de santé local se dégrade. Le pays s’enfonce dans la pauvreté alors qu’il subit de plein fouet les effets du réchauffement climatique. Les périodes de sécheresse se multiplient et l’élévation du niveau de la mer menace le littoral, seule partie habitée de l’île. Certains jeunes choisissent de s’expatrier. Le dernier espoir de la nation réside dans l’extraction de métaux dans les fonds marins autour de l’île, une activité dont personne n’est encore en mesure d’évaluer l’impact écologique.

Fabienne Charraire, Bpi

Plus d'articles sur le cycle de conférences « Migrants, réfugiés, exilés » à lire sur Balises, le magazine de la Bibliothèque publique d'information.

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