Du Chiapas mexicain à la terre de feu, des sommets andins à la forêt amazonienne, partout en Amérique la clameur des Indiens se fait entendre.
Les leaders de ces renaissances indiennes inattendues sont des célébrités dans le monde entier. Ils s'appellent Evo Morales Ayma (Bolivie), Raphaël Correa (Equateur) , Ollanta Humala (Pérou), Rigoberta Menchú (Guatemala) ou encore le sous-commandant Marcos (Chiapas, Mexique). Ils sont les bêtes « rouges » du grand capital autant que les égéries des post-communistes occidentaux .
L'ethnocentrisme occidental les assimile à une gauche radicale parrainée par le défunt oncle Chavez, le charismatique leader vénézuélien, un peu trop pompeusement présenté comme l'ennemi déclaré de l'oncle Sam (qui reste pourtant son principal partenaire économique).
L'opportunisme politique de la gauche radicale européenne, qui peut-être surjoue sa proximité avec les gauches indianistes pour mieux masquer ses propres défaites, n'est pas étrangère à cette impression, en partie fondée. Car il est indéniable que les présidents andins ont tous occupés des responsabilités au sein de syndicats marxistes avant leurs accessions au pouvoir.
Cet opportunisme est légitime tant les convergences en matière politiques, économiques et sociales sont proches . Pour s'en convaincre, voici un extrait d'un discours d'Evo Morales Ayma :
« Je veux dire aux frères d'Amérique et du monde entier : unis et organisés, nous changeront les politiques économiques qui ne contribuent pas à améliorer la situation des majorités nationales. A ce stade, nous sommes convaincus que concentrer le capital en un petit nombre de mains n'est en aucun cas une solution pour l'humanité ; concentrer le capital en un petit nombre de main n'est pas la solution pour les pauvres du monde entier. (…) Nous avons l'obligation de résoudre ces problèmes économiques engendrés par la privatisation et la vente aux enchères de nos ressources naturelles.(...) Les mouvements sociaux veulent continuer à avancer pour libérer notre Bolivie, libérer notre Amérique. La lutte que nous a léguée Tùpak Katari continue, sœurs et frères, et nous la continueront jusqu'à récupérer tout notre territoire. La lutte que nous a léguée le Che Guevara, nous allons l'accomplir, et jusqu'au bout. Cette lutte ne s'arrête pas, cette lutte ne se termine pas. Dans le monde gouverne les riches ou gouverne les pauvres (…) Soeurs et frères, grâce à votre vote, pour la première fois dans l'histoire bolivienne, les Aymaras, les Quechuas, les Mojeños sont présidents. Non seulement Evo est la président, mais tous nous sommes des présidents. Merci énormément. »
Mais l'idéologie et le romantisme de la gauche radicale européenne, qui trop souvent dans ces conceptions identifient l'indien contemporain au cliché du « bon sauvage » hérité de Pêro Vaz de Caminha (jusqu'à en faire une sorte de figure tutélaire de l’anticapitalisme par excellence) ne doivent pas obscurcir la nature singulière des affirmations identitaires amérindiennes qui secouent les Amériques. Car au-delà du poncif tant de fois éprouvé de la lutte contre l'impérialisme, c'est avant tout un formidable mouvement de décolonisation qui s'est enclenché depuis une vingtaine d'années.
« Sœurs et frères indigènes de Bolivie, des pays d'Amérique Latine et du monde entier : aujourd'hui depuis Tiwanaku, depuis la Bolivie, commence une nouvelle ère pour les peuples originels, une nouvelle vie dans laquelle nous cherchons l'égalité et la justice ; une nouvelle ère, un nouveau millénaire pour tous les peuples. […]
« Je suis très ému, convaincu que c'est seulement avec la force et avec l'unité du peuple que nous allons en finir avec l’État colonial.[...]
« J'assume cet engagement, dans ce lieu sacré de Tiwanaku, de défendre le peuple indigène originel, non seulement de Bolivie mais de toute l'Amérique. »
« Grâce à la Terre Mère, grâce à notre Dieu, la conscience a remporté les élections et maintenant la conscience du peuple va changer notre histoire, sœurs et frère (...) »
Les changements sociaux, politiques et économiques que génèrent les renaissances indiennes en Amérique du Sud sont, il faut bien le dire, absolument colossaux. La lutte contre l’ « État colonial » au profit de l'émergence d'un État-national pluriethniques n'est ni plus ni moins que le prototype d'une démocratie post-raciale, œcuménique, plus égalitaire et davantage respectueuse de son environnement : le modèle démocratique d'une société digne du XXIe siècle !
A ce titre , la Constitution bolivienne adoptée le 25 novembre 2007 est tout a fait exemplaire. C'est une des plus volumineuse au monde et ne compte pas moins de 431 articles ( la constitution française n'en compte qu'une petite centaine) dont une bonne trentaine dévolue rien qu'à la déclinaison des droits de l'homme (civils, politiques, économiques, sociaux et culturels!). En outre, les cosmogonies indiennes sont déclarées équivalentes à la religion catholique de même que l’État reconnaît toutes les langues indiennes comme équivalentes au castillan et projettent d'assurer au maximum un service d'éducation bilingue.
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