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Billet de blog 1 mai 2020

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SUR LE BORD D'UN VOLCAN ETEINT

Une véritable palette littéraire de tons, de sonorités et de couleurs, un fabuleux magasin des détours de l’esprit humain.

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Sur le bord d'un volcan éteint

Un roman de Jean-François Mézil

« Le truc est d’observer les autres du dedans », dit un personnage féminin. « […] fouiller leur intérieur avec les yeux… mais des yeux neufs. » La suite nous fait comprendre qu’il s’agit des « yeux du cœur ». Ce bref échange entre Geneviève et Étienne, professeurs dans un collège de ZEP, illustre l’esprit du roman de Jean-François Mézil. Son propos n’est-il pas de sonder les âmes, d’explorer les psychés, de radiographier les groupes saisis par la violence ? Il s’agit aussi de suivre pas à pas ce que la mort d’un adolescent peut engendrer de tragique et, hélas, d’opportun pour l’environnement social, politique et médiatique de l’établissement. Pourtant, dans cette « vie mode d’emploi » d’un collège lambda, l’humour n’est pas absent. Mézil y veille. Sourires, malice font scintiller les quatre cents pages et plus de son récit. En matière de politique et de médias, il ne cache pas son scepticisme. Pour lui, « l’information est une affaire de marketing », donc de commerce. La télévision ne trouve pas davantage grâce à ses yeux. Quant à la politique, il s’en méfie. Les parents d’élèves ne sont pas en reste d’une certaine confusion mentale, eux qui voudraient pouvoir « noter les profs ».

Mézil nous invite à éprouver la dérive du navire collège depuis ses coursives. Son récit possède la saveur fascinante de la catastrophe. Le brouhaha scolaire bien rendu nous rappelle de lointaines années, avec ce fourmillement, ce chaos juvénile, à la fois déroutant et attachant.

Verve et inventivité sont les marques de fabrique de ce roman dont l’auteur sait varier les tons et les souffles au gré des événements. Célinien parfois, comme dans le chapitre intitulé Réveil, avec ici et là quelques flux de conscience bien réussis. Mézil cultive la satire délicate. Critique, il n’a jamais la dent trop dure. On comprend pourquoi il a placé en exergue de son roman une citation du journaliste et romancier italien Curzio Malaparte qui s’y connaissait en matière de volcans et de déflagrations, lui que Mussolini avait envoyé voir sur l’île de Lipari s’il y était.

 Ce collège se présente comme une arche typologique des jeunes et des adultes. La barrière entre élèves et enseignants demeure visible. L’univers ‘transactionnel’ très représentatif est peuplé de caractères reconnaissables qui présentent toute une authenticité psychologique. Parents persécuteurs et enfants rebelles en côtoient d’autres qui se soumettent ou tendent vers davantage de maturité. Les événements sont là, quoi que l’on y fasse ; ils continueront d’exacerber les nerfs de tous.

 Nul doute, Jean-François Mézil aime les dialogues -- et nous les siens. Sa plume s’en délecte et s’en abreuve. Ils sont la dynamique propre à ce roman-fleuve composé dans une langue actuelle, fluide, détachée, parfois argotique, sans détours. La précision du langage n’est pas le moindre des mérites de ce texte rythmé, au souffle trépidant. On l’aura compris, Sur le bord d’un volcan éteint, est une véritable palette littéraire de tons, de sonorités et de couleurs variées, un fabuleux magasin des détours de l’esprit humain.

Pierre-Jean Brassac

Jean-François Mézil, Sur le bord d’un volcan éteint, Ed. Feuilles Fictions, 431 pages, 24 €

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